ROSENE CHARPINE, Patiente partenaire et intervenante ETP

Albane Pariset • oct. 25, 2022

Contribuer à la mise en œuvre de nouvelles modalités dans la relation soignants et soignés, c’est faire acquérir des outils mais aussi prendre le temps de s’intéresser aux valeurs qui portent cet engagement


Eric Balez

Rosène Charpine

Patiente Partenaire et Intervenante programme ETP

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


J’ai 55 ans et je vis en Savoie à Chambéry, ma ville d’origine, où je suis revenue après de nombreuses pérégrinations dues à mon métier. Issue d’un milieu très modeste, j’aime apprendre et j’aime transmettre et c’est ainsi que par vocation et par nécessité je suis entrée à l’Éducation Nationale. Dès le début de ma carrière, j’ai évolué très vite d’une mission à l’autre et d’ailleurs tout ce qui touche à la pédagogie me passionne. J’ai accompli la quasi-totalité des missions proposées par l’institution ce qui m’a permis de faire un mini tour de France et de construire de nombreuses compétences au fil de mes expériences. Aujourd’hui je suis agrégée d’histoire et professeur dans un petit collège et je poursuis en parallèle de très nombreux autres projets. Qualifiée par certains d’« hyperactive », je me considère plutôt comme aventurière portée par mes centres d’intérêt si variés; l’éducation, la citoyenneté, la santé, la géopolitique, la défense…. Je ne résiste pas à prendre un engagement lorsque l’on me le propose et à plus forte raison lorsqu’il rejoint mes valeurs.


Cette soif d’engagement est largement liée à ma pathologie. A 15 ans, à l’annonce, de mon diabète de type I, ma première angoisse a été que je ne pourrais jamais rien faire de ma vie. Et pourtant c’est parce que je suis malade que j’ai fait des études longues, de haut niveau et que j’ai autant voyagé. Tout ce que j’ai fait et que je continue à faire, je ne l’aurai jamais réalisé si je n’avais pas été diabétique. Le diabète a été mon challenge de vie :  je suis diabétique et je peux le faire.

J’ai toujours été qualifiée de bizarre, enfant je séchais les cours, c’était compliqué. J’ai été diagnostiquée récemment d’un petit trouble du spectre autistique. Du coup je dors peu et je suis boulimique d’activités et d’expériences nouvelles. D’ailleurs les grandes dates de ma vie ont toujours entrainé ma recherche d’un nouveau domaine pour m’investir. J’ai pu suivre la formation à l’Institut des Hautes Études de Défenses Nationales, IHEDN, pour devenir auditeur. Depuis 10 ans, je forme des professionnels de l’Éducation nationale et participe à de nombreux travaux sur les questions de Défense et la Sécurité Globale. Je suis présidente de l’association Dauphiné-Savoie des auditeurs de l’IHEDN. Il y a quelques années sur l’invitation de mon endocrinologue, j’ai choisi de témoigner sur ma maladie et puis très vite, en m’appuyant sur mon expertise en andragogie, j’ai eu envie d’aller beaucoup plus loin et de m’investir dans le partenariat patient à l’hôpital de Chambéry dans lequel je suis suivie.


Mon quotidien est aussi lié à celui de ma mère qui a subi un double AVC. Nous avons choisi avec ma sœur de l’accompagner dans ses difficultés de vie. Nous sommes donc ses aidantes plusieurs jours par semaine. 



Comment votre engagement s’est-il construit ?


Dans mon vécu de patiente, j’ai eu une longue période d’errance et de non-observance. J’ai fait plusieurs comas. J’ai perdu à plusieurs reprises mes repères, mes outils de prise en charge, lecteurs de glycémie, papiers, dosages…Mes premiers échanges avec les professionnels de santé concernant ma pathologie chronique étaient très axés sur mon mode de vie et pas vraiment sur mes attentes, alors je n’y allais plus. A la suite d’une xième hospitalisation post coma j’ai rencontré une endocrinologue qui avait une autre façon de parler du diabète. Elle m’a apporté du coup un nouveau regard sur ma maladie. A sa demande j’ai commencé par faire une vidéo pour lancer l’ETP à l’hôpital. J’ai été la première patiente à participer au Comité d’éthique de l’hôpital. Après 40 heures de formation à l’IFFAP de Chambéry, j’ai suivi, il y a deux ans, le Diplôme Universitaire (DU) de Formation à l’Éducation Thérapeutique à l’Université des Patients de Sorbonne Université.

Parlez-nous de votre projet ?


Je suis très investie au sein du service d’endocrinologie de l’hôpital de Chambéry dans l’accompagnement des patients diabétiques. Nous avons eu une approche très précautionneuse afin de vaincre les quelques résistances car tous les membres du personnel ne sont pas complètement ouverts à ce type de démarche. Nous testons notre première séquence de partenariat patient le mois prochain. Je suis passionnée par mon travail avec les soignants et notamment pour partager mes réflexions concernant les enjeux de l’ETP. En plus d’acquérir les outils et les techniques d’accompagnement, il est capital de prendre le temps de construire des cultures communes, de s’intéresser aux valeurs qui nous portent lorsque l’on fait de l’accompagnement patient. Cette culture commune permet à l’équipe de s’engager ensemble. J’ai aussi proposé un accompagnement pour les adolescents.  J’interviens aussi à l’Institut Français du Soin Infirmier de Chambéry sur leur module ETP et le regard patient.  

 

Je continue à travailler avec mes camarades de promotion de l’Université des Patients. J’ai également rejoint un groupe de l’université de Médecine de Grenoble composé de patients vivant avec différentes pathologies et de professionnels de santé. Nous travaillons sur des capsules vidéo destinées à la formation des étudiants en médecine et aussi des futurs patients partenaires.

 

Ce qui regroupe tous mes engagements est le regard que j’essaie de porter sur la société. Je suis très sensibilisée aux questions d’éthique et de valeurs. Dans mes formations pour les professionnels de santé à l’ETP, il y a ceux qui sont dans le faire, il y a ceux qui se questionnent sur les objectifs et que ça interpelle et ceux qui ont déjà pensé à faire un pas de côté et à réfléchir aux valeurs qui les portent. Lorsque l’on construit le dispositif pédagogique de ces 40 heures de formation à l’ETP il faut penser à ce temps de construction d’une culture commune et entendre que les autres

e choisissent pas forcément l’engagement patient pour les mêmes raisons.. ? Pour éviter la répétition pas très heureuse « s’engager dans l’engagement. ». 

 


Comment parvenir à s’engager dans un tel projet ?


Faire de l’ETP c’est pour moi une formidable victoire personnelle sur ma maladie. Je suis aujourd’hui capable, après des années de non-observance et d’errance, de parler de mon diabète et d’expliquer aux patients et aux professionnels de santé le regard patient dans l’ETP. Peut-être plus encore que la maladie, j’ai eu beaucoup de mal à accepter la culpabilité de ma mère. Si elle avait été accompagnée à l’annonce de ma maladie et l’ado que j’étais également, j’aurais très probablement mieux accepté de vivre avec cette pathologie chronique. L’acceptabilité peut prendre du temps. Il ne faut surtout pas hésiter à se faire aider psychologiquement et à se laisser du temps. Aujourd’hui je considère qu’avoir été diabétique est une chance pour moi et même si ma vue diminue, j’ai appris à regarder autrement. J’ai fait de ce diabète une force. Toutes les choses que j’ai faites je les ai faites grâce à ma maladie. La gestion de crise, avec cette glycémie qui fait le yoyo quand on ne s’y attend pas, je sais ce que c’est et je n’ai plus peur de rien.


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