NOEMIE NAULEAU, conseillère autonomie à l’ARS Pays de la Loire

Damien Dubois • sept. 20, 2021

Une personne vivant avec un handicap, avec un savoir expérientiel.


NOEMIE NAULEAU

Conseillère autonomie à l'ARS Pays de la Loire

Noémie, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? 

Je suis une ex-cliente de l'ADAPT/ Institut du Mai, l’école de la vie autonome où j’ai été formée à l'autonomie. Je vis à Nantes où je travaille pour l’Agence régionale de Santé sur la base de mon savoir expérientiel. J’ai 35 ans. Je suis une personne vivant avec un handicap : l’amyotrophie spinale infantile. Concrètement, je vis avec très peu de mobilité. Cela suppose une organisation logistique dans un appartement domotisé rattaché à un service d’auxiliaire de vie. Je maîtrise donc mon environnement. Je peux choisir d'ouvrir la porte ou non. Comme tout le monde, j’ai mes fragilités et mes forces. Même si nous avons toutes et tous des réalités différentes, ces vulnérabilités en se rencontrant constitue une vraie force.


Je suis également secrétaire générale de l’association Handidactique dont le but est le conseil, la réalisation et le soutien de projets visant à l’amélioration de la qualité des soins des personnes handicapées et des personnes qui interagissent avec elles. Pour exemple, nous avons développé le questionnaire Handifaction sur la qualité des soins vécue par les personnes vivant avec un handicap - je vous invite à le remplir. J’ai aussi contribué à l'écriture de « Il n’y a pas de citoyens inutiles » et « Liberté, Egalité, Autonomie » sous la direction de Pascal Jacob, aux éditions Dunod.



Quelles ont été les motivations de votre engagement ?

Cela s'est construit petit à petit et c’est toujours en construction d’ailleurs. J’ai d’abord vécu une forme de rejet de la maladie, du handicap, des cases dans lesquelles on essayait de me faire rentrer. Petit à petit, j’ai grandi et j’ai réalisé que le partage d'expérience est utile pour avancer dans la vie.

Mais mes premières motivations sont surtout liées aux rencontres que j’ai faites. Des professionnels (éducateurs, directeurs d’établissements) qui estimaient que mon expérience était intéressante et qu’elle méritait d’être partagée. J'ai besoin de me sentir utile. De croire que je ne vis pas tout cela pour rien.


La première phase était très personnelle. J'ai eu besoin d'évoluer, de me détacher, de me résigner, de m'interroger sur ce que j'allais faire dans ce monde et comment je pouvais y contribuer. Cela a commencé très simplement en allant dans des écoles faire du bénévolat, en participant à la commission de la mairie de Couzeix (87) sur l'accessibilité. Je me suis vite rendu compte que mon vécu pouvait servir concrètement aux évolutions des organisations.


Plus tard, j'ai croisé le chemin de Pascal Jacob qui travaille à l’amélioration de l’accès aux soins des personnes vivant avec un handicap. Il m'a sollicité sur les questions d'autonomie. De fil en aiguille, je suis intervenue dans des organisations plus politiques sur le handicap, d’abord pour témoigner puis pour apporter une vraie expertise. J’ai intégré le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH) où je représente Handidactique. Je suis assesseure de la commission santé, bien-être, bientraitance du CNCPH.



Retrouvez Noémie dans un podcast de mars 2021 « Handicap, histoire de... » qui met en lumière des parcours de vie de personnes en situation de handicap ou concernées par le handicap.

Et donc, comment avez-vous intégré l’ARS Pays-de-La-Loire ?

Dans la continuité de mon parcours, au fil des rencontres, en avril 2019, j’ai été embauchée comme Conseillère Autonomie à l’ARS Pays-de-la-Loire sur la base de mon savoir expérientiel. Les mentalités ont fortement évolué. Cela n’aurait pas été possible il y a seulement quelques années. Cette intégration dans leur équipe d’une personne vivant avec un handicap est une grande nouveauté. Les agents sont plus habitués à travailler avec des associations d’usagers ou avec des représentants d’associations qu’ils ne côtoient pas au quotidien.

Concrètement, je m’appuie sur mon savoir expérientiel pour apporter mes conseils, mes idées, mon regard sur les différents projets que porte l’ARS. Dernièrement, dans le cadre du plan régional de santé on m'a sollicité pour la mise en place des Communautés 360.

L’important c’est la richesse des parcours et les risques qu’on a su prendre pour avancer. Mon poste est une opportunité de rapprocher les acteurs, de croiser les expertises et de lever les peurs.

J’ai la chance de pouvoir gérer mon temps de travail en fonction de mes besoins. Les matinées sont souvent occupées par mes soins. Je suis libre de gérer ensuite ma journée comme je le veux, pour respecter mon rythme. J’ai encore besoin de trouver l’équilibre avec des activités plus personnelles.


Que tirez-vous comme bénéfice de cette expérience ?

Si ma petite expérience peut participer à quelque chose de plus grand que moi, ce sera déjà beaucoup. Je n'ai pas toujours eu conscience de mon savoir expérientiel. Petit à petit, j’ai pris confiance en moi, en mes capacités, en mes compétences. Quand on grandit dans le soin et le handicap, on apprend à identifier tout ce qu’on ne peut pas faire. Il est important d’apprendre à reconnaître tout ce que l'on peut faire.

L'expression du patient-expert vivant avec un handicap est assez récente dans le monde sanitaire. Dans le champ du handicap, il n’est pas naturel de travailler avec le sanitaire. L’inverse est également vrai. J'avoue aussi -et cela est très personnel- qu’en tant que personne vivant avec handicap, j'ai souvent du mal à me retrouver auprès de patients experts qui ont une vision très sanitaire des choses. Les ponts entre le sanitaire et le médico-social se construisent mais nous avons encore du travail.


Qu’avez- vous envie de partager de votre expérience ?

J'ai dû apprendre à me détacher du sanitaire pour vivre ma vie et exister autrement qu’en unique patiente. Je dirais qu’il ne faut pas hésiter à se présenter comme soi-même et aller frapper aux portes pour créer la rencontre. On vient plus difficilement vers moi que je peux aller vers les autres.

Chaque histoire est très personnelle. Chacun vit la maladie, le handicap, différemment. Le point central est d’être à l’écoute de soi-même. Chaque histoire mérite d'être entendue et enrichie. N’opposons pas professionnels et personnes ayant de l’expérience. Nous sommes complémentaires. Nous avons besoins les uns des autres.


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