PAULINE OUSTRIC, cofondatrice, présidente d’#AprèsJ20 Association Covid Long France

Albane Pariset • nov. 10, 2022

Améliorer la santé en rassemblant les voix des chercheurs, des entreprises, des organismes de santé, mais aussi des patients et des citoyens


Eric Balez

Pauline Oustric

Cofondatrice et présidente d’#AprèsJ20 Association Covid Long France et patiente chercheur


Pauline, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

 

J’ai 29 ans et je suis avant tout une scientifique, passionnée par le rôle de la science et de l’humain pour améliorer la santé. Je suis ingénieur en nutrition avec un parcours académique au sein d’AgroParisTech. Un de mes défis professionnels est d’aider les gens à être en meilleure santé grâce à de meilleurs choix alimentaires, y compris la compréhension du pourquoi nous mangeons. Je suis aussi « historiquement » très dynamique et sportive. J’ai pratiqué la danse, le rugby et la course avec un très grand plaisir.

 

Je suis partie en Angleterre, à l’Université de Leeds, pour mener un doctorat en psychobiologie, sur le plaisir et la motivation de manger chez les patients en surpoids ou obésité. J’ai travaillé sur l’amélioration d’une méthode scientifique pour mesurer les récompenses alimentaires : le plaisir conscient pour la nourriture et la motivation (non-consciente de manger) chez les humains. Je voulais améliorer l’outil (LFPQ), créé il y a une dizaine d’année, le rendre plus simple et l’automatiser. J’ai développé cet outil de recherche dans des cultures différentes pour le rendre accessible au plus grand nombre de chercheurs. En parallèle de ma thèse, j’ai commencé à créer une Spin-off de l’Université de Leeds et lever des fonds pour en faire une application santé au-delà de la recherche.

Début 2020 la pandémie de COVID-19 progresse. En mars, je suis atteinte par le virus et présente de très nombreux symptômes. Ma situation ne s’améliore pas au fil des jours. Les symptômes sont fluctuants et touchent les systèmes pulmonaire, cardiaque, digestif, vasculaire puis cognitif. En quelques jours je suis passée de la forme à une difficulté réelle à faire la moindre chose. Je suis envoyée à l’hôpital à plusieurs reprises où l’on me confirme une probable infection covid (pas de test PCR en mars 2020). Je suis contrainte d’arrêter ma thèse pour 6 mois. Je suis seule en Angleterre face à une maladie que personne ne comprend et avec des troubles très invalidants et que je peine à gérer au quotidien. En lien avec ma famille et mes amis, véritable soutien, je suis rapatriée en France en ambulance et en fauteuil roulant.

 

Mon retour est compliqué car je rencontre une vraie difficulté de prise en charge. Je constate un énorme décalage entre mes souffrances invalidantes et ce qu’en disent les médecins. J’ai des rechutes de symptômes après de simples efforts, cognitives ou physiques, comme si j’étais « débranchée ». Pour partager et informer sur la complexité de ces symptômes prolongés et fluctuants, j’avais commencé à décrire ce qui m’arrivait en anglais sur les réseaux sociaux puis pour proposer de s’entraider. J’ai reçu de nombreuses réponses de patients dont plusieurs de patients français. Nous étions des milliers à avoir ces symptômes prolongés post Covid en France et à l’étranger.



Comment votre engagement s’est-il construit ?

 

J’ai été très secouée de ne pas avoir été prise au sérieux, d’avoir été obligée de me battre pour être soignée et je me suis dit que cela devait être encore plus compliqué pour ceux plus isolés. J’ai été enfin prise en charge au Centre spécialisé de l’hôpital Foch pendant 3 mois. Les équipes ont mis en évidence que je souffrais d’une dysautonomie et certains de mes symptômes ont été objectivés comme la désaturation à l’effort bien qu’on ne puisse l’expliquer. Le besoin de prise en charge adaptée et de prise en compte des données scientifiques sur le Covid Long m’a poussé à m’investir. Après les groupes internationaux, j’ai rencontré d’autres patients français qui s’étaient regroupés sur le #ApresJ20 sur twitter formant le collectif ApresJ20. Ce hashtag, créé par la @psyrévoltée, une patiente qui voulait rassembler autour des symptômes qui persistaient après 20 jours est vite devenu viral. Nous sommes devenus visibles et j’ai été interviewée sur BFM TV ce qui a déclenché beaucoup d’autres sollicitations. Nous avons constitué un collectif de patients et travaillé, grâce aux compétences de chacun sur la création d‘un site web, d’une veille presse, de visuels, de réseaux scientifiques, institutionnels et des médias. J’ai commencé par écrire aux députés pour proposer et entreprendre ensemble un projet plus construit, à partir d’un état des lieux et de propositions pour avancer. En juillet 2020, nous avons reçu une invitation, en anglais, LongCovid SOS pour la première réunion sur le Covid Long porté par l’OMS avec l’intervention d’un représentant par pays. J’ai pu présenter les besoins des pays européens en reprenant les témoignages de chacun sur la reconnaissance des symptômes et de la maladie, la prise en charge, la recherche et la communication. Le plaidoyer a eu beaucoup d’écho et dans la foulée, à 6 cofondateurs, 5 patients et un non malade, garant de notre énergie, nous avons lancé l’Association ApresJ20 Covid Long France -, le 6 octobre 2020.

Parlez-nous de votre projet

 

Nous voulons relever plusieurs défis, comme accroître l’implication des patients comme acteurs de leur santé. Nous cherchons à améliorer les prises en charge en coconstruisant avec les différents acteurs de la santé (chercheurs, médecins, institutions, médias…)  une forte communauté autour du #CovidLong. Nous travaillons sur quatre piliers : la reconnaissance de la maladie sur les symptômes et pas uniquement sur les tests, une prise en charge pluridisciplinaire et dans toutes les régions, une recherche qui implique les patients et une communication large et efficace. Nous pensions ne pas fêter les deux ans de l’association, mais malgré nos efforts et les avancées, nous poursuivons notre engagement car il reste encore beaucoup à faire pour réduire l’écart entre les avancées scientifiques et la prise en charge réelle des patients. Nous sommes très impliqués et aujourd’hui reconnus, ce qui nous permet de participer aux travaux de l’OMS, de la HAS, de l’ANRS pour faire remonter l’expérience patient, d’être membre de la cellule ministérielle du ministère de la Santé et de nous impliquer dans le groupe de conseil et d’expertise sur le Covid Long.


 

Aujourd’hui quels sont vos prochaines étapes ? 

 

En France, 2 millions de personnes vivent avec un Covid long, soit 4% de la population générale et 20% des patients qui ont eu le virus. La maladie est reconnue en France (scientifiquement, institutionnellement et légalement) mais elle peine à être réellement prise en charge sur le terrain par manque de sensibilisation et formation. Nous continuons d’agir sur nos 4 axes et notamment : nous favorisons l’intégration des retours et besoins patients Covid long au sein des projets de recherche. Nous répondons aux demandes de soutien qui s’accumulent et avons mis en place une cellule psychologique bénévole formée au covid long à la demande des patients. Nous renforçons nos liens sur le territoire avec les DAC et les ARS et formons des délégations locales pour une plus juste prise en charge sur le plan géographique. Enfin nous agissons auprès des institutions pour représenter les patients et leurs besoins. La physiopathologie de la maladie Covid Long est de plus en plus connue et implique plusieurs causes communes avec d’autres maladies post infectieuses. Il manque une coordination des soins, une vraie prise en charge pluridisciplinaire avec un coordinateur et une intégration des patients comme acteurs de leur prise en charge. Faire avancer l’Association, développer les projets, accélérer la communication sur la maladie sont de multiples tâches très prenantes pour les 6 cofondateurs, les 10 bâtisseurs et les 1600 adhérents dont certains sont très impliqués.


Qu’avez- vous envie de partager de votre expérience ?

 

Mon leitmotiv : « on va y arriver ». Je ne cultive pas un optimisme borné mais en privilégiant la collaboration avec les divers acteurs de la santé nous avons plus de force. Les patients et les citoyens notamment via une association ont un vrai rôle à jouer pour faire avancer la prise en charge et la santé en France : nous pouvons agir ! Si tout était à refaire…je le referais, même si bien sûr je préférais ma vie d’avant sans rechutes. J’ai rencontré des personnes incroyables (médecins, chercheurs, magistrats, députés, patients, journalistes …) et appris tellement dans cette aventure extraordinaire et j’en suis reconnaissante.

Je suis passionnée tant au niveau associatif que professionnel par l’importance de rassembler les voix des chercheurs, des entreprises, des organismes de santé, mais aussi des patients et des citoyens pour améliorer la santé

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