AURELIE DE LA MOTTE ROUGE, Présidente et Fondatrice de l’association OSE !

Albane Pariset • avr. 04, 2022

Des séjours thérapeutiques au profit de personnes atteintes de cancer du sein métastatique


Danièle AUBANEL

Aurélie de la Motte Rouge

Présidente et Fondatrice de l'association OSE !

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


J’ai 45 ans et je vis en Bretagne dans un cadre très agréable à côté de Rennes. J’ai trois garçons et un mari onco-sénologue. J’ai eu plusieurs parcours professionnels à la fois par choix et aussi par contrainte. J’ai acquis des compétences et des expériences très diverses et complémentaires. Après avoir exercé dans la restauration et le tourisme d’affaires, j’ai repris des études de droit pendant 10 ans pour devenir huissier de justice. Mais en 2014, à 37 ans, je suis atteinte d’un cancer du sein et j’ai dû interrompre ce parcours. Après une année de soins, je souhaitais me former pour être professeur des écoles.


Mais à 40 ans mon cancer m’a rattrapée, il est devenu métastatique. Je découvre alors un quotidien plus compliqué, rempli de difficultés aussi bien psychiques que physiques. Les échanges entre paires, les rencontres et les partages m’ont appris à reprendre confiance en la vie et en moi. Ma pathologie est stabilisée depuis septembre 2017 et j’ai une vie à peu près normale. J’ai appris à vivre avec.


J’ai bien conscience que j’ai eu un accompagnement exceptionnel. D’abord, vivre avec quelqu’un qui sait, mon mari, m’a permis d’échanger au quotidien quand j’en avais besoin. Ensuite, j’ai pu mesurer l’engagement des professionnels des soins de support et l’importance de lieux de vie comme la Maison des patients à Curie-Saint Cloud.



Comment votre engagement s’est-il construit ?


C’est « lourd » de vivre avec la charge mentale et émotionnelle de la maladie. Il faut arriver à rebondir, à s’adapter et c’est difficile.  Grâce au progrès dans la prise en charge du cancer du sein métastatique on peut parvenir à continuer son travail ou conserver sa place dans la société, même si ça pose des problèmes. Chaque personne doit trouver sa propre manière de s’adapter au  pronostic. Nous n’avons pas de pouvoir réel sur l’avancée de la maladie mais nous avons le pouvoir de ce que nous pouvons faire de ce supplément de vie. C’est encore ajouter une charge à la vie. Il faut avoir du recul et du temps pour revoir ses priorités.

Je me suis rendu compte de l’importance de créer cette bulle de réflexion lorsque j’ai eu la chance de bénéficier d’un séjour post-cancer, avec l’association « A chacun son Everest » en 2015. Ce séjour m’a appris à prendre de la distance, à surmonter mes peurs et prendre ma santé en main par la pratique d’activités qui me ressourcent et sont indispensables à mon équilibre. Ce type de séjours n’existe pas spécifiquement pour les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique. Du coup cette idée à commencer à me titiller. J’ai petit à petit appris à m’ouvrir aux échanges entre pairs et cheminé dans ma réflexion avec la maladie. Tout ce que je ressentais (les questionnements, les besoins de soutien, le manque de reconnaissance), étaient exprimés dans la communauté de patientes que j’ai rejointe.



Parlez-nous de votre projet ?


J’ai fermement envie d’aider les patientes à reprendre des forces et trouver les ressources appropriées pour qu’elles puissent continuer à construire leur vie avec élan, espoir et fierté. Je me suis appuyée sur mon expérience de la maladie, mes compétences professionnelles, mon réseau de patientes et l’expérience médicale de mon mari pour créer des séjours thérapeutiques destinés aux patientes atteintes de cancer du sein métastatique.

 

Remporter l’appel à projets « Oser la résilience » m’a donné l’impulsion pour créer l’association. J’ai alors fondé OSE ! en septembre 2020. Aujourd’hui, nous sommes trois femmes ; Carole, Catherine et moi, atteintes d’un cancer du sein métastatique, à développer l’association. Nous avons organisé le premier séjour un an après, en septembre 2021.

 

Entourées d’une équipe soignante et grâce à des partenaires engagés, nous avons accompagné huit participantes, toutes atteintes de cancer du sein métastatique lors du premier séjour. Ce séjour se déroule sur 6 jours, en Bretagne, avec pour objectif d’améliorer la qualité de vie.


Son objectif s’appuie sur trois dimensions:


  • Psychologique : accepter, et parvenir à rebondir et à s’adapter,
  • Physique : s’approprier des principes d’une alimentation santé saine, et avoir une activité physique adaptée,
  • Sociale : se réadapter à la société, à la famille et à l’activité professionnelle quand c’est possible.


Toutes les activités et tous les ateliers durant le séjour sont conçus pour permettre à chacune de sortir de l’isolement qu’entraine la maladie et pour répondre à un besoin réel d’échanger sans crainte et sans tabou. Un cadre cocooning, et beaucoup de bienveillance permettent d’offrir des soins de support à celles qui n’y ont pas accès près de chez elle. Les retours très positifs des participantes après ce premier séjour nous ont convaincues de poursuivre ce projet.

Aujourd’hui quelles sont vos prochaines étapes ?


Nous savons, par une enquête que nous avons réalisée, que 80% des femmes interrogées atteintes de cancer du sein métastatique souhaitent bénéficier de ce type de séjour. Sur les trois organisatrices, deux d’entre nous (dont moi), ont débuté en septembre le DU de patients partenaires à l’Université des Patients de la Sorbonne. Nous soutenons notre Mémoire en juin 2022. Nous travaillons aujourd’hui sur notre positionnement en tant que pair-aidantes pour améliorer encore notre accompagnement pendant les séjours. Le processus d’engagement pour les participantes aux séjours est simple. Elles s’inscrivent directement auprès de notre association quand elles en ressentent la motivation, et nous vérifions avec elles qu’elles n’ont aucune contre-indication à venir.  Nous devons les accompagner, beaucoup échanger pour être assurées que leur séjour va leur être bénéfique.


Nous souhaitons continuer à faire bénéficier de la gratuité des séjours pour les patientes (nous demandons juste une participation de 100 euros). Nous travaillons donc sur l’engagement de partenaires à nos côtés et sur la communication afin de faire connaître et partager notre projet et nos missions aux professionnels de santé et aux patientes. Notre ambition est de parvenir à proposer plusieurs séjours par an. Le prochain est prévu en septembre 2022.



Comment parvenir à s’engager dans un tel projet ?


Aujourd’hui je me sens alignée et utile. Bien sûr ce projet donne du sens à ma vie. Mais il me demande aussi beaucoup de temps et d’énergie. Il m’oblige à revoir sans cesse mes priorités par rapport à ma santé et ma famille. Le mélange n’est pas toujours savant surtout quand je suis fatiguée ;-). Mais je suis heureuse, remplie, de pouvoir mettre tout ce qui me compose (mon énergie, mes compétences, mes vécus,) au service des autres. Ce qui se passe lors de ces séjours est profondément humain. Ils nous nourrissent bien plus que ce que nous leurs donnons.


par Agnès Diter 26 févr., 2024
Changer le regard sur le virus du SIDA, en faisant témoigner des personnes vivant avec le VIH
par Sylvie Favier 04 févr., 2024
La technologie à la portée de l’extrême vieillesse
par Sylvie Favier 10 déc., 2023
Une école sur mesure pour les enfants avec des troubles du neuro-développement : le parcours votif d’une mère
AMARANTHA BARCLAY BOURGEOIS, Directrice de l'association JADE
par Agnès Diter 29 nov., 2023
Une pionnière en France dans le soutien des jeunes aidants, en leur offrant des moments de répit et d’expression
BEBECCA BILLY, coordinatrice à La pause Brindille
par Agnès Diter 16 oct., 2023
Mettre un rayon de soleil dans la vie des jeunes aidants.
LISE MOLIMARD, chef de projet Académie des AJA, association Aïda
par Damien Dubois 21 sept., 2023
Échange entre deux citoyens engagés après été touché par un cancer en tant qu'Adolescent Jeune Adulte (AJA)
par Damien Dubois 03 sept., 2023
Ou comment passer d’un « schizo-out » à la reconnaissance du statut de Médiateur santé pair
CHARLOTTE TOURMENTE, médecin, journaliste, vice-présidente de DareWomen
par Sylvie Favier 22 août, 2023
L’engagement de Charlotte, positive et volontaire, pour l’accomplissement personnel et professionnel des femmes en situation de handicap
Show More
Share by: