PATRICIA ACENSI-FERRE, assopreneure, Déléguée générale & fondatrice de l'association ENVIE2RESILIENCE et du Prix de la Résilience Professionnelle

Damien Dubois • févr. 15, 2023

Bâtir ensemble une performance durable et responsable grâce à la résilience professionnelle


Patricia Acenis-Ferré

Patricia Acensi-Ferré

Assopreneure, Déléguée générale & fondatrice de l'association ENVIE2RESILIENCE et du Prix de la Résilience Professionnelle

Pouvez-vous tout d’abord vous présenter en quelques mots ?


J’ai 45 ans. Je suis maman d'une petite fille de dix ans, née deux mois avant mon point de bascule, avant ce qui nous amène ici. J'ai la chance de vivre tout près de la forêt de Brocéliande, à l'ouest de Rennes. Dans ma première vie professionnelle, j'ai gravité en cabinets ministériels, j'étais assistante parlementaire d’un sénateur de Haute-Savoie puis en charge des relations avec les élus au Centre des monuments nationaux et cela m’a permis de comprendre beaucoup de choses sur le fonctionnement de nos institutions et m’a convaincue de la nécessité de décloisonner les mondes public, privé et de la société civile pour faire bouger les lignes. Mon point de bascule est arrivé le jour de la Saint Valentin 2013, avec l'annonce d'un cancer du sein.


Depuis 10 ans, de cette autre vie, je chemine et suis riche de nombreuses rencontres.

Je ne suis sans doute pas devenue plus forte mais sans conteste plus moi-même.

J’ai l’impression d’être à ma place et donc plus apte à agir.  Aujourd’hui, la maladie fait certes partie de mon histoire mais le jour où j’ai rendu mon cathéter, j'ai largué les amarres.



Comment est né votre engagement ?


C’est comme se demander à quel moment on a décidé d’être résiliente ! C'est en se retournant que l'on voit ce qu'on a fait. Le déclencheur d’Envie2résilience date de plus de cinq ans.  Après mes traitements, je me suis séparée sans regret de mon dernier employeur tant je ne m’y retrouvais plus éthiquement …  Je me suis alors demandé « ce que j’allais faire quand je serai grande » et j’ai engagé une reconversion, notamment à l’école de coaching d’HEC. Je voulais faire de l’accompagnement d’entreprises et je ne suis pas très adepte de la posture du consultant. Je crois plus en l’émergence des prises de conscience pour acter les changements.

Finalement avec quelques nouveaux camarades, j’ai creusé la question du retour au travail après une longue absence (étonnant non 😉) et le sujet de la place de nos vulnérabilités dans le monde du travail. Nous avons monté des parcours pour accompagner les personnes qui revenaient au travail après une longue maladie, en considérant qu’il pouvait être de la responsabilité de l'employeur, au sens noble du terme, de favoriser ces retrouvailles. Cela s'appelait « Envie 2 (au carré) ». Je sais aujourd’hui que c’est l’ADN de l'association.

 

Nous allions signer une expérimentation avec la direction régionale d’une banque, emballée sur l’idée d’accompagner ceux qui reviennent après un cancer, une maternité mais qui ne voulait pas aller sur le terrain de l'épuisement professionnel. J’en suis tombée des nues. Il était hors de question de faire un tri. Cela a mis en évidence les tabous et la culpabilité des entreprises quand on parle de burn-out. Nous n’avons pas signé. Je n’ai pas voulu recréer un référent vulnérabilité mais retourner la médaille en questionnant ce qu'il y a derrière la vulnérabilité. Le travail est fondamental et structurant. C'est en soi le premier tuteur de résilience.

 

Je me suis renseignée sur cette notion. Je n’ai rien trouvé sur le système du monde du travail. Je voulais convaincre en montrant que, dans l’entreprise, résilience rime vraiment avec performance, avec un pilier économique et un autre sociétal. Cela devait passer par la valorisation d’expérience d’individus, de collectifs, d’organisations sur des questions de l'aidance, le rebond entrepreneurial, la maladie.


Envie2résilience est née en 2017 de cette volonté de partager des récits qui peuvent changer le monde du travail de l'intérieur, pour faire comprendre les ressorts de la résilience qui n’est surtout pas à confondre avec de la résistance, qui induit l’adaptation à l’environnement et l’épuisement des ressources !


 

Comment l’action s’est-elle concrétisée ?


Nous avons créé le Prix de la résilience professionnelle. Ce n’est pas un concours du meilleur parcours, ni un trophée. Le Prix évoque aussi le prix à payer pour en arriver là. D’ailleurs, même si cet engagement part de mon expérience personnelle, je n’ai pas voulu le limiter au cancer pour décloisonner cette notion de résilience et sortir d’une étiquette. Avec le Prix, nous mettons en avant comment, après une épreuve de vie, une personne travaille différemment et ce qu’elle peut générer de vertueux autour d’elle.

 

Nous en sommes à la troisième édition après deux éditions nationales. A chaque fois, nous avons repéré une bonne cinquantaine d'acteurs. Nous avions fait la 1ère remise au Sénat pour sensibiliser les institutions, la 2ème à la Cnam pour la dimension recherche. Pour cette 3ème saison, nous avons fait des étapes en Bretagne, en Pays de Loire et dans les Hauts-de-France, et dans la région Grand-est. En novembre, nous avons fait une édition digitale pour les territoires qu'on n'aura pas pu couvrir en physique. D’ailleurs, Les Patients s’engagent a fait partie du jury.

 

L'idée est de valoriser et faire émerger des récits alternatifs pour partager avec d’autres qui sont encore dans le tunnel et inspirer les décideurs qui peuvent agir. Je me suis formée à la pratique narrative. Nous sommes tous dépositaires de récits. Les récits peuvent changer la vie. Cette notion de transmission est très importante. J’appelle cela les contes et légendes de la résilience professionnelle.

 

Le Prix lui-même est un prétexte, un moment de convivialité propice à l’échange et au partage. Le repérage se fait grâce à des cercles territoriaux et nationaux. Tous les candidats du Prix adhèrent afin de constituer une sorte de communauté de l’engagement utile d’ailleurs pour le second pilier de l’association qui est de faire bouger les lignes de l'intérieur et nous proposons des rencontres mensuelles soit pour échanger librement et renforcer nos engagements, soit autour d’un expert qui partage ses trouvailles.

Prix de la Résilience Professionnelle

Comment ça fonctionne la résilience professionnelle ?


L’enjeu est d’apprendre à cultiver nos gros pépins dans le monde du travail, pour qu’ils fassent des racines et génèrent des apprentissages.

Le jeune plant qui en découle sera nourri avec nos ressources. Et pour qu’il pousse mieux, le tuteur est indispensable pour nous accompagner. Ce tuteur est aussi aux premières loges pour reconnaître et valoriser les acquis de l'épreuve transférables dans le monde du travail. Nous lançons une expérimentation dans l'entreprise pour construire un maillage de tuteurs habilités à repérer les différentes natures de risque et avoir la posture adaptée pour s’adresser à l'autre, valoriser ses acquis de l'épreuve, accompagner le développement de l’intelligence émotionnelle.


 

Comment fonctionnez-vous au sein d’Envie2résilience ?


Nous sommes une association. J’étais d’abord bénévole mais très vite, j’ai cessé mon activité professionnelle pour m’y consacrer. Je suis aujourd’hui directrice salariée depuis presque un an. Nous sommes deux et demi à travailler à quasi-temps plein et nous pourrions être à quatre. Une bénévole travaille avec nous sur le volet tuteur et formation. Nous avons été bien accompagnés par des dispositifs comme France Active et du mécénat de compétences.

 


Quels sont vos liens avec les autres acteurs, notamment associatifs ?


Nous nous croisons souvent. Dans la même philosophie que les tuteurs, nous formons un maillage complémentaire avec par exemple, en Bretagne, Brigitte Chollet qui a créé ResoForce, Anne-Sophie Tuszynski de Cancer@work ou encore Dominique Thirry de Juris Santé. Ce sont effectivement des patientes qui s'engagent.

 

D’ailleurs, nous assistons à une mue des acteurs associatifs qui compensent les politiques publiques sur le terrain. Cet engagement se structure et se professionnalise. Le mélange de la motivation initiale et de cette structuration rend ces engagements très puissants et constructifs. Là aussi, nous sommes dans la logique des tuteurs. Nombre de camarades patients qui s'engagent font office de tuteurs de résidence, pas que dans le monde professionnel.

 

De plus en plus, comme moi, ils ont réfléchi à pourquoi ils agissent, dans quelles conditions… cela touche forcément à nos vécus et aux blessures que nous sommes venus soigner comme on me le disait dans ma formation de coach, il y a une dizaine d’années. Cela vient toucher l'état d'urgence, l'injustice.


 

Quelle est la prochaine étape ?


En septembre 2023, nous organisons une grande rencontre autour de cette question de la résilience pour parler de la santé du travail et comment sanctuariser la valorisation des acquis de l’épreuve.

Nous voulons être force de propositions de solutions concrètes de la résilience professionnelle pour soutenir la performance. Nous allons aussi former ces tuteurs de résilience pour agir concrètement.

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