THIERRY CALVAT, sociologue, investi dans la reconnaissance et la valorisation du potentiel économique et social des personnes vulnérables

Sylvie Favier • 20 février 2022

Le Collectif 1310, pour une meilleure prise en compte des femmes vivant avec un cancer du sein métastatique.


Thierry Calvat

Président de Juris Santé, membre fondateur du Collectif 1310

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je suis sociologue de formation et je travaille depuis de nombreuses années sur le sujet des solidarités. J’ai dirigé la fondation Novartis, dédiée à la question des proches aidants, j’ai mené beaucoup d’études sur le sujet et j’ai co-écrit avec Serge Guérin un livre sur le droit à la vulnérabilité. Je suis donc professionnellement investi dans tout ce qui touche à la prise en compte et à la valorisation des situations de vulnérabilité, essentiellement sous l’angle de la santé.


Depuis 6 ans, je suis également président de l’association Juris Santé, dédiée à l’accompagnement juridique et socio-professionnel des personnes malades et de leurs proches.



En quoi l’objet du Collectif 1310 a-t-il motivé votre implication ?


Le Collectif 1310 est né en 2018 du rapprochement de quatre associations qui, défendant une cause commune – celle des femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique –, ont décidé d’unir leurs forces et de tirer le meilleur parti de leur complémentarité. D’autres associations s’associent progressivement au quatuor

fondateur : Juris Santé, Europa Donna, Life is rose et Patients en réseau. 


En tant que président de Juris Santé, je constate que l’on reçoit un grand nombre de demandes d’accompagnement dans ce domaine. Et de façon connexe, le cancer métastatique concentre toutes les caractéristiques extrêmes des pathologies chroniques : le risque de précarisation, le diagnostic vital engagé, la difficulté à concevoir des projets, la question de l’éligibilité aux nouvelles thérapies, etc. De ce point de vue, il intéresse le sociologue, car il représente un « modèle » qui allie une dimension vertueuse - amener une communauté de malades à vivre mieux - et une dimension durable - faire progresser une pathologie qui va permettre d’en faire progresser d’autres.

A quels besoins le Collectif 1310 répond-il ? Quel est son concept ?


En 2018 déjà, l’étude REALITES1 réalisée par Pfizer pointait un certain nombre de décalages entre ce qu’exprimaient les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique et la réalité médicale. C’était une pathologie à la fois létale et dont on parlait peu parce qu’elle faisait peur. Aujourd’hui, alors que le gain de survie ne cesse d’augmenter, la société ne dispose pas exactement de toutes les ressources organisationnelles et culturelles pour accueillir cette dynamique de chronicisation. Or, le cancer du sein métastatique cristallise toutes les adaptations qui favorisent l’acceptation par la société des pathologies qui se chronicisent.


Le premier point concerne donc le besoin de reconnaissance de la place de ces femmes dans la société : le cancer du sein métastatique ne doit pas être oublié ni du terrain médiatique, ni des politiques de santé publique. C’est l’objectif de l’action symbolique que nous menons pour faire du 13 octobre, journée mondiale du cancer du sein métastatique, une journée nationale. Pendant le confinement notamment, on a travaillé sur des thématiques (la charge mentale par exemple), pour mettre en perspective la place et le rôle des femmes qui vivent avec un cancer du sein métastatique.


Le deuxième besoin, c’est un meilleur accompagnement de ces femmes dans leur parcours de soin, par nature un peu différent : il s’agit par exemple, d’adapter le discours et la durée de la consultation lors de l’annonce d’un cancer du sein métastatique ou d’une récidive, ou encore de faciliter les démarches lors de l’orientation vers des soins de support.


Un troisième besoin est de pousser à une meilleure connaissance de la maladie, car paradoxalement, on dispose aujourd’hui d’assez peu de données.

L’action est systémique, fondée sur le principe de rassemblement des forces de chacune, à l’instar de la « Journée 13 engagée » que nous avons proposée le 13 octobre dernier avec diverses thématiques telles que le coaching, la recherche, la gestion du stress, etc. On peut décliner ce concept de mille et une façons…   

https://collectif1310.fr/

Depuis sa création, quels résultats le Collectif 1310 a-t-il obtenus ?


On parle de processus extrêmement longs et on part de loin ! On ne peut donc espérer des résultats qu’à long terme, mais nous saisissons toutes les occasions de porter le plaidoyer du Collectif auprès des pouvoirs publics et des patients directement.
Il y a des signaux favorables dans les communautés politique et scientifique : la présence de parlementaires dans nos événements, la réflexion en cours sur l’amélioration des consultations d’annonce, l’accueil positif par les professionnels de santé de la thématique de la charge mentale…


Nous sommes également bien suivis par les patients : pour preuve, la campagne #Méta, créée en collaboration avec Pfizer pour porter la voix de ces patientes, et la journée du 13 octobre 2021, avec les nombreux ateliers et conférences que nous avons proposés, ont connu un immense succès. 
Enfin, le Collectif 1310 joue un rôle de prescription certain : beaucoup de patients s’adressent à Juris Santé parce que l’association en est membre.



Quelles perspectives pour booster l’action du Collectif 1310 ?


La plus immédiate, c’est de renforcer la logique de la journée du 13 octobre. Plus on est nombreux, plus on pèse : les politiques n’agiront que s’ils sentent la pression des électeurs.


Un deuxième chantier serait de démontrer que l’expérience des femmes qui vivent avec un cancer du sein métastatique les a dotées de capacités particulières. On l’a vu pendant le confinement, elles ont globalement mieux vécu la crise sanitaire que le reste de la population. Parce qu’elles sont habituées à l’aléa, à la contrainte, au renoncement, elles sont plus adaptables dans un monde de pénurie. Dans notre vision d’un monde en expansion permanente, les malades sont en décalage parce qu’eux expérimentent un monde contraint. Mais si la situation s’inverse – et les années à venir, à n’en pas douter, seront faites de renoncements - ces mêmes malades deviennent source d’inspiration, avec un statut restauré dans la société ! 


De plus, la gestion de l’aléa est une compétence qui intéresse les entreprises ; il y aurait beaucoup à faire sur ce sujet.

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