NATHALIE CLARY, militante active pour l'endométriose, fondatrice d'ENDOmind
Endométriose : itinéraire d’une association pour vaincre les obstacles et les préjugés
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je travaille dans le tourisme depuis toujours et j’ai beaucoup voyagé, dans ma vie professionnelle et pendant ma jeunesse. En 1999, prise de violentes douleurs, j’ai consulté dans trois hôpitaux différents avant d’être hospitalisée pour une péritonite et opérée en urgence. C’est seulement au réveil que j’ai découvert que j’étais atteinte d’endométriose et un peu plus tard, que j’avais subi une ménopause artificielle sans mon consentement. A cette époque, on ne parlait pas du tout de cette maladie, on trouvait très peu d’information sur le sujet et encore moins de médecins concernés par la pathologie. Je n’ai jamais eu de réponses à mes questions ; j’ai donc erré seule avec ma maladie pendant plusieurs années. C’est en fait quinze ans plus tard que j’ai pris conscience du vide insupportable qui l’entourait.
Si longtemps après votre diagnostic, qu’est-ce qui vous a poussée à créer ENDOmind ?
L’endométriose génère des douleurs intenses surtout au moment des règles et pendant les rapports sexuels, qui s’accompagnent parfois de troubles digestifs, urinaires et de douleurs lombaires. Ces symptômes impactent la vie personnelle comme la vie professionnelle, avec de la fatigue chronique, des retards et des absences récurrents. Les femmes sont très représentées dans les métiers du tourisme et plusieurs de mes collègues souffraient d’endométriose sans oser en parler. J’ai alors réalisé qu’elles vivaient les mêmes parcours d’errance, avec un diagnostic tardif (7 à 10 ans), et que rien n’avait changé en quinze ans ! C’est cette inertie qui a déclenché ma volonté d’agir et mon engagement associatif. J’ai d’abord rejoint le mouvement mondial EndoMarch et travaillé sur l’organisation et la médiatisation de la marche mondiale pour l’endométriose, qui allait avoir lieu pour la première fois en France en mars 2014. Dans ce cadre, j’ai mobilisé plusieurs personnalités au sein de mon réseau, dont Sonia Dubois et Imany. La même année, j’ai créé l’association ENDOmind, dont je suis aujourd’hui présidente d’honneur, après l’avoir dirigée pendant 9 ans.
Vous allez ensuite cumuler les premières fois avec ENDOmind ! Racontez-nous.
L’intention était de déclencher une prise de conscience à grande échelle. J’avais la chance, dans mon métier, de croiser des personnalités qui m’ont aidée à faire entendre la voix de ces malades. Imany, elle-même touchée par la maladie, est devenue la marraine d’ENDOmind, qui a été la première association à médiatiser le sujet de l’endométriose. D’abord au travers d’événements - conférences, expositions, interventions en milieu scolaire, etc. - organisés avec l’aide de plusieurs mairies d’arrondissements à Paris. En 2016, avec le soutien d’Imany et de Julie Gayet, et aux côtés du Dr Chrysoula Zacharopoulou, pionnière en la matière et à l’origine d’Info-Endométriose, nous avons lancé la toute première campagne nationale sur l’endométriose, avec le slogan « Les règles c’est naturel, pas la douleur ». La même année, la réalisatrice Claire Chognot a suivi l’association dans ses actions et le tout premier documentaire sur le sujet, «L’endométriose, une maladie qui sort de l’ombre », était diffusé sur France 5. En 2018, nous avons créé l’ENDOrun, une course pour récolter des fonds au profit de la recherche, qui suscite toujours une forte mobilisation.
Cette médiatisation nous a ouvert les portes de la HAS, qui nous a proposé d’intégrer les groupes de travail sur les recommandations de bonne pratique dans la prise en charge de l’endométriose à destination des professionnels de santé. En participant à ces réunions, j’ai compris que les décisions des instances étaient toujours fondées sur des données scientifiques. Il n’en existait quasiment pas pour l’endométriose, cela expliquait l’inaction. Fin 2017, nous avons donc soumis à l’AP-HP l’idée de créer une cohorte spécifique à l’endométriose dans le cadre de son projet de recherche ComPaRe sur les maladies chroniques. Non sans mal, le premier gros projet de recherche sur l’endométriose a été lancé en 2018.
Toujours pour tenter de combler le vide et mobiliser davantage de moyens, l’idée d’une fondation avait germé. Elle s’est concrétisée grâce à ma rencontre, au moment opportun, avec Valérie Desplanches. En 2021, la première fondation exclusivement dédiée à l’endométriose, dont elle est présidente, est créée par ENDOmind sous l’égide de la Fondation pour la Recherche Médicale.
Parallèlement, pour répondre à la principale demande qui nous était faite par les patientes, d’être orientées vers un praticien connaissant bien la pathologie, nous avons constitué le premier annuaire sur l’endométriose. Cette maladie n’étant pas une spécialité, il a été réalisé sur la base de l’expérience des patientes et mis à disposition en 2019 dans le cadre d’un partenariat avec la jeune entreprise Mapatho.
ENDOmind et la Fondation pour la Recherche sur l'Endométriose interviennent de manière bien distincte, la première avec une mission d’accompagnement des patientes et de plaidoyer, la deuxième avec la vocation de lever des fonds pour financer des projets de recherche.
Quelles ont été les évolutions et qu’attendez-vous du nouveau gouvernement ?
Les choses avancent mais trop de femmes sont encore ignorées, voire dénigrées dans leurs souffrances. C’est pourquoi nous avons profité de la période de confinement pour faire valoir auprès des parlementaires que l’endométriose présentait toutes les caractéristiques d’une maladie chronique, avec l’objectif d’obtenir l’inscription de la maladie sur la liste des affections de longue durée (ALD 30), pour que les malades puissent accéder aux droits liés à cette reconnaissance et pour que les professionnels de santé ne puissent plus la négliger. La décision revient au ministre de la Santé après avis de la HAS, mais celle-ci n’a pas été saisie et l’essai n’a pas été transformé. Mais sur notre insistance, deux mesures ont été actées dans
la stratégie nationale de lutte contre l'endométriose
annoncée en début d’année :
- une amélioration de l’accès à l’ALD 31 (c’est-à-dire au cas par cas sur examen du dossier médical par la Caisse d’Assurance Maladie concernée), sachant qu’un nombre infime de femmes en bénéficient, en raison de critères aussi opaques que variables en fonction des Caisses ;
- l’engagement d’une évaluation de cette mesure à 18 mois, et l’intégration de l’endométriose dans les ALD 30 si les résultats ne sont pas satisfaisants.
Nous attendons de la nouvelle ministre de la Santé le suivi de la mise en place de cette stratégie et la continuité des travaux qui la sous-tendent, dont certains ont déjà démarré, notamment le développement de filières territoriales sous la responsabilité des ARS.
D’autres actions en cours ou à venir ?
Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes filles sont diagnostiquées d’endométriose parce qu’elles sont plus nombreuses à oser enfin consulter, qu’il y a plus d’information disponible sur la maladie. Il faut poursuivre dans ce sens et les filières de soins, dont nous sommes membres à part entière, ont un rôle majeur à jouer - en termes d’information de la population, de formation des professionnels de santé et de prise en charge des patientes - pour lever définitivement les freins. Nous veillerons à ce qu’il s’exerce dans l’intérêt des malades et continuerons d’accompagner les ARS dans leur développement. Chaque territoire se mobilise et progresse à son rythme, mais notre expérience de terrain est reconnue et les professionnels de santé y sont très attentifs.
Nous travaillons également sur deux projets pour lesquels nous avons reçu un soutien financier à la suite d’appels à projets du Fonds National pour la Démocratie Sanitaire. Le premier concerne le développement de programmes d’éducation thérapeutique sur l’endométriose, le deuxième le déploiement d’une campagne de sensibilisation à destination des adolescentes spécifiquement.
La sensibilisation dans les entreprises est également un sujet important pour ENDOmind et nous continuerons de travailler avec les employeurs comme nous avons pu le faire avec de grands groupes français (SNCF, RTE, Air France…) ou même la ville de Paris.
En bref, nous allons continuer d’œuvrer pour faire changer les mentalités, mais sans doute va-t-il falloir réviser radicalement toutes les stratégies avec l’arrivée prochaine sur le marché français du test salivaire Endotest® de la start-up Ziwig, pour diagnostiquer l’endométriose… en moins de 10 jours. A suivre !