MARINE ANDRES, chargée d'éducation santé et consultante patiente experte dans une startup

Damien Dubois • oct. 04, 2021

Une patiente atteinte d’une SEP depuis 14 ans qui oriente les applis d’éducation à la santé chez Okédoc 


Marine ANDRES

Une patiente atteinte d’une SEP depuis 14 ans qui oriente les applis d’éducation à la santé chez Okédoc.

Marine, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? 

J’ai 28 ans et je suis atteinte d’une sclérose en plaques depuis 14 ans. J’ai donc été diagnostiquée à l’âge de 14 ans. Je me suis sentie très seule dans mes études. Sans rejeter la faute sur l’éducation nationale, mes professeurs m’encourageaient à ne pas faire de longues études.

Ce n’est pas une question de capacité. Ils voulaient me préserver par rapport à la maladie très agressive au début, avant que l’on trouve le bon traitement de fond. J’ai perdu beaucoup de confiance avec une grande peur de me lancer dans mes études. 

Mon rêve professionnel était d’être psychologue ou neuropsychologue. Après ma licence à Strasbourg, j’ai pris le temps pour réfléchir à ce que je voulais faire. Intéressée par les sciences de l’éducation, j’ai pris un poste d’assistante d’anglais en périscolaire pour des enfants en primaire. 

En parallèle, mon neurologue m’a proposé de suivre une formation de patients experts. Je ne connaissais pas du tout ce phénomène. Je n’étais pas du tout impliquée dans une association. C’était il y a 5 ans. J’ai suivi cette formation organisée par la Ligue Française contre la Sclérose En Plaques (LFSEP), dispensée notamment par Catherine Tourette-Turgis. 

Cela a marqué un virage dans votre engagement ? 

Oui. Cela a été une révélation. Il s’agissait d’une formation généraliste, sur un an, pour être un porte-parole des patients, en région ou même au niveau national, pour la Ligue. A la fin, j’ai dû faire un choix entre reprendre mes études de psychologie, ou me tourner dans les sciences de l’éducation orientée santé. J’ai été prise dans les deux masters. Cela ne m’a pas aidé. J’ai tout de même choisi celui de Pratiques et Ingénierie de la Formation, notamment dans la conception de médias éducatifs et pédagogiques. 

 

Cette année de master, 2019-2020, m’a permis d’accompagner des projets d’éducation liés à la santé, de promotion de la santé, de médiation culturelle pour des enfants hospitalisés. Je devais faire un stage de six mois quand mon neurologue m’a demandé mon point de vue de patiente experte sur un produit digital pour les patients, proposée par une startup. J’ai rencontré l’équipe. J’ai donné mon avis sur leurs produits. Ils étaient intéressés par mon master et mon profil en se disant que cela pouvait apporter des solutions, des réponses à leur problématique. Ils m’ont pris en stage. Je me suis occupée du projet SEP avec également un regard sur une solution pour le diabète et une en rhumatologie. A la fin du stage, ils m’ont proposé un CDI. Je n’ai pas hésité longtemps.


Concrètement, que faites-vous et qu’apportez-vous à la startup ?

Stage compris, je travaille donc depuis presque deux ans pour Okédoc, une startup qui apporte des solutions numériques d'appui à l'éducation thérapeutique du patient atteint de maladie chronique, dont une pour les patients atteints de sclérose en plaques. J’étais la première patiente engagée. Pour le gérant d’Okédoc, c’était un peu un pari pour voir ce que pouvait apporter un patient dans l’équipe. 

Concrètement, Okédoc est une solution avec divers fonctionnalités pour aider le patient au quotidien.  Je m’occupe particulièrement de la formation en ligne à destination des patients qui ont envie d’apprendre, par des jeux, des questionnaires ainsi qu’un assistant conversationnel qui répond aux questions des patients 24H/24 avec des données médicales validées par notre partenaire médical. Je coordonne ces volets en lien avec les développeurs informatiques, les médecins et les patients. Au début, il y avait beaucoup de modules. Nous avons pu recentrer en partant du besoin des patients, toujours en bonne intelligence, notamment avec les besoins des professionnels de santé. Aujourd’hui, dans toute réunion, pour tout projet initié, nous sollicitons des patients experts de la pathologie concernée.



Comment cela se combine-t-il avec votre engagement global ? 

Il était très important pour moi que le terme de patient expert apparaisse dans mon contrat. Grâce à cette expérience de la maladie et à cette expertise confortée par ma formation, j’ai un emploi avec des compétences acquises et reconnues. Et j’ai été acceptée comme telle dans l’équipe. Je ne suis pas du tout l’alibi patient de la startup et ne suis pas non plus limitée à une étiquette de patiente en interne. 

De plus, pour ne pas m’enfermer dans ma propre vision, il est essentiel d’être en contact avec d’autres patients. Je suis bénévole à la Ligue. Je monte notamment les cafés mensuels SEP dans ma région. Nous échangeons avec des groupes de patients et je fais une analyse des besoins qui orientent les actions du réseau. Cela me permet aussi de faire évoluer ma réflexion et mes perspectives dans les projets que j’accompagne à la ligue et au sein d’Okédoc.


Quels sont vos prochains projets et envies ? 

Ayant été diagnostiquée à 14 ans, la problématique des plus jeunes et le maintien de leurs projets d’études et professionnels m’intéresse particulièrement. Nous sommes en France. Nous avons des aménagements importants, des services handicaps… Je voudrais sensibiliser plus sur cette approche et pas que dans la SEP sur ce côté-là. 

Par ailleurs, j’interviens dans le programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) du réseau alSacEP. En fin d’année avec l’UTEP de Strasbourg, nous allons former des futurs professionnels (médecins, ergothérapeutes, psychomotriciens, kinésithérapeutes, infirmiers…) pour les sensibiliser à la posture éducative, à l’accompagnement des patients. Il y a encore un grand manque d’accès à l’ETP en France et surtout peu de patients experts/patients partenaires qui interviennent en ETP. 

 

Quels messages apportez-vous à ceux qui veulent s’engager ? 

D’abord, je voudrais dire l’importance de la pédagogie pour faire comprendre ce qu’est un patient expert. Le mot rebute encore souvent et pas que les professionnels. Il faut expliquer avec des exemples concrets et du temps. Ce n’est pas toujours simple tellement les réalités sont différentes entre un patient expert qui va faire du plaidoyer, qui intervient en ETP ou quelqu’un salarié dans une startup. 

Concernant les patients qui ont envie de se former, j’essaye de les orienter vers des associations, des formations, les bons interlocuteurs. Il n‘est d’ailleurs pas toujours simple d’avoir une vision globale de l’offre de formation en la matière. La plateforme Patients s’engagent est une chance. Par ailleurs, beaucoup ont encore du mal à mettre en place des actions, car ils manquent de reconnaissance des instances et des professionnels de santé. J’ai pu agir grâce au soutien de mon réseau sclérose en plaques. Il est donc nécessaire de continuer à former et informer les professionnels du rôle et de l’apport des patients experts pour faciliter l’engagement. 


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