SANDRINE VITRY, Représentante des usagers
Défendre les patients en cas de dysfonctionnements à l’hôpital
Sandrine, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?
J’ai 56 ans. J'étais professeure en BTS audiovisuel, réalisatrice et monteuse, jusqu’à un cancer du sein très agressif en 2007. J’ai vécu ce premier cancer comme un simple accident de la vie. J'ai d’ailleurs continué à travailler après une semaine d’arrêt pour vomir. J’ai récidivé rapidement, à peine un an après, avec un cancer plus généralisé et un pronostic vital engagé. Cette fois, niveau énergie, j’étais séchée. J’ai dû arrêter d’être intermittente du spectacle tout en restant professeure dans un premier temps. Cela a été très dur physiquement et je n’ai pas tenu. J'ai été déclarée inapte à la fonction d'enseignante. J’ai essayé de travailler dans le e-learning et les programmes éducatifs mais j’ai été licenciée et je me suis mise en arrêt longue maladie.
Avec mon mari, nous avons fait le choix de descendre dans le sud, où nos enfants faisaient leurs études. Puis, j’ai entendu parler de l’Université des Patients et j’ai suivi le DU de Démocratie en Santé. En étant dans une chronicité de maladie, on prend conscience qu’il faut composer avec sur le long terme. Je n'y pense pas en permanence mais c’est tout de même présent en toile de fond tout le temps. J'ai voulu faire quelque chose de cette expérience de la maladie, construire une dynamique, un investissement. Au-delà de cette motivation, le DU m’a permis d’acquérir des connaissances et des compétences pour être légitime dans une action pour les malades.
Comment êtes vous engagée auprès des malades ?
En hospitalisation à domicile, j'avais sympathisé avec une infirmière. Elle m’a sollicitée pour échanger avec des patientes en besoin de partage avec quelqu’un ayant vécu la maladie. J'ai trouvé normal de pouvoir faire bénéficier d’autres malades de mon expérience.
Je me suis également rapprochée de la Ligue contre le Cancer de Marseille. J’ai agi à différents niveaux avec eux, notamment pour la réalisation de vidéos. La directrice, dont j’étais devenue proche, m’a proposé de devenir représentante des usagers dans deux établissements marseillais de médecine générale. Je le suis donc depuis bientôt trois ans et je prends ce rôle très au sérieux.
Récemment, il m’a aussi été proposé de prendre aussi cette responsabilité à l’Institut Paoli Calmette, le centre de lutte contre le cancer où je suis suivie. Mais, je suis partagée. D’un côté, je me dis qu’il peut y avoir un mélange des genres et de l’autre que je suis justement encore plus légitime.
En quoi consiste ce rôle ?
Cette fonction est très différente de patient expert ou partenaire. Je ne suis pas au contact direct des patients mais dans des commissions de travail avec le personnel hospitalier, les responsables qualité… Nous sommes là pour identifier les dysfonctionnements et analysons les plaintes. Nous analysons les mesures mises en œuvre pour y pallier et que cela ne se reproduise plus. Nous participons à améliorer la qualité du parcours de soins à toutes les étapes de l’hospitalisation, dans tous les domaines : accueil, hébergement, repas, hygiène, sécurité, information… Par exemple, comprendre comment et pourquoi une personne est tombée, en lien avec la commission douleur.
Les mentalités ont beaucoup évolué sur la gestion de la douleur ou la dignité de la personne. En 10-15 ans, j’ai l’impression que l’on a fait un bond énorme. Pour autant, je m’aperçois qu’il reste beaucoup de travail pour accompagner les équipes, les aider dans l’amélioration des pratiques. Notre éclairage de patients, différent et complémentaire de celui des professionnels, est précieux pour les établissements.
Concrètement, comment cela se passe ?
Cela me prend plusieurs jours par mois, plus quand je participe à une médiation à la rédaction d’un livret comme j’ai fait avec le service oncologie. Nous sommes trois représentants titulaires et trois suppléants. Nous sommes très sollicités et pouvons être amenés à beaucoup nous investir selon nos capacités et envies.
Par exemple, dernièrement, le pôle cancérologie d’un des deux établissements a diffusé un questionnaire de satisfaction. Ils ont eu très peu de réponses. Nous avons discuté de la façon et du moment du parcours où le questionnaire a été envoyé aux patients. Nous avons réfléchi ensemble à la meilleure façon de procéder en accord avec la temporalité des patients. Dans sa seconde salve, le questionnaire a été beaucoup plus efficace.
En 2020, la crise de la Covid-19 nous a donné pas mal de travail sur la gestion des flux, des visites et de l’information donnée aux patients et aux proches. La limitation des visites a créé quelques tensions. Ils considéraient que la situation leur avait été mal expliquée et qu’ils n’avaient pas été écoutés. Nous avons réfléchi à comment désamorcer la situation et mettre en place un autre mode d’accueil et de sensibilisation à ce qui était possible ou non. Avec notre regard patient, nous aidons à trouver un terrain d'entente, un langage commun pour comprendre ce qui n'est pas passé et désamorcer une situation. De mon expérience, le plus souvent, il s’agit juste de grilles de lecture différentes aboutissant à une incompréhension. Quand chacun comprend qu’il peut parler et être écouté, cela va tout de suite beaucoup mieux.
Qu’avez- vous envie de partager de votre expérience ?
Je sens encore une grande disparité dans l'acceptation des professionnels de l'implication croissante des patients aux différents échelons du parcours de soins malgré les grands progrès de ces dernières années. Nous sommes dans une stratégie de petits pas et rien n'est acquis. La crise sanitaire actuelle le montre bien. Je constate un certain recul de cette acceptation depuis un an. Il y a donc encore beaucoup à faire.
Je n’ai pas forcément envie de me mobiliser plus, pour me préserver, trouver le bon équilibre mais aussi bien faire ce que je fais. Je suis toujours en traitement, toutes les 3 semaines, comme un rappel qu’il faut accepter la situation et ses propres limites. Je reste tout de même ouverte aux opportunités pour accompagner des projets auxquels je crois, des projets qui participent à remettre le plus possible les malades chroniques dans la vie et dans la société.
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