SEVERINE MARTIN, de Dégom’Crab au Salon des K Fighteuses

Sylvie Favier • 29 mars 2022

Les acteurs de la résilience, du virtuel au réel


Danièle AUBANEL

Séverine Martin

Fondatrice de Dégom’Crab,
initiatrice du Salon des K Fighteuses

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je m’appelle Séverine, je vais bientôt avoir 45 ans, j’habite en région lyonnaise et je suis maman de deux grands enfants de 18 et 20 ans. J’étais assistante sociale en milieu psychiatrique et il y a 5 ans, j’ai eu un cancer du sein, que j’ai découvert par autopalpation. S’en est suivi une année de traitements assez classiques : chimiothérapie, radiothérapie, mastectomie, immunothérapie, hormonothérapie (aujourd’hui encore), puis trois chirurgies de reconstruction mammaire. 


En 2017, j’ai créé l’association Degom’Crab, avec pour seul objectif de récolter des fonds au profit de la recherche médicale. Auparavant, j’avais créé un groupe privé sur Facebook pour donner des nouvelles à mes proches, que j’ai ensuite rendue publique et partagée avec d’autres personnes. De fil en aiguille, je me suis prise de passion pour les réseaux sociaux, jusqu’à vouloir en faire mon métier. A la fin des soins et avant la chirurgie reconstructrice, j’ai décidé de ne pas reprendre mon métier d’assistante sociale et de me former à celui de community manager. Je l’ai exercé dans un premier temps au sein d’Ozalys, grâce à sa fondatrice Isabelle Guyomarch (elle-même touchée par un cancer du sein) que j’avais eu l’occasion de rencontrer.


J’ai travaillé ensuite pour d’autres clients et élargi mon offre au coaching et à la formation. C’est une activité à temps plein, que j’exerce aujourd’hui à mon compte. Je gère en parallèle l’association, dont le salon des K FIGHTEUSES lancé en 2018. J’ai cédé la présidence à ma mère en 2020.

Comment est née l’idée de ce salon des K Fighteuses ?

Lorsque je suis tombée malade, j’ai découvert par hasard Lili Sohn, auteure de la BD La Guerre des tétons, sur les réseaux sociaux. Sa manière d’aborder le cancer - qui reste très négativement connoté - et son humour ont été pour moi une véritable bouffée d’oxygène ! …
J’ai ensuite découvert Les Franjynes, Mister K… et d’autres initiatives encore, qui portaient toutes un regard positif sur la maladie.


J’ai eu envie de rencontrer en vrai toutes ces personnes qui étaient des exemples de résilience ! Après un cancer, les priorités changent et bien des portes se ferment. J’ai eu l’idée de les réunir, pour passer du virtuel au réel et pour montrer que l’on peut rebondir après la maladie. Je me suis appuyée sur l’association pour solliciter l’aide du Centre Léon Bérard, où j’ai été soignée. J’ai eu la chance d’être suivie sans hésitation par l’équipe de communication qui m’accompagne dans la préparation de l’évènement. La première édition a eu lieu en 2018, la deuxième en 2019. Et après deux années d’interruption, en raison de la crise sanitaire, la troisième édition se tiendra le 18 mai 2022.



Quel est le concept du salon des K Fighteuses ? Comment évolue-t-il d’année en année ?


Le Salon des K Fighteuses est à l’origine un mouvement de femmes (mais aujourd’hui ouvert aux hommes !) touchées par le cancer qui ont souhaité donner du sens à l’épreuve de la maladie et se réinventer. Elles veulent également faire évoluer le regard sur la maladie en communiquant différemment sur leur vécu. Elles contribuent par leurs initiatives au soutien collectif. Le salon se veut un lieu d’échange et de partage entre elles, avec les patientes, les proches, les soignants, autour d’un fil conducteur qui est la résilience.


Chaque année, en marge des stands, le salon propose des ateliers, animés par des exposantes ou des professionnels de santé, sur des thématiques variables. Cette année, par exemple, il y aura un atelier méditation, avec Émilie Euillet, qui a conçu l’application Je me pause, un atelier hypnose, avec Isabelle Flye Sainte Marie, auteure de L’Hypnose en soutien d'une longue maladie. Des professionnels de Léon Bérard interviendront aussi sur la nutrition et les troubles neurologiques liés aux traitements. Ce ne sont que quelques exemples car le programme officiel n’est pas encore défini.


Il y a deux temps forts également récurrents et fortement symboliques : une photo de groupe qui réunit tous les exposants à midi et en clôture, une zumba d’une vingtaine de minutes, dirigée par les professionnels de l’APA de Léon Bérard à laquelle peuvent participent exposants, soignants et même patients ! La soirée est l’occasion d’innover chaque année. Cette fois-ci, nous présenterons un documentaire émouvant et drôle, intitulé Ma vie avec mon meilleur ennemi, dont l’objectif est tout à fait concordant avec celui du salon : donner une autre image de la maladie. La diffusion sera suivie d’un échange avec le producteur, les quatre témoins qui prennent la parole dans le film (dont je fais partie) et la réalisatrice Christine Doridon.

Cette année nous proposerons deux initiatives totalement inédites. Tout d’abord une œuvre collaborative, sous la houlette de Camille Esayan, directrice artistique, touchée par une tumeur endocrine. Il s’agira pour les participants d’exprimer sur une toile ou un mur leur représentation de la résilience. L’objectif est d’insuffler l’énergie du salon des K Fighteuses de manière permanente car l’œuvre va rester au Centre Léon Bérard.


Et puis nous allons lancer début avril un concours sur les réseaux sociaux où les participants devront exprimer ce qu’est la résilience pour eux au travers d’une création personnelle - poème, dessin, photo… Nous présélectionnerons 10 finalistes que nous soumettrons au vote des internautes et les trois mieux notés se verront offrir, le jour du salon, une mise en beauté par les socio-esthéticiennes du Centre, un shooting photo et un tirage en grand format.

Quels retours avez-vous de ce salon ? Quels en sont les facteurs de succès ?

Dès sa première édition, le salon a obtenu un franc succès : 20 à 25 stands et environ 300 visiteurs. Il a d’ailleurs été primé au Festival Communication Santé de Deauville.


Le salon profite aux personnes qui sont en soin ce jour-là (il y a 150 chimios par jour à Léon Bérard !) et à leurs accompagnants, mais on y vient aussi de toute la Région Rhône-Alpes et parfois de plus loin, car il attire les membres de la communauté qui s’est créée sur les réseaux sociaux, qui sont en contact régulier, et qui ont envie de se retrouver « en vrai ». La rencontre physique, c’est le ressort principal de cet événement !
Quant aux soignants, qui accompagnent les malades dans des périodes compliquées, ils le perçoivent comme une perfusion d’espoir, parce que tous les exposants ont trouvé le moyen de se réinventer, de donner du sens à l’épreuve du cancer !



Qu’aimeriez-vous développer autour des K Fighteuses à l’avenir ?


Je voudrais déjà continuer à organiser chaque année le salon des K Fighteuses.

Et aussi réitérer l’appel à projets Osez la résilience que j’ai lancé les deux années où le salon n’a pas pu se tenir. C’est un coup de pouce aux personnes qui ont envie de faire autre chose après la maladie, mais n’osent pas ou ne savent pas comment se lancer. Les lauréates ont bénéficié d’une interview par notre partenaire We are patients pour plus de visibilité, d’un accompagnement d’un an par Wecare@work ou Assopreneur et d’une dotation de 500 € ; elles ont pu ainsi concrétiser leur projet de résilience. On a reçu une vingtaine de dossiers chaque année.

Mais tout cela demande du temps et des ressources, financières et humaines…

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