RENAUD MAIGNE, fondateur de Bipolarité France

Albane Pariset • oct. 08, 2021

Accompagner une personne vivant avec des troubles bipolaires


Renaud MAIGNE



Renaud, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? 

J’ai 46 ans. Je vis à Nantes et j’ai trois enfants. Très jeune, après mon baccalauréat, plein d’enthousiasme dans un monde idéal, j’ai poursuivi mes études en Angleterre où je suis diplômé d’un bachelor en Logistics et en Maritime Business à l’université de Plymouth. Dès mes vingt ans, sont apparus mes premiers symptômes Maniaco dépressifs, c’est-à-dire des phases d’exaltation ou, au contraire, des phases d’énormes fragilités. Les médecins n’ont pas compris tout de suite que j’avais une maladie et le terme bipolaire n’était pas répandu.

J’ai exercé pendant plus de dix ans à l’international sur des missions de consultants dans la mise en place de systèmes d’information chez des grands opérateurs de transport & logistiques. Il fallait être fort et ne pas montrer ses fragilités pour assurer ses missions et pourtant je comprenais que j’avais un handicap psychique. J’ai changé à plusieurs reprises d’entreprises et consulter de nombreux médecins. J’étais de plus en plus conscient de mes forces mais aussi de mes limites et j’ai réalisé que je trouverai difficilement une place dans le milieu de l’entreprise. Mais j’étais un battant, créatif et entrepreneur.

J’ai ainsi créé une startup Mamaz Social Food, plateforme de réservation de dîners entre particuliers dans le monde entier. Je l’ai vendu avec fierté et son aventure continue encore aujourd’hui. J’ai passé plus de 16 ans à attendre un diagnostic ; personne ne comprenait ce que j’avais. A l’âge de 36 ans, poussé par ma sœur, j’ai intégré une thérapie de groupe et très vite j’ai été orienté vers le professionnel de santé qui a enfin établi le diagnostic de bipolarité.

J’ai découvert que ma maladie est un fléau grave. Il faudra plusieurs années pour me trouver le traitement et la prise en charge adéquats. Que de temps perdu ! Chamboulé dans mon quotidien par ma maladie, j’ai choisi de témoigner de tout ce chemin long et compliqué. J’ai écrit une autobiographie qui s’appelle « un Monde Idéal perdu, la pensée aux frontières de l’infini » sur mes troubles bipolaires. J’ai effectué un certain nombre de témoignages et de conférences. Puis pour répondre aux questions d’autres patients plus démunis, faciliter leur quotidien et les accompagner, j’ai décidé de créer Bipolarité France. 


Comment avez -vous élaboré votre projet Bipolarité France ?

Bipolarité France, lancée en 2018, est une association qui fédère des patients experts dans la bipolarité pour mener des projets d’accompagnement de personnes vers un projet d’autonomie. J’ai rencontré plusieurs personnes engagées dans la reconnaissance et la valorisation de l’expérience des patients et de la part active que certains prennent au côté de l’accompagnement d’autres patients. Mon projet est né à la fois de ces échanges, de mon analyse du parcours de soin complexe de patient vivant avec des troubles bipolaires et de tout ce qui pourrait les aider au quotidien.

Le trouble bipolaire est une maladie chronique dont on ne guérit pas, qui touche plusieurs millions de personnes en France. C’est un handicap encore tabou dont on parle très peu et qui fauche les malades, souvent jeunes, dans leur quotidien. Les personnes se sentent isolées socialement et mal comprises professionnellement. Bipolarité France réunit des patients qui ont acquis une maturité dans la gestion de leur handicap avec leur savoir expérientiel, leur acceptation d’eux-mêmes et de leur pathologie. Ils connaissent leurs traitements grâce à la psychoéducation et sont à l’écoute des signes de leur corps pour anticiper des rechutes et former une bonne alliance thérapeutique avec leur médecin-psychiatre. Ce sont des personnes engagées pour accompagner les patients plus démunis qui le souhaitent à dessiner leur chemin de vie professionnel, familial et social.

Quels types de partenaires sont à vos côtés ?

Nous intervenons dans de nombreuses entreprises qui nous donnent l’opportunité de sensibiliser, de témoigner et de transformer le regard sur les personnes vivant avec des troubles bipolaires. Certaines sont des partenaires très engagées dans l’emploi de personnes avec ce type de handicap. Nous nous sommes rapprochés de Fondations impliquées dans la problématique des maladies psychiques. Aujourd’hui elles nous accompagnent et nous permettent d’avancer sur nos projets. Nous avons participé à des Appels à projets européens pour accélérer le développement du dispositif médical en France et sommes en contacts avec des Mutuelles très intéressées par l’espoir d’amélioration de la prise en charge des patients.



Parlez-nous de vos premiers résultats ? 

Nous sommes une dizaine de personnes vivant avec cette pathologie chronique ou de proche aidant qui consacrons 100% de notre temps à nous engager pour relever les défis, trouver des solutions pour améliorer le quotidien et l’autonomie de personnes concernées comme nous par les troubles bipolaires. Chaque échange et accompagnement d’un patient démunis par un patient expert qui l’aide à sortir de l’isolement et à retrouver l’espoir est un résultat fort et motivant pour chacun de nous.

Chaque étape franchie pour trouver de nouveaux partenaires, monter un comité scientifique, aller à la rencontre des entrepreneurs, trouver les innovations les plus

adaptées représente un résultat et une chance de plus d’améliorer le parcours de soin des patients.

Aujourd’hui quelles sont vos prochaines étapes, vos prochaines attentes ? 

Bipolarité France est jeune, les objectifs sont nombreux et les projets en marche. Nous avons besoin de fédérer plus de patients experts engagés, d’ouvrir la porte de nouvelles entreprises, de convaincre plus de partenaires.

 

Qu’avez- vous envie de partager de votre expérience ? 

J’ai osé avancer ouvertement avec ma maladie et sortir de l’isolement, échanger avec des malades avec une grande maturité par rapport à leur handicap et avec d’autres beaucoup plus démunis et j’ai fini par élaborer le projet Bipolarité France. Je me retrouve dans cette activité qui m’enrichie personnellement. Je me sens à ma place et j’utilise mes compétences et la richesse de mon parcours. J’ai fait de ma fragilité une force pour m’engager sans lâcher prise.


Bipolarité France :


Les objectifs de l’association Notre association propose un projet d’autonomie de la personne handicapée et s’articule autour de 3 enjeux majeurs pour les patients vivants avec un trouble bipolaire.

  • Un enjeu d’information et d’éducation pour le patient, ses proches et le grand-public : En effet face à une maladie complexe nous souhaitons apporter un maximum de pédagogie et nous souhaitons nous appuyer sur des outils innovants, notre site internet, notre application mobile et nous travaillons sur un chatbot. En tant que patients nous souhaitons apporter un message d’espoir et changer le regard du public sur la bipolarité. Nous avons choisi un ambassadeur vivant avec des troubles bipolaires, sportif de haut niveau, triple champion de France de VTT et qui travaille en parallèle. Nous menons des activités culturelles et sportives lors de la journée mondiale de la bipolarité ou lors d’autres évènements.


  • Un enjeu d’accès au monde professionnel : Une fois le diagnostic posé et accepté, les patients bipolaires ont un réel besoin de réinsertion sociale et professionnelle et une volonté d’autonomie. C’est un vrai challenge pour chaque patient et l’accompagnement est indispensable bien souvent. En même temps nous allons à la rencontre des entreprises afin d’expliquer ce handicap invisible qui fait peur, supprimer les idées reçues et convaincre les décideurs de recruter.


  • Un enjeu d’amélioration du parcours de soin et d’accélération de l’innovation pour le patient : Nous cherchons à apporter ou codévelopper des solutions innovantes. Nous travaillons avec une startup et des professionnels de santé pour développer un dispositif médical de self management et de monitoring du patient Cette application existe sur le marché allemand. Nous travaillons avec des services dans deux CHU et une Fondation qui s’engage dans les maladies psychologiques et a ouvert un Lab, un véritable lieu d’expérimentation adapté. Une étude clinique va être lancée sur notre territoire. Nous tissons un réseau d’experts scientifiques engagés, avec lesquels nous avons constitué un board scientifique et de partenaires financiers pour accélérer la mise à disposition de cette innovation aux patients.
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