SABINE DEBREMAEKER, fondatrice de La voix des migraineux

Sylvie Favier • mars 24, 2023

Venir à bout de la migraine : le parcours d’une combattante


SABINE DEBREMAEKER

Sabine Debremaeker

Fondatrice de La voix des migraineux

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter brièvement ?


J’ai 60 ans, j’habite dans le Val d’Oise. Auparavant, j’étais enseignante auprès d’enfants en difficultés âgés de 5 à 12 ans. Depuis un peu plus de cinq ans, au terme d’un long parcours, j’ai été mise en retraite pour invalidité à cause de la migraine. 
J’ai eu mes premiers symptômes, des troubles visuels notamment, vers l’âge de 6 ans. A cette époque, on les a associés à des crises de foie et on m’a privée de frites et de mayonnaise, moi qui suis belge ! J’avais 19 ans lorsque le mot de migraine a été prononcé ; on m’a prescrit des bêtabloquants, que j’ai cessé de prendre assez rapidement, au vu des effets secondaires. 

A 27 ans, alors que j’étais enceinte de 7 mois, j’ai fait une crise cataclysmique. Un neurologue a alors confirmé le diagnostic de migraine avec aura et m’a prescrit de la dihydroergotamine comme traitement de fond, qui a depuis été retirée du marché. J'avais entre 4 et 8 jours de crise par mois. Avec le temps, les effets du traitement ont quasiment disparu. Mes migraines étant ensuite devenues chroniques, on m’a mise sous Vidora (médicament également retiré du marché). Un neurologue de la Pitié Salpêtrière a confirmé le diagnostic de migraine avec aura complexe et a mis en place un nouveau traitement… Bon an mal an, j’ai continué à travailler mais j’avais déjà à cette époque des troubles moteurs, qui se sont aggravés avec l’âge et la préménopause, si bien qu’à l’approche de la cinquantaine, les crises se sont multipliées, et toutes étaient hémiplégiques. C’est à la suite d’une crise très sévère que j’ai été prise en charge en ALD (Affection de Longue Durée) et reconnue travailleur handicapé. Trois ans plus tard, j'étais déclarée inapte à toute activité professionnelle, reconnue handicapée avec carte de priorité et de stationnement.



A quel moment l’idée d’un projet associatif est-elle née ?


En discutant sur des forums, je me suis rendu compte qu’il y avait un manque criant d’information et beaucoup de désinformation. De nombreux migraineux disaient aussi souffrir d’isolement. Ce sont ces constats qui m’ont conduite à fonder, avec trois autres patientes migraineuses, l’association La voix des migraineux, qui est née en septembre 2018. Nous avons d’abord lancé une page Facebook pour créer une communauté et redonner le pouvoir aux patients en leur livrant de l’information, en leur faisant comprendre que la migraine est une vraie maladie et qu'ils ont un rôle dans la gestion de leur pathologie. C’est le message que nous voulions transmettre en priorité et ce vers quoi nous essayons de les guider. Nous faisons un gros travail de recherche documentaire, de rédaction et de traduction pour enrichir notre site, que nous voulons exhaustif, vulgarisé et fiable.



Comment l’association a-t-elle ensuite développé son action ?


Un autre moyen d’informer et de convaincre, les patients mais aussi les professionnels de santé, était de montrer l’impact de la migraine dans toutes les sphères de la vie quotidienne. Dans les trois dernières années, nous avons réalisé plusieurs enquêtes nationales, sur différents thèmes comme les répercussions sur la vie quotidienne, les effets secondaires, les difficultés des étudiants migraineux… L’année dernière, nous avons traité les questions de l’emploi et du parcours de soins du patient migraineux. Ces enquêtes sont présentées aux institutions. Nous avons aussi rédigé six contributions pour l'évaluation des traitements en vue de remboursements.


Ensuite nous organisons depuis 2021 Les Sommets Francophones de la Migraine. La troisième édition aura lieu le 9 septembre prochain, avec trois grands spécialistes professionnels de trois pays francophones et le témoignage de patients. L’objectif est toujours d’apporter aux patients, à leurs proches et aux professionnels, une information fiable et accessible, en français.


Les enquêtes et la data collectée dans ce cadre, ainsi que les Sommets, font systématiquement l’objet de campagnes de presse dont les thèmes sont largement repris par les médias écrits et télévisuels. Ces événements servent donc notre action de sensibilisation et de plaidoyer auprès des pouvoirs publics.

Nous nous appuyons également sur des partenariats que nous développons au fur et à mesure de nos actions, avec des acteurs reconnus qui contribuent à améliorer la condition des patients migraineux : il peut s’agir de start-ups (Apo Migraine, Mapatho), de plateformes de recherche (Moi Patient, ComPaRe), ou encore d’organisations françaises ou internationales.

https://www.lavoixdesmigraineux.fr/

Quels résultats avez-vous obtenus ?


Par exemple, nous nous battons depuis 4 ans pour que soient remboursés des médicaments accessibles dans 24 des 27 pays de l’Union Européenne. Nous sommes intervenus auprès de la HAS, de la Commission de Transparence, du CNPS, du Ministère… Nous avons mobilisé l’ensemble de notre communauté pour envoyer des courriers aux députés de chaque région. Pour l’heure, nous n’avons pas obtenu gain de cause, faute d’étude probante versus comparateur. 


Néanmoins, nous avons remporté quelques succès. En seconde évaluation, AJOVY et AIMOVIG ont vu leur SMR passer de modéré à important. Les quatre anti-CGRP pour lesquels nous avons apporté notre contribution ont désormais un SMR important. 
Enfin, en 2022, 10 ans après tous les autres pays, le remboursement de la toxine botulique dans le traitement de la migraine chronique a également reçu un avis favorable des institutions de santé. En partenariat avec la Société Française d'Etudes des Migraines et Céphalées, nous avons obtenu la commercialisation en pharmacie d'AJOVY et EMGALITY.

Outre ces aspects médico-économiques, on parle désormais beaucoup plus et mieux de la migraine dans les communications grand public. L’information qui se résumait auparavant à des critères diagnostiques aborde maintenant des considérations plus scientifiques et plus qualitatives.


Nous sommes également mieux connus et régulièrement sollicités pour intervenir, comme cela a été le cas très récemment dans la Web-émission de l’Inserm
La migraine : un mal de tête pas comme les autres, dans le cadre de la Semaine du Cerveau de la Société des Neurosciences.



Quels sont vos projets à venir ?


Cette année, nous avons lancé une série de webinaires. Deux ont déjà été réalisés, en collaboration avec des médecins. Le premier porte sur des techniques de relaxation pour les patients migraineux, le deuxième sur la migraine et la vie hormonale féminine. Deux autres sont en préparation pour les mois d’avril et mai, sur les effets secondaires des traitements antimigraineux, et sur le mésusage médicamenteux. Avant la fin de l’année, trois autres sessions s’appuieront sur les thèmes abordés lors du Sommet.

Ensuite nous avons le projet de travailler sur des propositions d’action pour améliorer le parcours de soins du patient migraineux. Nous envisageons de saisir la HAS sur l’élaboration d’une stratégie nationale contre la migraine, à l’instar de celle qui a été mise œuvre contre l’endométriose. Nous avons signé des conventions avec le Centre National de Ressources de lutte contre la Douleur (CNRD) et le Réseau Ville-Hôpital Lutter Contre la Douleur Île-de-France. 


Dans un avenir immédiat, nous allons présenter deux projets au Festival de la Communication Santé les 30 et 31 mars à Deauville. Notre projet Faites du bruit pour les migraineux, élaboré avec les étudiants du Master Marketing Pharmaceutique et Technologies de Santé, a été sélectionné parmi les meilleurs candidats à la bourse de la Fédération Nationale de l’Information Médicale (FNIM). Mais aussi et surtout, notre campagne Marche sur la tête relative au non remboursement des anti-CGRP et dont nous attendons beaucoup, est candidate au concours de communication de cette 32ème édition.

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