FABRICE HURE ou "La montagne dans le sang"

Damien Dubois • sept. 28, 2021

Un patient sous dialyse longue nocturne, co-auteur du film " La montagne dans le sang"


FABRICE HURE

Patient sous dialyse

Fabrice, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? 

J’ai 45 ans. Je suis marié et j’habite à Rennes. Je suis atteint d’une insuffisance rénale chronique terminale depuis l’âge de 20 ans. Concrètement, mes reins ne fonctionnent plus. Il existe deux principaux traitements de suppléance pour pallier l’insuffisance des reins. La  greffe est le meilleur traitement de suppléance mais elle n’est pas toujours accessible rapidement. L’autre traitement de suppléance est la dialyse avec de multiples modalités, d’offres de soins. Elle sert à éliminer les déchets que les reins n’arrivent pas à traiter notamment les déchets, toxines, excès de sels minéraux et d’eau. 

 

Quand j’ai commencé la dialyse, je travaillais. J’ai donc commencé avec trois séances de dialyse de quatre heures par semaine après mon travail. J’y rentrais à 18h pour ressortir vers 23h. Il a fallu un temps d’adaptation, de régulation. Les deux trois premières années, cela s’est bien passé ; même si j’avais très peu de temps libre. Je me reposais les deux seules soirées qui me restaient. Au bout de trois ans, les effets de la fatigue mentale et physique étaient vraiment importants et je commençais à avoir des problèmes de régulation du phosphore et du calcium ainsi que de la tension, des céphalées et des crampes. 

 

Mon néphrologue m’a informé de la construction d’un nouveau centre spécifique de dialyse proposant de la dialyse longue nocturne, en chambre individuelle. Il m’a annoncé des effets assez spectaculaires sur la qualité de vie et la qualité de filtration avec tout de même la contrainte d’y dormir trois nuits par semaine. J’ai commencé en 2002 et, très vite, cela a été un renouveau pour moi. Je suis sorti d’un cercle vicieux où l’on subit le traitement. Tout s’est régulé beaucoup plus facilement. Les crampes se sont réduites ainsi que la prise de médicaments et les restrictions alimentaires. 


Quels ont été les motivations de votre engagement

Le fonctionnement classique de la dialyse se déroule en centre même si elle peut se dérouler aussi à domicile avec des modalités très différentes selon les centres : 6*2 heures, 3*8 heures et dans la grande majorité des centre 3*4 heures. En théorie, il s’agit de s’adapter au patient mais cela relève plus des habitudes des centres. 

 

La dialyse longue nocturne que j’ai expérimentée avec succès n’est pas valorisée et reconnue à sa juste valeur. Comme elle est plus longue, elle est plus douce. La pompe tourne moins vite. On est moins fatigué et nous sommes très autonomes. J’appelle cela l’hôtel dialyse. Je me suis donc mobilisé pour la promouvoir et participer à lever les freins. Le premier est d’ailleurs financier conséquence du paiement à l’acte. La prise en charge de la sécurité sociale est la même qu’il s’agisse de 3*4h ou l’autre deux fois plus longue. Le surplus de temps et d’hébergement est donc à la charge de l’établissement. 


Parlez-nous de vos premiers résultats ? 

J’ai profité qu’en Bretagne nous soyons à la pointe dans cette modalité au sein de la fondation AUB Santé. Une centaine de patients sont concernés sur sept établissements en Bretagne pour en faire un modèle à promouvoir. Je me suis investi au niveau associatif et comme représentant des usagers dans mon établissement.  

Je ne me suis pas formé mais suis reconnu comme patient expert de la dialyse longue nocturne à domicile ou en centre. J’ai participé à des projets de questionnaires de satisfaction, à l’animation d’une journée d’été pour les patients… 

Il y a quelques années, je me suis intéressé à ce qui se faisait au niveau national après être tombé sur un article parlant de la dialyse comme d’une prison. Au-delà du contenu de l’article, Le titre m’avait beaucoup choqué. Il ne parlait pas de dialyse longue. Un médecin m’a dit un jour : « mais les patients ne la demandent pas ! ». Mais s’ils ne savent pas qu’elle existe, comme peuvent-ils essayer cette modalité ? Il y avait un manque de sensibilisation des professionnels et d’information auprès des patients. 

 

A partir de 2016, mon engagement a pris une autre forme. J’ai décidé de combiner avec ma passion de la montagne et de réaliser un film humain et positif pour le partager au niveau national. J’ai fait une course à la réunion très médiatisée pour valoriser cette modalité de soin, pour apporter de l’espoir aux patients, ainsi que pour promouvoir l’activité physique adaptée et régulière. Au travers du récit de ma participation en 2017 à la diagonale des fous sur l’île de la Réunion, ce documentaire a vocation à interpeller sur des sujets tels que l’inclusion des patients chroniques, la prévention en santé, la promotion du sport-santé et l’importance de la co-construction (soignant/patient) du projet de vie des patients chroniques. 

Le film de 58 min raconte l’histoire d’un dialysé qui veut réaliser une aventure sportive, on y raconte mon parcours de soin, mon quotidien et ma vie sociale avec l’appui de ma femme. Le film est sorti fin 2018. Je me suis mis en rupture conventionnelle pour arriver à porter le film pendant un an et demi avec plus de 45 projections débat et de nombreux congrès. 



Aujourd'hui quelles sont vos attentes à résoudre ?

L’information et la sensibilisation à cette pratique ont progressé. J’ai eu un très bon écho de la part des patients et des associations de terrains. Les professionnels et les patients sont au courant. Je suis devenu patient partenaire et expert dans cette modalité avec quelques projets d’accompagnement d’établissements qui veulent pour mettre en place cette modalité. En fait, je suis pleinement dans la coconstruction avec tout le monde en restant un électron libre. Il me reste le dernier combat de la reconnaissance et de la valorisation auprès des institutions et des autorités sanitaires qui doivent trouver des solutions pour favoriser ses modes de dialyse, plus longs et moins fréquents, qui sont efficients. 

 

Cela est d’autant plus important qu’elle favorise énormément l’inclusion professionnelle et le maintien dans l’emploi des personnes dialysées. Une étude que nous avons réalisée en Bretagne montre que plus de 65% des patients actifs sous dialyse longue nocturne travaillent contre moins de 17% au niveau national. 

 

Personnellement, au-delà de cet engagement bénévole indéfectible, j’ai changé de carrière professionnelle. Je suis apprenti en Bac+4 conception et développement Informatique (ENI Ecole informatique) au sein de l'Etablissement de santé ECHO à Nantes. Ainsi, j'ai intégré l'équipe informatique qui développe le logiciel MEDIAL, solution logicielle de néphrologie et de dialyse. Je suis en veille permanente sur l'accélération du virage numérique et désire m'investir professionnellement dans cette transformation afin d’évoluer les usages vers plus de sécurité et d’interopérabilité au service des patients et des professionnels. 


par Agnès Diter 26 févr., 2024
Changer le regard sur le virus du SIDA, en faisant témoigner des personnes vivant avec le VIH
par Sylvie Favier 04 févr., 2024
La technologie à la portée de l’extrême vieillesse
par Sylvie Favier 10 déc., 2023
Une école sur mesure pour les enfants avec des troubles du neuro-développement : le parcours votif d’une mère
AMARANTHA BARCLAY BOURGEOIS, Directrice de l'association JADE
par Agnès Diter 29 nov., 2023
Une pionnière en France dans le soutien des jeunes aidants, en leur offrant des moments de répit et d’expression
BEBECCA BILLY, coordinatrice à La pause Brindille
par Agnès Diter 16 oct., 2023
Mettre un rayon de soleil dans la vie des jeunes aidants.
LISE MOLIMARD, chef de projet Académie des AJA, association Aïda
par Damien Dubois 21 sept., 2023
Échange entre deux citoyens engagés après été touché par un cancer en tant qu'Adolescent Jeune Adulte (AJA)
par Damien Dubois 03 sept., 2023
Ou comment passer d’un « schizo-out » à la reconnaissance du statut de Médiateur santé pair
CHARLOTTE TOURMENTE, médecin, journaliste, vice-présidente de DareWomen
par Sylvie Favier 22 août, 2023
L’engagement de Charlotte, positive et volontaire, pour l’accomplissement personnel et professionnel des femmes en situation de handicap
Show More
Share by: