MURIEL LONDRES, e-patiente et engagée à l’APHP

Damien Dubois • déc. 02, 2021

Patiente engagée au sein de l’unité transversale d’éducation et d’engagement du patient, au GH Paris-Seine-Saint-Denis


Muriel LONDRES

E-patiente
Patiente engagée au sein de l'Uteep des Hôpitaux Universitaires      Paris-Seine-Saint-Denis

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je suis une e-patiente, vivant avec une maladie chronique de la thyroïde. J’aime ce terme de e-patiente qui prend sens dans mon parcours et qui me définit car il véhicule entre autres la dimension d’empowerment. Je travaille dans un groupe hospitalier pour favoriser l’implication des patients dans les projets de l’hôpital et plus particulièrement dans l’éducation thérapeutique du patient. Dans toutes mes actions, je mets en avant le rôle des patients partenaires, engagés dans la co-construction du système de santé. Syndicalement ou associativement, ma mère a toujours été engagée pour plus d’égalité et de justice, j’ai suivi son exemple en intégrant des collectifs et des associations.


Comment a démarré votre parcours de patiente engagée ?


Je suis un pur produit d’Internet, je suis tombée dedans jeune adulte : j’avais un blog en 2002. Pour la santé, Internet c’est super : on y trouve des outils pour s’informer, des groupes pour discuter et s’émanciper et des solutions pour mieux gérer sa santé. Je l’ai expérimenté en tant que malade à la suite des difficultés de santé et d’analyses de sang anormales. Je suis tombé sur le forum de l’association « Vivre sans thyroïde ». Cela a facilité mon diagnostic et ma vie avec la maladie dès 2010.

Je me suis tout de suite impliquée, d’abord dans la modération puis dans la réalisation de vidéos de vulgarisation médicale en filmant des médecins lors de conférences. Dans ma première vie, j’étais technicienne vidéo pour la télévision. Puis, je me suis aussi investie sur les réseaux sociaux au départ pour défendre l’intérêt des patients qui surfent sur Internet. L’intelligence collective qui émane des communautés de patients sur le net permet l’acquisition de savoir individuel, mais aussi de savoir collectif : on peut élaborer des solutions et des prises de position communes sur des sujets.


Votre engagement ne se limite donc pas au champ de la thyroïde ?

 

Très vite, sur Twitter, j’ai rencontré des personnes vivant avec d’autres maladies et ai réfléchi et milité avec eux sur les nombreux enjeux transversaux des personnes vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques : isolement, recherche d’informations, contrôle de leurs parcours de santé, e-santé… puis j’ai eu l’opportunité de travailler pour un collectif d’associations de patients, [Im]patients Chroniques et Associés -qui n’existe plus aujourd’hui- qui s’occupait plus particulièrement des enjeux du parcours de santé et de l’emploi des personnes malades chroniques. J’y ai travaillé pendant presque cinq ans comme coordinatrice.


Je suis maintenant formatrice en école d’infirmière et bientôt en ETP et j’ai aussi une expérience d’enseignante de la perspective patient au département universitaire de médecine générale de l’Université Sorbonne Paris Nord. A la fermeture du collectif, j’ai repris mes études pour devenir ingénieur de formation en Santé au laboratoire éducations et pratiques de Santé (LEPS), mon idée de départ était de reproduire ce programme PEP13 ailleurs, ce qui, je pense, ne se fera probablement pas.

Sur quel constat ?


J’ai constaté que les universités avaient peu d’ingénieurs de formation dans les départements universitaires de médecine, et encore moins des personnes non professionnelles de santé. Ma place en tant que patiente et ingénieure n’était pas donc pas vraiment assurée. Après une expérience intéressante de chargée de recherche, j’ai postulé à l’AP-HP, comme patiente engagée dans une unité transversale d’éducation et d’engagement du patient (UTEEP). Ces unités s’occupent de l’éducation thérapeutique du patient, qui est une forme d’éducation à destination des patients qui a prouvé son utilité et qui leur permet de développer leurs compétences pour mieux vivre avec leur problème de santé.

 

Je ne suis jamais passée par l’Université des Patients. Je reconnais le travail effectué mais, pour moi, la reconnaissance de l’expertise des patients n’a pas besoin d’un diplôme, elle va de soi. Dans certains cas, cela peut être certes un moteur pour leur participation, ou pour acquérir des compétences mais attention aux fausses promesses. Pour travailler avec les patients experts/partenaires/engagés, il n’est pas toujours nécessaire de les former (sauf dans l’ETP, ce qui permet à la fois de mieux appréhender le concept et de répondre à une obligation règlementaire). Dans l’ETP, certains patients seront à l’aise pour travailler à la conception d’ateliers d’ETP, d’autres comme formateurs, d’autres davantage pour parler de leur expérience de vie.

 

Par contre, pour étendre encore plus la participation des patients dans les organisations qui proposent des soins, cela me semble nécessaire de former les professionnels de santé au partenariat. La légitimité de l’expertise patient ne va pas de soi, et l’idée de travailler avec des patients/personnes engagées peut générer des interrogations, voire être accompagnée de méfiance et nécessite des savoirs et/ou un médiateur, ce que j’essaye de faire dans mon poste.

En quoi consiste ce nouveau poste à l’APHP ?


Je suis patiente engagée, depuis août, à mi-temps, au sein de l’UTEEP du Groupe Hospitalier Paris-Seine-Saint-Denis de l’APHP. C’est un tout nouveau poste, inédit à l’APHP dans une structure créée en janvier 2021. Mon rôle est de favoriser l’engagement des patients dans l’ETP. Ma première tâche a été de travailler avec les représentants des usagers pour mieux comprendre leur rôle et les enjeux de leur engagement et savoir comment eux voyaient mon rôle, l’ETP, l’engagement des patients et comment nous pourrions travailler ensemble.

 

Je travaille en lien étroit avec le médecin coordinateur. Dans le cadre d’une recherche menée avec le LEPS, je vais aussi aller à la rencontre des équipes dédiées des Hospices Civils de Lyon et à Montréal je l’espère. Avec Olivia Gross, Titulaire de la Chaire de recherche "Engagement des Patients" à l’Université Sorbonne Paris Nord, nous souhaitons réfléchir à mon expérience de terrain à la lumière d’autres expériences par d’autres patients engagés. En effet, même si la HAS a donné des recommandations générales sur l’engagement des usagers , des recherches complémentaires sont à mener sur le terrain pour mieux comprendre comment le faire.


De même, je ne peux pas être engagée à la place d’autres, je suis une femme blanche née en France, d’âge moyen, éduquée. Je dois engager des personnes aux expériences différentes pour coconstruire un système de santé plus juste et qui réponde à leur besoin et aux besoins de leur territoire. Il ne faut pas oublier qu’il y a des patients engagés depuis longtemps dans les hôpitaux : les représentants des usagers, qui mènent à la fois un travail de recueil des plaintes, de représentation des intérêts des usagers et qui sont moteurs de changement. Dans mon groupement hospitalier, ils sont aussi de plus en plus impliqués dans les projets.



Avez-vous gardé un engagement associatif ?


Oui, au sein d’un collectif « Coopération Patients » qui mène des réflexions transversales, moins avec les associations de terrain. J’ai eu un engagement très fort dans ma pathologie, mais je me suis éloignée, notamment car je suis convaincue de l’utilité de l’ETP et n’ai pas réussi à convaincre.  

D’ailleurs, le terme d’éducation me gênait mais l’ETP permet vraiment aux personnes d’acquérir des compétences pour mieux vivre avec la maladie. Ces compétences ne doivent pas être uniquement médicales, comme savoir s’injecter de l’insuline par exemple, mais, choisies par les personnes elles-mêmes, elles peuvent aussi permettre de savoir parler de leur maladie, de renforcer leur estime de soi… Il est primordial d’impliquer les patients dès la conception et dans l’évaluation.


 

Quelles sont vos ambitions ?


J’aimerais que mon poste existe dans chaque hôpital, pour mieux impliquer les personnes. Cela prend beaucoup de sens dans l’éducation thérapeutique. De l’autre côté, je souhaite que l’engagement patient continue à se structurer et que nous travaillions tous ensemble, issus de l’associatif ou pas. Que cet engagement soit multiculturel et qu’il ne soit pas réservé à une « élite » diplômée de master ou de DU. Je prône les communautés de pratique avec des personnes qui s’acceptent, peu importe leur niveau d’expertise, mais développent ensemble leurs propres outils.


*Photo d'en-tête : Guide Parcours de Santé des Personnes Malades Chroniques  (Illustration Hélene Bonardi)

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