CHARLOTTE TOURMENTE, médecin, journaliste, vice-présidente de DareWomen et référente handicap en entreprise

Sylvie Favier • août 22, 2023

L’engagement de Charlotte, positive et volontaire, pour l’accomplissement personnel et professionnel des femmes en situation de handicap


CELINE FERON

Charlotte Tourmente

Médecin, journaliste, vice-présidente de DareWomen et référente handicap en entreprise

Pouvez-vous résumer brièvement votre parcours pour nos lecteurs ?

 

Après mon bac, j’ai choisi d’entrer en faculté de médecine. Mais alors que tout me prédestinait à être un médecin soignant les patients, à avoir une vie de couple et de famille classique, rien ne s'est passé comme prévu. A l’âge de 20 ans, au début de ma 3ème année d’études, on m'a diagnostiqué une sclérose en plaques (SEP) ; une maladie potentiellement très invalidante et d’autant plus angoissante qu’en 1996, il n’existait, pour réguler l’activité de la maladie, que deux ou trois traitements de fond ; on en a une quinzaine aujourd’hui. D’un naturel plutôt combatif, je me suis dit que cela ne changerait rien à ma vie et encore moins à ma carrière.


Mais j’ai vite été rattrapée par les poussées de la maladie qui m’ont laissé des séquelles, notamment des douleurs dans les jambes, qui limitent ma station debout et des accès de douleurs intenses et imprévisibles dans le visage que l’on appelle névralgies. Je souffre d’un épuisement chronique et d’une kyrielle de symptômes invisibles, comme des maladresses, des fourmillements, la moitié du visage cartonnée, des troubles du sommeil, etc.


J'ai néanmoins réussi à terminer la faculté de médecine, à devenir généraliste, mais pas à passer l'examen pour devenir spécialiste, du fait de poussées trop fréquentes. Il m’est apparu évident que j’étais incapable d’exercer mon métier en libéral. Cela a été un renoncement - au prix de grands moments d’angoisse - mais j'ai finalement réussi à réinventer ma vie professionnelle. Comme j’adorais écrire, je me suis formée au journaliste médical, j’ai travaillé quelques années pour l'émission de télévision "Le magazine de la santé" sur France 5 et travaille toujours aujourd’hui pour leur site, Allodocteurs.fr.


A la suite de la poussée la plus éprouvante de ma vie, associant une hémiplégie et une aphasie, j'ai décidé sur mon lit d’hôpital d'aller vers mon rêve de soigner les patients en me formant à la sexologie. Depuis 2019, je consulte comme sexologue, en libéral et sur la plateforme de santé sexuelle féminine Mia.co., avec un immense bonheur !

Comment avez-vous abordé l’accompagnement des patients dans la SEP et plus largement, dans le handicap ?

 

Aider les patients, c'est dans mon ADN, c'est la raison pour laquelle j'avais choisi la voie de la médecine. 
Depuis 2014, j'anime "Les chroniques de Charlotte" pour le site
SEP-Ensemble, lancé par Sanofi-Genzyme, et destiné aux patients qui ont une sclérose en plaque. Je partage mon expérience et celle d'autres patients inspirants. Au travers des articles, des podcasts et des vidéos, je cherche à distiller un état d’esprit positif, un peu d’humour, à faire découvrir d'autres parcours, exceptionnels ou ordinaires. Je partage également des astuces pour mieux vivre la maladie et montrer qu’il est possible d’avoir une vie épanouissante, même si c’est souvent plus compliqué avec une maladie chronique.


Grâce à ces chroniques et avec ma formation de sexologue, j’ai retrouvé un équilibre qui m’a encouragée à m’investir dans le monde associatif. D’abord dans le cadre d’un groupe de travail parlementaire pour améliorer la qualité de vie des personnes touchées par la SEP, créé grâce à la mobilisation de
La ligue française contre la sclérose en plaques auprès des pouvoirs publics. Puis au sein de SEP Avenir, une association qui a développé un concept de parrainage de patients dont je fais partie.


Et enfin au sein de DareWomen, fondée par Frédérique Picard-Le Bihan en 2019 à son retour des États-Unis où elle a été fortement impressionnée par l’audace entrepreneuriale des californiennes, et qui l’a convaincue que tous les rêves sont possibles. L’inclusion est au cœur de l’association dont l’objectif est de développer la capacité à oser chez les femmes. J’en ai accepté la vice-présidence parce que l'audace, l'engagement et la solidarité, qui sont les valeurs portées par DareWomen, sont les piliers de l'épanouissement professionnel, a fortiori quand on souffre d’un handicap. En 2020, nous avons fondé l'entité DareWomen Handicap dont j'ai pris la présidence parce que j'ai personnellement mesuré à quel point il est indispensable de lutter contre les préjugés. Tous les ateliers ouverts dans le cadre de DareWomen sont accessibles au pôle Handicap avec, en plus, d’autres thématiques spécifiques parce que chez les personnes handicapées, le chômage est quasiment multiplié par deux, et chez les femmes le temps partiel plus fréquent, l’accès aux études et aux formations plus compliqué. Le Défenseur des droits avait rendu un rapport alarmant à ce sujet en 2016. Il est donc nécessaire de développer notre audace, de nous inspirer des expériences d'autres femmes, de pouvoir compter les unes sur les autres, et d'acquérir des outils favorisant l'employabilité. C’est ce que proposent DareWomen et DareWomen Handicap.



Tout cela donne du sens à ce que j'ai vécu… Et pour être honnête, c'est très gratifiant de se sentir utile !

CNAO

La même année, vous avez publié "Sclérose en plaques et talons aiguilles" : pourquoi ce livre ? 

 

C’est sous l’impulsion d’un éditeur, qui s’est intéressé aux Chroniques de Charlotte, que j’ai écrit ce livre. C’est un témoignage destiné aux patients et à leurs proches, dans lequel je porte mon regard de patiente et de médecin sur la forme de la maladie la plus fréquente, dite récurrente-rémittente. Elle évolue par poussées - des crises avec apparition de symptômes divers - et c'est celle dont je souffre. L’autre forme - dite progressive - ne concerne que 15% des malades. La recherche et les progrès de la prise en charge de la forme récurrente-rémittente permettent de diminuer le degré d’invalidité.


J’ai également écrit ce livre pour sensibiliser à la SEP qui touche 120 000 français et qui est la première cause non traumatique de handicap chez l'adulte jeune. Je souhaitais aussi démonter les préjugés autour de la maladie chronique, comme le fauteuil roulant, la grossesse, la féminité...


Mais l’objectif premier de ce livre est, encore une fois, de montrer que l’on peut avoir une vie épanouie et riche en projets, même avec une sclérose en plaques. J’ai moi-même, par moment, eu du mal à y croire… : en 2010, j'ai eu cette poussée traumatisante, avec une hémiplégie sévère doublée d'aphasie, et entre 2000 et 2002, je souffrais tellement que je n’aurais jamais osé rêver de la vie que je mène actuellement. Chaque cas est un cas particulier et demande plus ou moins d'adaptations et de concessions, mais c'est vital de continuer à croire en son bonheur et en soi. C’est cet espoir que je souhaitais insuffler aux patients, notamment à ceux qui viennent de recevoir le diagnostic, ainsi qu'à leurs proches. Je prodigue des conseils pour mieux vivre les différents symptômes, mais aussi les coups de blues et la solitude, souvent indissociables de la maladie chronique.


 

D’autres projets d’actualité ?

 

Je viens de me former comme référente handicap grâce à l’Agefiph (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, ndlr) et m'investis dans le Comité Diversité & Inclusion créé l’année dernière par le Groupe Newen, mon employeur.


Dans le cadre de DareWomen Handicap, nous avons établi tout récemment notre feuille de route pour la fin 2023 et 2024. Nous souhaitons notamment pérenniser un rythme mensuel ou bimensuel pour nos webinaires et y attirer aussi des personnes non handicapées pour les aider à mieux réagir face au handicap. Dans les milieux professionnels, les comportements sont parfois durs et blessants vis-à-vis des personnes en situation de handicap ; plus que de la discrimination, c’est souvent de la maladresse qui peut être évitée avec une meilleure connaissance du sujet. Nous allons aussi tenter de créer des partenariats pour lancer des programmes de coaching ou de mentoring en faveur de l’employabilité des personnes en situation de handicap.


A titre personnel, je vais m’employer à me discipliner pour respecter un équilibre vie privée-vie professionnelle ! Trop de douleurs se sont manifestées ces dernières années et même si elles sont en amélioration grâce à un nouveau protocole de stimulation magnétique, l'équilibre reste encore précaire. S’il y a un message que j’adresse à tous, c’est qu’il faut prendre soin de soi-même pour pouvoir donner aux autres…

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