OLIVIER JÉRÔME, fondateur de l'association CERHOM

Sylvie Favier • avr. 04, 2023

Face aux cancers masculins, l’humour pour sortir du silence et casser les tabous


Olivier Jérôme

Olivier Jérôme

Fondateur de l'association CERHOM
La fin du cancer, la fin de l'homme

Olivier pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

 

J’ai 52 ans, j’habite dans l’Essonne et je suis père de trois enfants. Je suis responsable commercial dans un grand groupe français de matériel électrique. 
En 2001, à l’âge de 30 ans, j’ai eu un cancer du testicule qui, je l’avoue, aurait pu être diagnostiqué plus tôt. J’avais remarqué que j’avais un testicule qui se rétractait de plus en plus, mais comme beaucoup d’hommes, j’ai fait l’autruche… Jusqu’au jour où une émission sur France Info m’a alerté et convaincu de consulter. En moins de 24 heures, j’ai fait une échographie et reçu le diagnostic de cancer du testicule : un vraie vrai coup de massue, parce qu’à ce moment-là dans mon esprit le cancer est synonyme de mort et parce qu’il se situe en-dessous de la ceinture ! Difficile à entendre pour un homme… Très rapidement, j’ai été pris en charge à l’Institut Gustave Roussy, par un jeune médecin devenu depuis un professeur de renom, le Pr Karim Fizazi. J’avais déjà des métastases dans les poumons…, les traitements ont été lourds. J’ai subi une orchidectomie (l’ablation du testicule) puis, après l’implantation d’une prothèse testiculaire, plusieurs cycles de chimiothérapies fortement dosées, pendant environ six mois. J’avais été informé de l’atteinte possible de la virilité et de la fertilité.

 En accord avec mon épouse, j’avais refusé la congélation de sperme ; nous avions déjà deux garçons et décidé de nous en remettre au destin. En revanche, nous avons eu à cœur de tester au plus vite le bon fonctionnement de la mécanique ! Les choses sont rentrées dans l’ordre progressivement et quelques années après, le miracle s’est produit : nous avons conçu une petite fille, qui est née en 2005 !

Avec le recul, j’ai bien conscience qu’il s’en est fallu de peu que je ne sois pas là pour en parler… Traité rapidement, ce cancer se guérit sans complication dans l’immense majorité des cas. Je ne saurais trop conseiller aux jeunes hommes de ne pas suivre mon exemple !



Vous avez créé CERHOM près de 10 ans après. Pourquoi ?


A l’époque, la guérison était acquise au bout de 12 ans. Pendant toutes ces années, j’ai voulu prendre de la distance avec les examens de contrôle, juguler l’anxiété… Bref, tirer un trait sur la maladie. 
Et puis en 2013, le Pr Fizazi a sollicité plusieurs de ses patients pour participer à Gustave Roussy à une réunion d’échanges sur les cancers masculins. J’ai pensé qu’il était de mon devoir de partager mon expérience. A l’issue, un constat simple s’est imposé : rien n’existait pour encourager les hommes à se livrer ni pour les soutenir dans l’épreuve. Et tous n’avaient pas eu la chance d’être entourés comme je l’ai été. Avec un ancien patient, Marc Plaisance, nous avons donc décidé de créer une association dont il serait le président, et dans laquelle je m’investirais à hauteur de mon temps disponible…

CERHOM a été créée en mai 2014, avec un objectif double : accompagner les patients pour ne pas les laisser seuls face à des sujets qui restent très tabous et dont les hommes ont beaucoup de mal à parler, moi le premier ; et les sensibiliser à une surveillance simple pour ne pas retarder la prise en charge si nécessaire. 
J’ai été secrétaire adjoint de CERHOM jusqu’en 2016, où je suis devenu président de l’association.

Association Neptune - Gagner avec Parkinson

Vous l’avez dit, les hommes sont peu enclins à chercher de l’aide. Expliquez-nous comment vous avez réussi à les atteindre.


Je sais par expérience que les hommes se présentent plus volontiers comme des guerriers. Moi-même, je me croyais armé pour être vainqueur, alors que ma femme avait une tout autre vision. Elle me voyait effondré… et elle avait raison ! 
Pour libérer les émotions, nous avons d’abord créé le premier centre d’écoute dédié aux cancers masculins, deux lignes anonymes parce qu’il est plus facile de se confier dans ces conditions. 


Pour sensibiliser les hommes à l’autopalpation, il fallait aller vers eux, parce qu’à l’inverse des femmes, ils ne viennent pas spontanément échanger sur des stands. Nous avons donc imaginé une campagne vidéo, en partenariat avec l’ONG
Movember, à laquelle se sont prêtés bénévolement de nombreux comédiens professionnels plus ou moins connus. Le premier spot, Un vrai film de boules, est sorti en 2018. Il invite les hommes, sur le ton de l’humour, à inspecter régulièrement leurs testicules pour se faire dépister sans tarder. Cette campagne a remarquablement bien fonctionné. Le spot a d’abord été diffusé sur des chaînes YouTube. Il a fait l’objet d’une dépêche de l’AFP, qui a été reprise par de nombreux médias, dont des chaines de télévision nationales comme France 2, TF1 et C8. Sur les réseaux sociaux, il a été consulté par plusieurs millions d’internautes. 


Un an après, nous avons réitéré l’opération sur le cancer de la prostate. Un deuxième spot,
Le coup de la panne, a été réalisé fin 2019, mais il n’a pas connu le même succès. Le message a été mal compris et le mode de communication qui avait été d’une grande efficacité auprès des jeunes générations - 18-35 ans pour le cancer du testicule - s’est avéré moins opérant auprès des plus de 45 ans. 


En 2020, la campagne sur le cancer du testicule a été relancée avec une deuxième édition d’Un vrai film de boules dont les résultats ont été satisfaisants, en dépit d’une couverture presse réduite au profit de la Covid. 
Cette même année, nous avons été contactés par David Friszman, un auteur-acteur qui avait écrit une comédie très originale et vraiment géniale, intitulée « Radicale », sur le cancer de la prostate. Nous avons d’abord financé une lecture théâtralisée dont la première a eu lieu en Avignon au festival off. La pièce a ensuite été jouée à Valence en 2021 puis au Petit Théâtre des Variétés à Paris en 2022, pendant un mois. Dans le même esprit, nous avons présenté à Lyon un one-man show intitulé 66 jours de Théo Askolovitch sur le cancer du testicule. Selon les partenariats, les représentations ont parfois été suivies d’un débat avec des professionnels de santé. Ces initiatives ont beaucoup plu ; nous avons d’ailleurs remporté le premier prix Pfizer des associations de patients. 
En parallèle, le dernier né de nos spots, sur le cancer de la prostate, est sorti en novembre dernier : A deux doigts du bonheur (lien hypertexte ?), est totalement décalé et ça fonctionne ! L’humour est devenu notre marque de fabrique.



Et cette année, quoi de neuf ?


CERHOM dispose aujourd’hui d’un arsenal de communication qui fait mouche et que l’on va pouvoir réutiliser.  Nous sommes en train d’étudier notamment le coût économique d’une reprogrammation de Radicale, à Paris et ailleurs, avec le petit plus que constitue le débat qui suit, chaque fois que ce sera possible. 
Toujours en lien avec les
medias médias, nous avons lancé, avec le laboratoire Bayer, un web-programme intitulé Prostate mode d’emploi (#ProstateModeDEmploi). Une première émission est déjà en ligne sur le thème J’ai un cancer de la prostate, c’est grave docteur ? Deux autres vont être produites dans le courant de l’année sur la sexualité et l’incontinence, qui sont des thématiques sensibles sur lesquelles les hommes s’expriment, encore une fois, beaucoup moins que les femmes.


Avec les brochures vulgarisées que nous préparons par ailleurs, c’est un moyen de rendre accessible une information utile et de changer la perception des hommes sur des examens de dépistage comme le toucher rectal, auquel beaucoup sont réticents. C’est une pratique certes désagréable, mais comparable au frottis pour les femmes. La différence, c’est leur rapport à la médecine et c’est ce qui doit évoluer.

par Agnès Diter 26 févr., 2024
Changer le regard sur le virus du SIDA, en faisant témoigner des personnes vivant avec le VIH
par Sylvie Favier 04 févr., 2024
La technologie à la portée de l’extrême vieillesse
par Sylvie Favier 10 déc., 2023
Une école sur mesure pour les enfants avec des troubles du neuro-développement : le parcours votif d’une mère
AMARANTHA BARCLAY BOURGEOIS, Directrice de l'association JADE
par Agnès Diter 29 nov., 2023
Une pionnière en France dans le soutien des jeunes aidants, en leur offrant des moments de répit et d’expression
BEBECCA BILLY, coordinatrice à La pause Brindille
par Agnès Diter 16 oct., 2023
Mettre un rayon de soleil dans la vie des jeunes aidants.
LISE MOLIMARD, chef de projet Académie des AJA, association Aïda
par Damien Dubois 21 sept., 2023
Échange entre deux citoyens engagés après été touché par un cancer en tant qu'Adolescent Jeune Adulte (AJA)
par Damien Dubois 03 sept., 2023
Ou comment passer d’un « schizo-out » à la reconnaissance du statut de Médiateur santé pair
CHARLOTTE TOURMENTE, médecin, journaliste, vice-présidente de DareWomen
par Sylvie Favier 22 août, 2023
L’engagement de Charlotte, positive et volontaire, pour l’accomplissement personnel et professionnel des femmes en situation de handicap
Show More
Share by: