CELINE FERON, fondatrice de la start-up Apo Tech Care

Sylvie Favier • juil. 13, 2023

Apo, le compagnon des malades chroniques qui veille à un suivi personnalisé et participatif de la pathologie


CELINE FERON

Céline Feron

Fondatrice de la start-up Apo Tech Care

Quelques mots pour vous présenter à nos lecteurs ?


J'ai 36 ans et une formation prépa école de commerce. A la sortie de mes études, je me suis orientée vers la transformation numérique. J’ai d’abord travaillé dans de grandes entreprises, dans le domaine du marketing digital, avant de fonder Apo Tech Care, en novembre 2020. 


Je suis migraineuse depuis l'âge de 18 ans, j’ai été suivie par des neurologues au sein d’un centre spécialisé dans le traitement des migraines et céphalées. Les consultations avaient lieu tous les six mois, et j’en sortais toujours frustrée parce qu’à l’instant T, j’avais du mal à restituer tout ce qu’il s’était passé depuis le rendez-vous précédent et que les questions que j’avais oublié de poser allaient rester sans réponse jusqu’au rendez-vous suivant. Puisque je n’avais pas de vision d’ensemble sur la période échue, le médecin non plus ! J’ai ressenti le besoin d’être aidée pour pouvoir moi-même aider le médecin à mesurer et comprendre l’évolution de ma pathologie.



Quel a été le déclic qui vous a convaincue de vous lancer ?


Le jour de mon anniversaire, j’ai eu une crise terrible ! Et là, je me suis dit que je ne pouvais plus laisser la maladie impacter ma vie privée aussi violemment, qu’il fallait que je prenne les choses en main. Il se trouve que peu de temps après, j'avais une consultation avec un nouveau neurologue de la même structure. J'étais encore étudiante à l'époque et je sortais beaucoup le week-end, avec des nuits trop courtes et des horaires de sommeil décalés ! Et en abordant le contexte de vie avec le neurologue, il m’explique que la migraine aime la régularité et s’accommode mal des changements de rythme. Rien d’étonnant donc à ce mes crises surviennent le week-end ! Sur le moment, je suis tombée des nues car personne ne m’avait jamais dit ça, mais avec du recul, je me suis rendu compte que je n’avais jamais été capable de préciser en consultation que j’avais des crises principalement le week-end. 

Cet épisode m’a beaucoup fait réfléchir et à la consultation suivante, j’ai proposé à ce neurologue d’allier nos compétences pour créer ensemble un outil qui permette au patient de consigner toutes les informations sur ses crises en temps réel de manière à fournir au médecin une synthèse précise des événements qui se sont produits entre deux consultations. Rien de tel n’existait à l’époque et lui, convenait qu’il n’était pas aisé pour lui de définir la meilleure approche thérapeutique sur la base d’éléments trop parcellaires ou confus. Voilà comment le projet est né !



Quand et comment le projet a-t-il démarré ?


Dès 2018, mon associé, qui est développeur, m’a rejointe sur ce projet. Nous avons travaillé main dans la main avec les patients d’une part, pour comprendre comment chacun gérait sa pathologie et quels étaient leurs besoins ; avec les médecins d’autre part pour construire des questionnaires pertinents. 
Nous avons ensuite créé l’application, baptisée Apo parce qu’il s’agit d’un petit personnage qui n’est ni un humain ni un médecin, mais un assistant personnel, le confident ou le compagnon du patient, qui s’obstine à l’aider à prendre le contrôle sur sa pathologie. 


La version bêta d’Apo qui est sortie en 2019 a obtenu d’excellents retours. Encouragés par ces résultats et poussés par l’envie de mettre nos savoir-faire au service d’une cause - la crise de la trentaine peut-être ?! - nous avons décidé de quitter nos emplois respectifs pour nous consacrer entièrement à ce projet. Nous ne l’avons jamais regretté : les commentaires des utilisateurs qui nous disent à quel point APO leur est utile nous vont droit au cœur et nous donnent le courage de continuer !



À qui s’adresse APO ?


APO était initialement destinée aux migraineux, mais nous avons été amenés, au fil de nos rencontres, à développer d’autres modules. Le premier, qui nous a été suggéré par un neuropédiatre, concerne l’évaluation de la douleur des enfants non communicants, c’est-à-dire les enfants dans l’incapacité de verbaliser leur ressenti parce qu’atteints de troubles autistiques ou de polyhandicaps par exemple. Un autre module s’intéresse aux patients porteurs d’implants cochléaires pour optimiser leur rééducation et le transfert d’information avec l’orthophoniste grâce au suivi de l’effort d’écoute. Les quatrième et cinquième pathologies que nous adressons sont la pelade, pour le suivi des épisodes successifs de chute et de repousse des cheveux et, tout récemment, à la demande d’une ORL migraineuse utilisatrice d’Apo, les syndromes vertigineux (tels que la maladie de Ménière) dont j’ai découvert avec stupeur à quel point ils sont handicapants. 
Notre objet, c’est d’aider le plus grand nombre et le modèle peut être dupliqué à l’infini !

CNAO

Concrètement, comment fonctionne l’application ?


C'est une application que l’on peut télécharger gratuitement sur l'App Store ou sur le Play Store. Elle est assez simple d’utilisation, parce l’utilisateur va s’en servir quand il n’est pas au mieux de sa forme : soit au sortir d'une crise, soit pendant une crise pour la décrire. Il peut y enregistrer l’épisode, noter tout ce qui survient avant, pendant et après. C’est indispensable pour bien suivre ce type de pathologie en dents de scie et éviter l’hypervigilance. Après quoi Apo fait son travail de synthèse ; il analyse automatiquement les entrées du patient et puis présente au patient une tour de contrôle, un calendrier où tout va être inscrit, où il va pouvoir consulter des statistiques qui vont lui permettre de prendre du recul sur l’évolution de ses crises au fil des mois. L'utilisateur peut aussi accéder à diverses sources documentaires : par exemple, des articles ou des liens vers des associations de patients qui vont les aider à apprivoiser la maladie et à adopter une démarche proactive.  


Et surtout, l'utilisateur peut, à partir de l'application, envoyer à son médecin le jour de la consultation un rapport succinct qui contient les indicateurs nécessaires pour lui permettre d’identifier rapidement la bonne option thérapeutique pour son patient et d’ajuster le rythme des consultations en conséquence. Ce binôme, cette collaboration entre le patient et le médecin, c’est le vrai « plus » d’Apo et l’idée de départ. 

Je suis moi-même une des premières utilisatrices d’Apo et en toute objectivité, je constate les améliorations au niveau de mon propre vécu : davantage de sérénité au travail, des discussions constructives avec le médecin, des crises moins fréquentes… Pour le vivre par moi-même, je suis convaincue de l’impact positif de cet outil sur la qualité de vie.



Pour chaque pathologie, nous avons scrupuleusement étudié le contexte pour adapter l’outil au parcours de soin du patient. Mais le point commun, c’est la charge mentale inhérente à la maladie chronique et le risque d’hypervigilance, à guetter et analyser constamment le moindre symptôme, à tout noter sans toujours savoir faire la part de choses entre l’essentiel et l’accessoire. Apo est là pour libérer un peu le patient de cette charge.

Avez-vous d’autres projets en préparation ?


Un produit digital, c’est un produit vivant qui se construit dans le temps. Nous avons plusieurs milliers d’utilisateurs qui expriment leur satisfaction et un Apo Club dans chaque pathologie, qui est une communauté d’utilisateurs avec lesquels nous échangeons régulièrement pour améliorer les fonctionnalités de notre outil. Idem avec les médecins. Nous sommes très fiers d’avoir réussi à instaurer et à cultiver ces collaborations ouvertes qui apportent beaucoup d’idées.

Après, nous aimerions faire un pas de plus vers l’assistance et charger APO de préparer la consultation en hiérarchisant l’information, en formulant les questions. 


Nous aimerions aussi aborder la prévention secondaire (pour prévenir le développement de comorbidités) et tertiaire (pour traquer des progressions dangereuses et rétablir la situation à temps).
Enfin, je rêve qu’APO contribue à la recherche, en facilitant la participation des patients chroniques aux projets de recherche. Un grand nombre d’entre eux le souhaitent et tous espèrent que les générations à venir pourront disposer de solutions thérapeutiques.

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