YASMINE TATIBOUET, Fondatrice de MICI pour la vie

Albane Pariset • avr. 07, 2021

Osez vivre pleinement sa vie avec une stomie


Yasmine TATIBOUET

MICI pour la vie

Créatrice d'entreprise (MICI)

Yasmine, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ? 

J’ai 48 ans et ma vie a été bouleversée à l’annonce de ma maladie à l’âge de 28 ans juste après la naissance de mon fils. Je me suis retrouvée en soin intensif à la suite d’un épisode inflammatoire majeur annonciateur d’une rectocolite hémorragique (RCH) sans signe préalable. J’ai subi l’ablation du colon et du rectum et je me suis retrouvée avec deux poches sur le ventre et un petit bébé dans les bras. Ma mémoire a flanché, entrainée par la succession de quatre interventions chirurgicales et énormément de fatigue. J’ai poursuivi mon métier dans la fonction publique parce que j’aime travailler et continuer mon quotidien était essentiel pour moi. Mais toute ma vie a été bouleversée par la maladie, ma vie maritale, ma vie sociale, ma vie professionnelle et ma vie de maman où je ne pouvais pas m’occuper de mon bébé comme je l’aurai souhaité. Lorsque l’on est malade on entraîne tout le monde et l’on culpabilise de ne pas pouvoir faire ce que tout le monde attend de nous. Et puis pendant dix-sept ans les crises se sont enchainées avec des interventions et des stomies temporaires tous les un ou deux ans.

J’ai participé à des essais cliniques pour enlever une fistule ana-vulvaire mais les choses se sont aggravées et j’ai pris la décision de conserver ma stomie de manière définitive en 2019 avec encore une opération de résection intestinale et de pose de poche. J’ai divorcé et ça été très difficile de redécouvrir ma vie de femme avec une stomie définitive et d’oser vivre pleinement avec. Grace à des rencontres, notamment celle de Jean-Michel Hedreux, le fondateur de l’association MICI pour la Vie, qui m’a faite entrer comme bénévole à l’association MICI pour la Vie, j’ai compris pleinement l’intérêt de donner pour recevoir. L’énergie que j’ai puisée dans cet engagement m’a permis de me lancer dans mon projet d’entreprise. J’ai toujours aimé les tissus, les matières et les mélanges de couleurs et avec ma mère couturière nous avons débuté la confection de bandeaux pour camoufler ma stomie et me redonner du bien-être. En 2015, ma mère a eu un AVC avec des séquelles d’hémiplégie et c’était un vrai challenge pour nous deux d’avancer main dans la main, elle pour compenser sa grande difficulté de voir son enfant malade et moi pour me construire un nouveau projet de vie. De son côté mon fils a grandi avec une mère malade pour qui tout est compliqué, ce qui a tissé entre nous des liens fusionnels. Il vient de fêter ses 20 ans, c’est une belle personne, il m’encourage et est fier de moi, que d’émotions partagées par son père et moi de le voir souffler ses bougies. 

Parlez-nous de votre projet 

Mes premiers pas d’entrepreneure ont débuté avec le challenge « Etonnants créateurs » proposé par la ville de Saint-Malo en 2019. C’est en rencontrant la CCI que j’ai découvert cet appel à projets et il ne me restait que quelques jours pour postuler. J’ai envoyé mon dossier sans trop y croire juste à la fermeture du concours. Sélectionnée pour un entretien face à un jury de 13 personnes entrepreneurs de la région dont 11 hommes, je me suis présentée avec un mannequin femme en plastique pour parler de stomie et de vie amoureuse. Mes amis, ma famille, mes collègues m’ont fait répéter mon discours. Et je suis arrivée à convaincre et à gagner le prix Coup de cœur du jury. Ce prix correspondait à 19 000 euros avec une grosse partie en accompagnement, coaching à la création d’entreprise. Et c’est ainsi que très bien conseillée par des personnes bienveillantes et surtout par la présidente du jury qui continue à m’entourer, j’ai crée étape par étape ma start-up MICI pour la Vie. Je poursuis mon travail qui me plait dans la fonction publique tout en développant mon entreprise sur mon temps libre. Je prépare plusieurs collections de bandeaux destinés à camoufler la stomie avec un bon maintien du ventre et de la poche. J’utilise des tissus de gamme supérieure qui permettent le maintien au quotidien et d’oser aller à la piscine ou à la plage. Dès le début mon objectif est de permettre aux malades de conserver sa séduction et l’intimité de sa vie amoureuse. J’ai développé une ligne de bandeaux pour homme avec un tissu en simili cuir, des ouvertures adaptées et des ceintures avec des fermetures éclair. J’ai aussi lancé une ligne pour femmes très colorée. Je passe beaucoup de temps à échanger avec les patients qui le souhaitent pour bien répondre à leurs envies, leurs besoins, leur bien-être, leur confort. J’ai lancé une collection de bandeaux « Stomie by Yasmine » pour l’intimité amoureuse travaillée avec de la dentelle issue de pièces de lingerie recyclées ou celles proposées par les patientes elles-mêmes. Aujourd’hui je commercialise en ligne via mon site web et aussi grâce au partenariat avec des infirmiers stomato-thérapeutes qui sont en charge de trouver l’appareillage adéquate pour chaque patient et proposent mes gammes. Je construis peu à peu des accords avec les partenaires de départ de la fondation qui distribuent des appareillages et vendent aussi les articles MICI pour la Vie avec leurs commerciaux répartis sur tout le territoire. 

 

Votre démarche est-elle accompagnée par des partenaires ? 

Je suis accompagnée pour développer MICI pour la Vie grâce au prix de la Ville de Saint-Malo. Une entrepreneuse est à mes côtés et j’apprends beaucoup notamment à anticiper, à négocier…Je fais des erreurs et j’apprends de mes erreurs et surtout je progresse. Les partenaires de l’association m’ont suivie et m’aident à commercialiser mes produits et à être visible. Je découvre aussi les nouveaux matériaux pour mes créations, j’utilise du Lycra mais cherche toujours à améliorer pour apporter à mes clients plus de maintien, de confort et de plaisir.  Je suis aussi en partenariat avec une entreprise spécialiste du sondage urinaire et de la stomie et livrant tout le matériel médical de différents laboratoires. C’est une entreprise au plus près des personnes ayant un handicap par des actions sportives et autres. Je continue à développer auprès d’eux la gamme mise en place par Jean-Michel HEDREUX au temps de l’association, des bandeaux adaptés avec des fermetures éclair situés sur le côté aux personnes à mobilité réduite. L’année dernière pour la journée nationale de la stomie le 3 mai, nous avons organisé en collaboration un jeu-concours. MICI pour la Vie a offert à la gagnante un bandeau Glamour ainsi qu’une jupette en dentelle, elle a été très émue. 

   

A quel public est destiné votre projet ? 

Toute mon ambition est d’apporter du bien-être et du confort aux patients. Je connais bien leurs attentes et ce qu’ils vivent puisque j’ai les mêmes attentes et vis la même chose. Il y a environ 120 000 stomisés en France de tout âge. Mes clients et mes ventes croissent mois après mois. J’ai environ 60 % de clients femmes et 40 % d’hommes. J’ai très souvent l’occasion d’échanger avec eux par messagerie ou par téléphone lorsqu’ils font leurs commandes. Ces échanges font partie de ma mission. 

 

Parlez-nous de vos premiers résultats ? 

Je suis très fière du retour de mes clients. Les témoignages et les remerciements sont nombreux et m'encouragent à continuer. Quel plaisir de recevoir le message d’une femme qui retrouve le plaisir des frou-frous. Celui d’une femme, cliente du premier bandeau de la ligne Stomie by Yasmine, qui a osé rencontrer quelqu’un pour la première fois depuis qu’elle a sa stomie et qui a découvert le grand amour avec qui elle vit toujours. Que dire devant ce monsieur qui vient dans mon atelier faire un essayage et acheter des bandeaux et déclare, les yeux brillants, oublier sa stomie. Ça me donne encore des frissons de l’évoquer. Et puis je vais bientôt pouvoir me consacrer pleinement à mon entreprise grâce à la progression de mon chiffre d’affaire et trouver de nouvelles couturières avec des compétences autres, je souhaite ne pas fatiguer ma mère qui sera malgré tout, toujours présente, car elle ne conçoit pas de ne rien faire de ses journées, coudre, c'est sa passion. 


Aujourd’hui quels sont vos attentes à résoudre ? 

Je dois être plus visible, me faire connaître. Je découvre la communication et les enjeux des réseaux sociaux. Pour développer mon business je prépare étape par étape les nouveaux réseaux de commercialisation. J’ai préparé une plaquette qui présente mon entreprise et mes gammes. Je vais sillonner les centres hospitaliers de Bretagne pour me présenter. Je vais aussi aller rencontrer des patrons de boutiques qui distribuent des produits médicaux pour qu’ils présentent mes produits. Et puis je vais chercher des couturières avec des savoir- faire différents pour l’année prochaine. Je ne développe pas tout en même temps, je construis. 

 

Qu’avez- vous envie de partager de votre expérience ? 

J’ai fait un gros travail pour croire en moi et à mon idée. Les belles personnes que je continue à rencontrer et qui m’aident ne sont pas là par hasard. Cette boule que j’avais qui n’avais pas envie d’accepter la maladie m’a finalement donné la force de construire ma vie et mes projets. Je pense qu’il faut aussi écouter les vibrations que l’on ressent, savoir écouter les personnes et reconnaître les signes pour pouvoir avancer. Et puis il faut oser et sortir de sa zone de confort ! J’ai repris la danse orientale dans l’école de danse où j’évoluais avant ma maladie et comme toutes les élèves je participe au gala de fin d’année, j’ai peur bien sûre que la stomie se décolle mais je montre à moi -même et à ceux qui m’entourent que l’on peut faire beaucoup de choses avec une stomie et c’est aussi une façon de vivre mon projet. 

 

 

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