PASCAL KONIKOWSKI, président de l’association Balafres

Damien Dubois • 1 novembre 2022

Premier site dédié aux hommes atteints d’un cancer


Eric Balez

Pascal Konikowski

Fondateur de balafres.fr

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


J’ai 57 ans et je suis marié, avec trois enfants, qui sont aujourd’hui des jeunes adultes ; une belle famille avec un cadre familial stable et heureux. Cela m’a beaucoup aidé pour la suite dont on va parler. Aujourd’hui, je suis chef d'entreprise dans l'immobilier. La découverte de la maladie s’est faite très simplement. J’ai consulté mon médecin à la suite de différentes douleurs que le médecin a mises sur le dos de mon profil nerveux et ce, malgré mon insistance pour aller plus loin dans la recherche du diagnostic. Finalement, je suis allé voir un spécialiste qui m'a décelé une belle tumeur dans le mésentère, un sarcome.

 

Du jour au lendemain, mon agenda s’est trouvé complètement modifié : opération prévue la semaine suivante, et chimio à prévoir par la suite. Bref, je me suis retrouvé à devoir présenter la nouvelle à mon entourage -y compris mes enfants-, à encaisser la nouvelle, et à annuler tous mes rendez-vous professionnels ; avec comme conséquence directe la baisse phénoménale de mes revenus. L’impact psychique, physique, familial, économique, tout arrive d’un seul coup !

Nous avons donc dû prendre des mesures drastiques en prévision des mois -voire des années- qui se dessinaient : déménagement, mesure drastique d’économies. 

Comment est né votre engagement ?


Je connaissais un peu l'environnement du cancer. Mon père est décédé à la suite d’un mésothéliome, causé par l'amiante et ma mère d’un sarcome. Ma sœur a également été traitée pour un sarcome. Mon entourage était donc plutôt informé mais toujours par le canal d’informations destinées aux femmes. En revanche, peu de média traitaient spécifiquement de la maladie chez l’homme. J’ai donc fait des recherches sur le net et beaucoup échangé avec des amis qui avaient traversé cette épreuve. Quitte à collecter des informations, autant les partager notamment en les vulgarisant, en faisant le tri et en identifiant celles qui concernent les hommes. Pour moi, c’était aussi une sorte d'exutoire, une manière d’en parler à mes enfants et à ma femme. Cela a provoqué des discussions très intéressantes en famille.

 

J’ai donc simplement créé un site Internet. Ce partage d’information donnait un sens à ma maladie et me permettait de me rendre utile depuis mon lit d'hôpital et mon canapé. J'ai été très agréablement surpris par le succès rapide du site et les retours positifs des gens.

J’ai voulu créer un site pour les hommes parce que les médecins n’ont pas toujours le temps d’expliquer en détail l’environnement hospitalier, les traitements et leurs conséquences et les recherche sur internet ne m’ont pas permis de trouver des sites qui me correspondent en tant qu’homme.

 

D’où Balafres… les cicatrices qu'on a un peu partout, dès la première grosse opération, où même la pose d'un port-à-cath, plus toutes ces cicatrices psychiques, psychologiques. Cela cicatrise, mais on vit avec. Naïvement sans doute, je me suis dit que la façon de communiquer avec des hommes était un peu différente qu’avec l’ensemble des malades. Je voulais une approche un peu warrior, du style « je vais en prendre plein la tête, mais j'y vais quand même », comme pour un match de rugby. Par exemple, pour beaucoup d’homme, ce n’est pas un drame de perdre ses cheveux et d’avoir la boule à zéro. En revanche, perdre sa barbe peut poser plus de problèmes, puis les cils et sourcils... Ma femme et mes deux filles m'ont prodigué des petits conseils de maquillage, de choix de chapeaux et bérets, des astuces auxquelles on pense moins spontanément pour les hommes. J’ai voulu les partager.


 

Justement, comment avez-vous structuré votre démarche ?


Dès le début, je me suis dit que j’allais créer un site pour les hommes atteints d’un cancer, avec un ton positif et une information vulgarisée. Mon fils, qui est de la partie, m'a aidé. Mais je ne me suis pas trop rendu compte du temps que cela nécessitait, tant pour la rédaction des articles que pour la tenue du site. D'un autre côté, professionnellement, ça m'a permis d’acquérir de nouvelles compétences. Ce n’était donc pas du temps perdu. Au départ, le site, sans statut, était adossé à ma société et était financé sur mes fonds propres. Mais au début de ce printemps, j'ai souhaité créer une association loi 1901. J'ai donc rédigé les statuts et j'ai reçu la réponse de la préfecture le jour de mon anniversaire. Cela présageait de bonnes choses.

 

Je suis ravi que l’association Balafres existe, pas simplement en termes d'image, mais aussi de positionnement. Les internautes ont besoin de clarté, ils savent désormais que Balafres est une association dont le seul objectif est de soutenir les hommes atteints de cancer. Pour le moment, je suis tout seul à la manœuvre mais j'ai aussi une activité professionnelle. En créant mon association, je vais pouvoir faire appel à des bénévoles pour m’aider au développement de Balafres.

Quels sont vos liens avec les autres associations de patients ?

Au départ, je pensais que le monde associatif était un monde de partage et d’entraide. Je suis vite revenu sur ma position. J'ai essayé de contacter des grosses structures associatives et je n'ai même pas eu de réponse. Heureusement, avec un certain nombre d'associations, la relation a tout de suite été forte comme avec « Les hommes de l'air » créée par des stewards d'Air France, sur le modèle des « Filles de l'air ». Movember a tout de suite été un bon interlocuteur. Avec Cerhom, on échange et communique régulièrement.

Rose Magazine a également publié un article sur Balafres et je les en remercie. J’aime beaucoup leur magazine et si un jour j'avais la possibilité de produire, ou au moins, de participer à la création d'un magazine équivalent pour les hommes, j’adorerais.

 

Pourquoi les hommes sont-ils en moyenne moins engagés ?

Souvent, les épreuves passent et on a envie de les oublier. Je pense que c'est un peu masculin de se dire : « Bon, j'ai traversé une épreuve, maintenant c'est plié ». Même si c'est en train de changer. Des associations m’ont contacté car les hommes ne venaient pas à leurs événements. Quand j’ai vu leurs documents, j’ai compris. Ce n’était pas adapté. Et puis, dès que vous organisez des conférences ou même les soins de support, les hommes restent de côté. La faible volonté des hommes de s’engager n’est donc pas seule en cause.

Par exemple, alors que j'avais de fortes douleurs éparses, l’hôpital ne m'a jamais proposé de soins support. Le plus proposé dans les établissements, c’est la socio-esthétique et le personnel soignant ne pense pas à le proposer aux hommes. Sans doute un vieux réflexe…  

 

Quels sont vos objectifs à venir ?

De continuer à informer en vulgarisant l’information. La prochaine étape est de nous faire connaître et d’écrire de nouveaux articles. J'ai fait une pause pendant quelques temps pour des raisons professionnelles mais en cette rentrée, je suis dans les starting-blocks !

En complément des nouveaux articles, je souhaite distribuer des dépliants d’information. Maintenant que l’association existe, je vais pouvoir aller à la recherche de financement ce qui va me permettre de distribuer les dépliants dans les centres d'information des hôpitaux. Je suis en train de me rapprocher de la mairie de Paris pour cela.

 

Et puis, je vais avoir besoin de m’entourer, pour développer le site, avoir une home page avec l'actualité des associations, les journées spécifiques dédiées au cancer. Je trouve qu'il y a un problème d'organisation, de structuration des associations. L'organisation franco-française, un peu kafkaïenne parfois, me semble, un peu opaque. Donc des démarches comme Les patients s’engagent, et Aider à Aider vont dans le bon sens.

par Sylvie Favier 8 avril 2025
Faire de l’épreuve de la maladie un levier de (re)connaissance et de partenariat 
par Agnès Diter 26 février 2024
Changer le regard sur le virus du SIDA, en faisant témoigner des personnes vivant avec le VIH
par Sylvie Favier 4 février 2024
La technologie à la portée de l’extrême vieillesse
par Sylvie Favier 10 décembre 2023
Une école sur mesure pour les enfants avec des troubles du neuro-développement : le parcours votif d’une mère
AMARANTHA BARCLAY BOURGEOIS, Directrice de l'association JADE
par Agnès Diter 29 novembre 2023
Une pionnière en France dans le soutien des jeunes aidants, en leur offrant des moments de répit et d’expression
BEBECCA BILLY, coordinatrice à La pause Brindille
par Agnès Diter 16 octobre 2023
Mettre un rayon de soleil dans la vie des jeunes aidants.
LISE MOLIMARD, chef de projet Académie des AJA, association Aïda
par Damien Dubois 21 septembre 2023
Échange entre deux citoyens engagés après été touché par un cancer en tant qu'Adolescent Jeune Adulte (AJA)
par Damien Dubois 3 septembre 2023
Ou comment passer d’un « schizo-out » à la reconnaissance du statut de Médiateur santé pair
Show More