AMARANTHA BARCLAY BOURGEOIS, Directrice de l'association nationale JADE Jeunes AiDants Ensemble

Agnès Diter • nov. 29, 2023

Une pionnière en France dans le soutien des jeunes aidants, en leur offrant des moments de répit et d’expression


AMARANTHA BARCLAY BOURGEOIS

Amarantha Barclay Bourgeois

Directrice de l'association nationale JADE 

Pouvez-vous vous présenter Amarantha ? 


Je m’appelle Amarantha Barclay Bourgeois. Je suis la maman de quatre jeunes filles de 25, 23, 20 et 12 ans. Ma fille aînée est polyhandicapée avec une restriction extrême de l’autonomie.



Au moment où j'ai eu mes autres enfants, je me suis interrogée sur l'impact que la vulnérabilité de leur grande sœur pouvait avoir sur elles. Et cela m’a amenée à réfléchir à la place et au rôle de la fratrie, lorsqu'il y a une personne vulnérable au sein d’un foyer.


 

Comment s’est ensuite construit votre engagement  ?

 

Je me suis d’abord engagée dans des associations liées à la lutte des droits pour les personnes en situation de polyhandicap. Ce fut l’occasion pour moi de rencontrer d'autres parents avec les mêmes problématiques. Eux aussi s'inquiétaient pour leurs autres enfants.


Avec certains, nous avons créé une petite association : le CAFEC. L’idée était de proposer des sorties ludiques aux enfants en situation de polyhandicap avec leurs frères et sœurs.

Comment avez-vous découvert le projet JADE ?


C’est le médecin qui s'occupait de ma fille qui m’en a parlé en 2014. Elle m’a expliqué que des ateliers cinéma-répit JADE étaient en train de se monter en Essonne. L’idée était d'offrir à de jeunes aidants un séjour pour souffler, s’exprimer au travers d’un média artistique, et rencontrer d’autres enfants dans la même situation. J’ai donc pris contact avec l’équipe qui organisait cela, sous l’impulsion de Françoise Ellien, psychologue clinicienne et directrice du réseau de santé pluri-thématique en Essonne. J'ai proposé cet atelier à l’une de mes filles. Elle venait de rentrer en 6e et vivait assez mal la gravité du handicap de sa sœur. Elle avait clairement besoin d’en parler.

 

J'ai trouvé ces ateliers absolument géniaux. J'ai même pris une claque, lorsque j'ai vu le bien que cela a fait à ma fille et aux autres jeunes !

J'ai aussi rencontré beaucoup d’enfants en situation d’aidant auprès d’un parent, notamment dans des familles monoparentales. Je me suis dit que c'était complètement autre chose : lorsque les enfants sont seuls avec une maman malade, ils peuvent être amenés à être extrêmement aidants.

J’ai donc rapidement dit à Françoise que je voulais m’investir dans ce projet.

Comment s’est concrétisée votre action au sein de l'association JADE  ?

 

Le dispositif a été expérimenté en Essonne pendant 3 ans. Puis, en 2017, nous avons créé l’association nationale Jeunes AiDants Ensemble (JADE).

Notre objectif était d’essaimer les ateliers JADE sur tout le territoire français. Aujourd’hui, 16 dispositifs sont labellisés JADE en France.

Nous nous sommes appuyés sur des acteurs locaux comme les UDAF, les ADAPEI, les PEP, les Plateformes de répit, etc. Et nous avons mis en place un programme de formation pour les accompagner dans la création d’un dispositif JADE.

En parallèle, nous nous sommes rapprochés, dès 2017, du Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé (LPPS) de l'université Paris Cité. C’est actuellement le seul laboratoire de psychologie à s'intéresser à la problématique des jeunes aidants.

CNAO

Comment s'organisent les ateliers cinéma-répit  ?

 

Ils concernent environ 25 enfants de 8 à 18 ans par dispositif sur une année scolaire, repartis par groupe d’âge : Les 8-13 ans et les 14-18 ans. Tous font un premier séjour aux vacances de Toussaint, et un second, en février. On les équipe d’une mini formation en audiovisuel.

Les plus petits racontent souvent leur histoire avec la méthode du stop motion. Les plus grands, eux, montent leur propre film, souvent sur ce qu’il se passe à la maison. Parfois, ils écrivent une chanson, tournent un clip vidéo, etc.

 

 

Quel est l’impact de ces séjours sur les jeunes aidants ?

 

Ces deux sessions permettent autant aux enfants de souffler que de s’exprimer. Et cela peut modifier la dynamique familiale. Très souvent les familles nous disent : “Ça a enlevé le côté tabou de la situation lié à la maladie. On est en capacité de comprendre, car on a vu le film de notre enfant qui vit mal tel ou tel moment”. Parfois, cela nous permet de renforcer l’aide au domicile, d’apporter une aide psychologique pour soulager le jeune.


 

Quels autres dispositifs propose l'association JADE ?

 

Nous avons aussi une plateforme qui s’appelle LinkAidants. Elle est avant tout un lieu d’information et de discussion entre jeunes aidants adultes (18-25 ans). Elle fournit des témoignages et des ressources fiables.


 

Que pensez-vous du concept de patient expert  ?


Quand on est aux prises avec une maladie, c’est extrêmement important de pouvoir échanger avec des personnes qui sont ou ont été concernées.

C’est aussi essentiel que les patients experts aient leur place dans un certain nombre de décisions prises par les pouvoirs publics. Infirmiers, médecins, patients, aidants, etc. Tous les prismes sont importants pour définir les actions auprès des personnes malades.

 

Petit à petit, on s’oriente d’ailleurs vers la même chose pour les aidants. Car, bien sûr, il n’y a pas d’aidant sans proche aidé et la parole du patient reste primordiale.

Aujourd’hui, le maintien à domicile est évoqué comme le Saint Graal de la prise en charge.

Simplement, elle se fait souvent sur le dos des aidants. Et les aidants doivent pouvoir avoir leur mot à dire, car, sans eux, le maintien du proche à domicile ne serait pas réalisable. Rappelons que parfois, ces aidants ont seulement 12 ou 13 ans ! Leur parole est donc extrêmement importante à écouter.

 

Aidant expert, aidant ressource ou partenaire, etc. Entamer cette reconnaissance, c’est le meilleur moyen de reconnaître la place de l’aidant, quel que soit son âge et quelle que soit la pathologie du proche aidé.

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