MATHILDE MURZEAU, Dirigeante de Coline.care, dispositif d’amélioration de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) fondé sur la pair-aidance

Damien Dubois • févr. 10, 2023

Favoriser le recrutement et le maintien à l'emploi des salariés confrontés à une maladie ou à une situation de handicap

Mathilde Murzeau

Mathilde Murzeau

Dirigeante de Coline.care, dispositif d’amélioration de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail (QVCT) fondé sur la pair-aidance

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?


J'ai un parcours en marketing et communication, notamment dans des groupes pharmaceutiques. J'ai fait mes premières armes à Paris avant de revenir dans ma Touraine natale. En 2016, j'ai déclaré une maladie chronique, qui est assez stigmatisée dans le monde professionnel alors qu’elle ne me pose pas de souci dans la sphère personnelle. J'ai la chance d'avoir des proches très soutenants, notamment mon conjoint, avec qui j’ai eu une petite fille en 2020. Professionnellement, j’ai eu un arrêt maladie de quatre mois et à ma reprise, malgré toute la bienveillance de mon entreprise de l’époque, j’avais perdu mes repères et j’ai démissionné quelques mois plus tard.

 

C’est à ce moment-là que je suis repartie à Tours. J’ai retravaillé mais je n’ai pas parlé de ce handicap invisible. En fait, j’ai un parcours plutôt classique et je suis une patiente chronique parmi tant d'autres. J’ai accompagné de beaux projets dans les entreprises où j’ai travaillé mais j'avais besoin de créer quelque chose qui me ressemble. Je me suis donc penchée sur le sujet de la pair-aidance.

Comment est né cet engagement ?


J’en ai parlé à mon meilleur ami, Jonathan Boudault, avec qui je partage la même fibre entrepreneuriale. Nous sommes partis de ce qui m’avait manqué : pouvoir échanger avec quelqu’un qui me comprenne et vive la même chose que moi. Nous avons d’abord imaginé une plateforme du type de Carenity, pour mettre en relation les patients comme sur un réseau social, mais dans une logique de communauté. En 2020, nous avons suivi le parcours Ticket for change, qui accompagne les entreprises de l'économie sociale et solidaire. Finalement, nous n’avons pas trouvé le business model notamment parce qu’il était hors de question d’exploiter la donnée de santé.

 

Nous nous sommes alors recentrés sur le besoin de ressource et d’écoute dans le monde de l’entreprise. Malgré toute la bienveillance possible, les collaborateurs ont besoin d’être accompagnés quand quelqu’un de l’équipe, eux-mêmes ou un proche a un diagnostic de maladie chronique. Coline s'adresse aux collaborateurs concernés par la maladie chronique, mais aussi aux proches aidants et même aux collègues.

Avec Coline, nous voulons montrer qu'on peut avoir une maladie chronique, avoir des compétences et être un atout pour l’entreprise. Nous voulons aussi que les salariés aient moins peur de la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Environ 3,8% des personnes font la démarche alors que 15% des personnes en France travaillent avec une maladie chronique. Nombreux sont ceux qui ne font pas la démarche, comme c’était mon cas, par déni, méconnaissance et peur de la stigmatisation. Les représentations sont nombreuses, sur les évolutions de carrière, ou même les prêts immobiliers.



Concrètement, comment cela se passe ?


A travers des séances privées, des patients partenaires accompagnent les collaborateurs sur différents sujets, découverte du diagnostic, annonce de la maladie, retour au travail, reconnaissance RQTH… Les entreprises souscrivent à un abonnement mensuel en fonction du nombre de collaborateurs. A moins de 200 collaborateurs, l'accès à la plateforme est gratuit et l’entreprise paie à la séance avec un patient partenaire ou un professionnel de notre réseau (assistante sociale, infirmière du travail, référente handicap). Nous faisons un reporting mensuel de la fréquentation mais bien sûr toutes les données personnelles des collaborateurs sont confidentielles.

 

Nous avons choisi le statut de SAS, j’en suis la directrice et mon associé Jonathan en est le président. Notre objectif est de devenir un acteur de référence de l’économie sociale et solidaire. A terme, nous reverserons une partie de notre chiffre d'affaires à des associations en lien avec la santé, choisies par les collaborateurs des entreprises partenaires.

https://www.coline.care/

Qui sont ces patients partenaires ?


Nous travaillons avec des patients partenaires de différentes pathologies, formés à l’Université des Patients de la Sorbonne ou via d’autres diplômes qualifiants. Personnellement, l’année dernière, j’ai suivi un diplôme universitaire en éducation pour la santé, éducation thérapeutique à l'université de médecine de Tours. Cela m'a permis de monter en compétence car je ne viens pas du milieu des soignants.

 

Nous avons pas mal creusé le modèle de Montréal. Nous n’avons pas voulu parler de patient expert mais bien de patient partenaire ressource. Nous les accompagnons aussi. Récemment, nous les avons formés sur la notion de RQTH avec une référente handicap externe pour qu’ils puissent aborder ce sujet et orienter efficacement les collaborateurs. A terme, nous pourrions devenir un organisme de formation des patients partenaires, les accompagner. Personnellement, je ne me qualifie pas de patiente partenaire, presque plus de patiente coordinatrice. Notre équipe de patients partenaires représente plus d’une quinzaine de pathologies chroniques, en particulier les cancers et la santé mentale mais aussi l’endométriose, la sclérose en plaques, le diabète… Ils sont sélectionnés avec le concours d’une psychologue. Nous avons fait aussi le choix de la même rémunération pour tous. Nous accompagnons ainsi la dynamique de professionnalisation de la pair-aidance.

 

Cela est normal dans la mesure où les entreprises payent pour accéder à un service comme le nôtre. Une de nos missions est vraiment de rompre l'isolement des collaborateurs concernés par la maladie chronique et de les maintenir dans l'emploi.

 

 

Quels sont vos résultats ?

Nous démarrons. Nous avons commencé la réflexion en 2019 alors que nous étions l’un et l’autre en poste. Le Covid nous a motivé à passer le pas après une rupture conventionnelle avec nos entreprises. Nous avons donc vraiment démarré à temps plein en 2022, donc c'est assez récent. Nous avons un test pilote pour un groupe pharmaceutique, nous venons de signer avec un groupe immobilier, nous sommes en phase de clôture avec des acteurs du retail.

L’enjeu est d’accompagner aussi le développement de la pair-aidance qui en est au début, notamment dans cette optique de professionnalisation avec un statut et une rémunération juste. Notre système de santé est en crise et le savoir expérientiel de ces patients est un atout pour s’en sortir. Une fois que nous avons passé l’étape pédagogique d’acculturation à la pair-aidance, les entreprises avec qui nous échangeons le comprennent d’ailleurs très bien car elles envisagent le bénéfice pour les collaborateurs et leur structure.

 


Faut-il définir un cadre précis pour ce nouveau métier ?


Il faudrait en tout cas avoir une réflexion globale sur le salaire, les missions d'un pair-aidant, selon ses compétences, son niveau de formation. Aujourd’hui, les pratiques sont très disparates. De même, en termes d’organisation, je suis sûre que l’on va trouver un système mixte hybride pour intégrer ces patients dans les structures hospitalières ou en ville en partant du modèle par exemple des paramédicaux. Ce qui est certain c’est que le patient partenaire devient un métier à part entière.

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