SEBASTIEN KUBLER, patient-expert, concepteur de onStEPs™ et représentant des usagers

Sylvie Favier • mars 21, 2022

Faire de la pratique sportive l’alliée de tous les handicaps


Danièle AUBANEL

Sébastien Kübler

Patient expert, concepteur de onStEPs™ et représentant des usagers

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


J’ai 46 ans, je suis marié et père de trois filles. J’habite au sud de Toulouse. J’ai toujours été très sportif, je pratiquais le rugby à haut niveau et jusqu’en 2000, j’avais de grandes ambitions. Et puis, à l’âge de 24 ans, au lendemain d’un match de rugby, je me suis retrouvé paralysé de la tête aux pieds, avec une perte de sensibilité totale. J’ai été hospitalisé et quatre mois plus tard, le diagnostic m’a été annoncé de manière assez brutale : sclérose en plaques. Il faut se replacer dans le contexte médical de l’époque : on ne disposait pas des traitements actuels et il n’y avait pas de suivi comparable. Il a fallu que je réapprenne à marcher, à me tenir debout.


Cela ’a été un parcours long et compliqué, d’autant que j’étais dans une forme de déni de la maladie, avec un seul objectif : revenir à ma passion, c’est-à-dire à ma vie sportive. Mais devant les difficultés, trois ans après, j’ai craqué et plongé dans une dépression. C’est le Pr Clanet, neurologue à Toulouse, qui a su trouver les mots pour me donner la force de réagir et provoquer le déclic qui allait déterminer l’engagement de ma vie : me servir de mon expérience pour aider les autres victimes de la SEP. 


Aujourd’hui, j’ai tiré un trait sur la carrière de kiné à laquelle je me destinais et sur la compétition sportive, mais je n’ai renoncé à rien. J’ai relevé le défi de devenir pompier volontaire et mes activités actuelles me permettent de satisfaire mes appétences à la fois pour l’univers social et paramédical et pour l’activité physique. Différemment.



Quelles étaient vos motivations profondes ?


Je croyais devoir abandonner définitivement le sport et c’est ce qui m’a permis de me relever ! Donc avant tout, je voulais montrer que le handicap, quel qu’il soit, n’empêche pas l’activité physique, et que c’est aussi le moyen d’échapper à l’isolement auquel la maladie vous pousse. C’est pour cela que j’ai d’abord créé l’association SEP’ossible, avant d’entreprendre d’autres actions dans le domaine du sport. C’est le fondement-même de mon combat aujourd’hui ; j’aime créer des projets pour amener les malades à vivre des choses qu’ils croyaient inaccessibles.


Ensuite, j’ai voulu témoigner du besoin d’humanité dans la relation patient-soignant. J’ai beaucoup fréquenté les hôpitaux et j’ai bien sûr bénéficié de la technicité irréprochable des médecins. Mais j’ai été marqué par leur posture froide d’observateur, la distance instaurée par le jargon médical, les visites éclairs faute de temps et de personnel… Vous, quand vous êtes dans votre lit d’hôpital, vous êtes diminué, vous avez peur, vous avez plus besoin d’être rassuré que de connaître la molécule que l’on va vous administrer. Il suffit de peu de choses pour établir un contact plus humain. C’est ce qu’il faut expliquer aux futurs professionnels de santé et qui manque à leurs cursus.       

Votre engagement auprès des patients a pris de multiples formes. Comment s’est-il construit ?


C’est une succession de rencontres et de défis, pour lesquels j’ai eu la chance de pouvoir compter sur le soutien de ma femme, de ma famille et de ma belle-famille. Grâce à ma rencontre avec le Pr Clanet, je suis entré en contact avec le réseau de santé Midi-Pyrénées SEP. J’ai participé à des groupes de parole, je suis intervenu à l’INSTitut d’Éducation Permanente (INSTEP Occitanie) qui intègre toutes les maladies neurodégénératives (SEP, mais aussi Alzheimer et Parkinson).


Par la suite, j’ai passé le DU de Démocratie Sanitaire à l’UPCM (Université Pierre et Marie Curie) et, sur la suggestion du président de la Ligue française contre la sclérose en plaques (LFSP), j’ai suivi une formation de patient-expert à l’Université des Patients-Sorbonne pour participer à des programmes d’ETP (Education Thérapeutique du Patient) et une master class de formateur occasionnel dans les formations de soignants. 
Là, j’avais gravi une marche de plus qui confirmait ma légitimité à représenter les patients dans les organes de santé et les instituts de formation. 
C’est dans ce contexte que le laboratoire Merck m’a contacté pour porter le projet onStEPs™, une application pour laquelle j’ai conçu des exercices et des programmes pour accompagner les patients dans la pratique d’une activité sportive adaptée à leur handicap. Cette application a reçu le prix Coup de Cœur au Festival Santé de Deauville en 2017, dont je suis maintenant membre du jury. 


J’ai ensuite été sollicité par l’Institut de formation en Ergothérapie de Toulouse, où j’interviens énormément aujourd’hui, puis par l’IFSI (Institut de formation en soins infirmiers) de Pamiers, de Castres, puis de Toulouse. Je travaille avec le Pôle Ressources régional des maladies neurodégénératives Occitanie (PMND), qui vient en appui des ressources territoriales de proximité pour optimiser la prise en charge des patients. 


Depuis un an et demi, je suis également président de la Commission des usagers de la Clinique d’Occitanie de Muret et je me plais à me faire l’avocat à la fois des patients et des soignants, parce qu’on ne peut pas avoir une vision réaliste au travers d’un seul prisme. 

Enfin, j’ai voulu reproduire dans les Pyrénées l’idée que mon ami Benjamin Veltin avait mise en œuvre dans les Vosges : offrir une bulle de liberté à des patients atteints de SEP dans le cadre d’une journée ou d’un week-end de ski. Depuis 4 ans, ces journées s’organisent avec la station des Angles et connaissent un succès grandissant (450 présents et 60 participants à la dernière session).

Des perspectives dans un avenir proche ?


Ma nature et mon état d’esprit veulent que je m’ennuie si je n’ai pas un objectif à atteindre ! 

Alors je voudrais m’investir davantage dans l’ETP et je prépare des examens pour monter en compétence en tant que pompier volontaire.

Côté sport, devant l’engouement général suscité par les week-ends de ski, j’envisage avec l’adhésion du directeur des Angles, de les ouvrir à d’autres pathologies pour en faire le plus gros événement des Pyrénées. 


Et puis, j’organise un nouvel événement pour le mois de juin si possible : il s’agit d’un périple en VTT de Toulouse à Perpignan, qui longera le Canal du Midi, puis le Canal de la Robine, avec diverses étapes qui permettront aux participants qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas s’engager sur l’ensemble du parcours, de rallier le groupe en cours de route. A l’arrivée, à Perpignan, il y aura un événement de grande envergure, organisé autour de plusieurs disciplines handisport. 

Les idées ne manquent pas ; mais le nerf de la guerre, c’est le financement ! Je me bats pour trouver des partenariats et je remercie les laboratoires, sans qui aucun projet ne verrait le jour.

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