COLETTE CASIMIR, codirectrice de Mon Réseau Cancer Colorectal

Damien Dubois • 26 novembre 2021

Amoureuse de la vie et de la mer, ingénieure en éducation thérapeutique et engagée au sein de l’association Patients en Réseau


Colette CASIMIR

Codirectrice de
Mon Réseau Cancer Colorectal

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je suis Colette, Martiniquaise, 60 ans et je vis avec mes deux chats. De formation ingénieure en informatique et télécommunication, j’ai eu une carrière professionnelle de cadre dirigeant dans des sociétés internationales d'ingénierie. Le cancer du côlon est entré dans ma vie il y a 17 ans. J’ai changé de vie grâce à ce parcours, qui a été dans un premier temps un combat et qui s’est transformé en voyage. En effet, le cancer est entré à plusieurs reprises dans ma vie et m’a amenée à transformer cette expérience à la fois très douloureuse et très riche.



Comment avez-vous rebondi après vos cancers ?


Si je n’en avais eu qu’un seul, cela n’aurait pas bouleversé autant ma vie. Malgré la répétition des chirurgies mutilantes, mon objectif initial était de revenir à ma vie d’avant. C’est la répétition des épisodes et le voyage que cela m’a imposé au fond de moi-même qui m’a fait évoluer. A la 3ème annonce de cancer, on dépasse le mur du son ; on est complètement explosé dans tous les sens. Cela m’a remise en question en profondeur. J’ai cherché les réponses à toutes ces émotions. J'ai compris que ma vie ne serait plus comme avant. Finalement, j’ai compris que pour m’en sortir, il fallait utiliser beaucoup de mes compétences intrinsèques, liées à mon métier d’avant. J’ai alors géré ma maladie comme un projet en utilisant particulièrement mes compétences de gestion de risques.


De plus, j’ai découvert que j'avais développé d'autres compétences comme la gestion de l’incertitude, la capacité d'être plus ancrée dans le présent. J’ai réussi à lâcher prise en faisant des découvertes sur moi-même à travers des pratiques yoga et la méditation, notamment lors de cures ayurvédiques au Sri Lanka et en Inde. En 2016, un changement de vision de la vie s’est opéré progressivement et résolument. J’étais une ingénieure très carrée. Je me suis arrondie.


Comment s’est développé votre engagement ?


Mon système digestif étant très amputé, j’avais demandé à mes médecins de me mettre en contact avec d’autres patients pour partager nos expériences. J’ai lancé quelques bouteilles à la mer, en vain. Je n’ai pas trouvé de réseaux de patients. Dans le même temps, mes proches me disaient que je pouvais faire quelque chose de tout ce que j’avais appris. J’ai réfléchi lors d’une phase d’introspection assez forte. A ce moment-là, je n’étais pas du tout sur les réseaux sociaux, même pas professionnellement. J’ai pensé faire un programme pour retracer mon expérience et celle des malades que j’ai croisés.

 

Puis, j’ai découvert l’Université des Patients. Avec ces formations, je me suis posée ; j’ai pris du recul pour mieux digérer et comprendre mon parcours, pour mettre des mots dessus et rencontrer d’autres patients dans le même cheminement. En 2017, j’ai suivi le DU de patient expert « accompagnement au parcours de soins en cancérologie », puis en 2018 le master 2 d’éducation thérapeutique du patient (ETP).

 

Avec ce diplôme d’ingénieure en ETP, mon engagement a pris une autre tonalité. Je suis aussi en thèse de doctorat sur la vie intime et sexuelle des femmes atteintes de cancer. Comment se réinventer pour une vie la plus normale à ce niveau-là. C’est un problème méconnu notamment pour les femmes atteintes de cancer.

Comment êtes-vous devenu codirectrice de Mon Réseau Cancer Colorectal ?


Mon oncologue savait que j’étais dans une démarche d’engagement. Elle m’a parlé d’une organisation européenne, Digestive Cancer Europe, qui encourageait la création de réseau de patients atteints de cancer colorectal en France. Là, j’ai rencontré Laure Guéroult-Accolas, fondatrice de l’association Patients en Réseau. Suite à la fermeture de l’association France Côlon, elle était justement en train de réfléchir à ouvrir un réseau destiné aux patients et proches atteints de cancers colorectaux, sur le modèle de Mon Réseau Cancer du Sein. Les planètes étaient alignées pour que l’on puisse se rencontrer.

 

J’ai donc démarré l’aventure de Mon Réseau Cancer Colorectal (MRCCR) avec elle, en plein confinement en 2020. Je suis en coresponsabilité avec un autre patient, Cyril Sarrauste de Menthière. Nous formons un couple de patients. C’était important d’avoir un homme et une femme car les problématiques ne sont pas exactement les mêmes. Quand on parle d’Octobre Rose, de sein, cela reste à peu près glamour. Là, nous parlons de partie d’anatomie beaucoup plus tabous, de selles, de caca, de stomie pour l’évacuer et du 2e cancer le plus tueur en France et dans le monde ; sans compter les pathologies annexes qui viennent se greffer et la question de l’intimité et de la sexualité.

Que voyez-vous comme résultat de cet engagement ?

Il y a 430 inscrites sur le réseau, 540 abonnés sur Facebook et 490 sur Instagram qui a ouvert en 2020. mais a été officiellement inauguré lors de Mars Bleu 2021. Nous avions d’ailleurs diffusé un questionnaire sur le dépistage du cancer colorectal pour mettre le doigt là où cela coince. Nous avons également envoyé un courrier à la HAS car un médicament porteur d’espoir n’était pas remboursé.

 

Ma formation en ETP me sert au sein de l’association dans la réflexion d’outils, de solutions, par exemple sur les questions de sexualité. Cela pourrait se concrétiser par du digital learning. Dans ma thèse, je m’intéresse aux femmes mais MRCCR s’adresse aux hommes et aux femmes.

 

Quel message voulez-vous passer aux patients qui veulent s’engager ?


Ne pas vouloir particulièrement transmettre que son expérience personnelle. De mon point de vue, une formation, quelle qu’elle soit permet de prendre du recul, d’avoir un travail réflexif et de déterminer quel engagement, quel accompagnement on est capable de faire. Personnellement, j’ai vite compris que mon engagement ne pouvait pas se dérouler au sein d'un hôpital car j’y ai passé des moments très difficiles. Il y a plein de façons de s’engager. La formation permet aussi de savoir se fixer des objectifs et des limites afin d’utiliser efficacement son expérience et celles d’autres.


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