MICHELLE LAURENT, ingénieure en ETP et naturopathe
Une bifurcation professionnelle après un cancer du sein
Michelle, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Michelle. J’ai 57 ans et vis en Guadeloupe. Je suis ingénieure en éducation thérapeutique du patient.
C’est une partie importante de ma vie professionnelle que je dois relier à un parcours de maladie. Il y a 9 ans, j’ai eu un cancer du sein. À la fin des traitements, malheureusement, comme environ 20 % des personnes touchées par un cancer, j’ai perdu mon emploi. Pendant mes traitements, j’étais en Guadeloupe, puis, je suis rentrée à Paris où vit ma famille. J’étais très fatiguée après un an de traitement.
Mon corps avait besoin de se poser avant d’avoir envie de repartir. Je ne pouvais pas tout de suite reprendre mon bâton de pèlerin pour retrouver ma vie d’avant. Au bout de six mois, j’ai pris conscience qu’il n’y avait aucune obligation à reprendre un rythme professionnel effréné.
Comment s'est construit votre engagement ?
J’ai assisté à une conférence à Versailles sur la santé et le bien-être du Dr Bérengère Arnal, gynécologue à Bordeaux, Présidente de l’association « Au sein des femmes ». Elle y parlait d’hormonothérapie et de l’impact sur l’organisme. Cela m’a interpellée car j’étais sous hormonothérapie. Très vite, je l’ai contactée et lui ai proposé de créer « Au sein des femmes Antilles ». Je mets alors un premier pied dans le monde associatif.
L’association faisait partie du Collectif K qui regroupait plusieurs associations. Par sa Présidente, j’ai entendu parler de la notion de patient expert et de l’Université des Patients. Tout de suite, une petite ampoule s’allume. Cette découverte tombait à point nommé pour m’apporter cette légitimité alors que je réfléchissais à ce que je pouvais apporter au monde associatif avec mon passé professionnel. Cette formation allait asseoir mes compétences développées pendant la maladie. Je me suis inscrite en quelques jours au DU d’éducation thérapeutique du patient (ETP). Je suis donc ingénieure en éducation thérapeutique du patient.
Ce parcours à l’université des patients de Catherine Tourette-Turgis a été passionnant, avec une équipe pédagogique extraordinaire, des collègues de promotion géniaux et la découverte d’un monde inconnu ; tellement que j’ai rempilé pour un DU d’accompagnement du parcours patient en cancérologie. Ces formations m’ont aidé à prendre conscience, à comprendre et à analyser la manière dont j’avais traversé le parcours de soin. C’est l’apprentissage de cette position méta, de cette autoréflexivité sur soi et sur les autres qui transforment les savoirs expérientiels en expertise ; une position « méta » pour autoréflexif sur ce que j’avais vécue, la manière dont je l’avais vécue. Cette formation a été le déclencheur, je m’y étais inscrite pour aider les autres, je me suis aidée moi-même !

Comment ces formations se sont-elles concrétisées en engagement ?
Toutes mes actions sont en lien avec la santé, la prévention, le parcours de maladie. Je témoigne volontiers de mon parcours professionnel et de la manière dont je vivais avant, ainsi que de la prise de conscience que cette maladie m’a permis d’avoir, sur l’importance d’avoir un bon équilibre entre vie privée et professionnelle. En 2016, je me suis également établie en tant que naturopathe et j’ai animé beaucoup d’ateliers en entreprise pour partager cette prise de conscience.
Par ailleurs, j’ai intégré une association qui avais mise en place en Guadeloupe, un programme d’ETP agréé par l’ARS. Je suis donc venue une fois par mois les accompagner sur le développement du programme. C’est la première expérience concrète après ma formation. Pendant deux ans, j’ai animé ces ateliers individuels jusqu’à ce que la crise sanitaire, et des soucis de financement ne mettent le programme en sommeil. Entre temps, en 2019, je suis devenue formatrice en ETP. J’ai effectué deux missions pour un organisme de formation à l’hôpital de Dreux, et dans une MAS (Maison d’Accueil Spécialisé) à Sens, avant de rentrer de manière plus prolongée en Guadeloupe. Je devais repartir, mais le covid est arrivé et les déplacements en avions restreints.
Quels ont été les résultats de ces premières actions ?
Le fait d’avoir une formatrice ancienne patiente a marqué les professionnels de santé. Les 42 h de regards croisés leur ont ouvert les yeux sur leur posture de soignant en voyant les choses sous un autre angle, celui de quelqu’un qui a vécu la maladie de l’intérieur. A distance, j’ai mené des missions de conseils auprès de l’agence Patient Conseil ou de l’association Patients en Réseau. Energétiquement parlant, je me sens à l’aise avec l’ETP et c’est cette activité que je veux privilégier, plus que celle de Présidente d’une association.
Quels sont vos envies et projets à venir ?
En ce moment, je suis mobilisée sur deux projets : celui en cours concerne l’accompagnement de 9 structures médicosociales dans la mise en place d’une stratégie de digitalisation pour améliorer le parcours des usagers, et le deuxième projet démarrera fin novembre et concerne une plateforme d’accompagnement des patients. Les compétences que j’y mobilise sont différentes, gestion de projet pour l’une, pédagogie, construction de Digital Learning, de parcours pédagogique numérique pour l’autre.
Il m’est difficile de mener beaucoup de projets en même temps, je n’en ai pas l’envie, pas envie de disperser mon énergie, envie de préserver ma qualité de vie. Je travaille beaucoup avec la France hexagonale. Compte tenu du décalage horaire de 6 h, mes journées peuvent commencer à 4 ou 5 h du matin avec des visios, puis j’enchaine soit avec les consultations de naturopathie, soit avec les prestations de conseil dans un magasin Bio… Mes journées sont parfois longues et bien remplies !
J’ai très envie de reprendre les formations en ETP soit en Guadeloupe, soit en France, et me former en analyses de pratique.