MARIE DUVIVIER, chargée de mission Pôle de ressources en ETP IDF, Patiente-experte SEP

Sylvie Favier • janv. 13, 2023

Une vocation confirmée par la maladie, une mission axée sur les coopérations en santé


Marie Duvivier

Marie Duvivier

chargée de mission Pôle de ressources en Éducation Thérapeutique du Patient IDF, Patiente-experte SEP

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?


J’ai 33 ans, je vis à Toulouse. Jusqu’en 2017, j’habitais en Normandie. Après avoir commencé un Master Ingénierie en éducation santé et éducation thérapeutique du patient, j’ai arrêté parce que je ne me sentais pas légitime dans cette voie. Je n’étais pas malade à l’époque. J’ai travaillé quelques années comme manager adjointe dans une aire de jeux pour enfants. Et puis, il y a six ans, on m’a diagnostiqué une sclérose en plaques (SEP). C’est à ce moment-là que j’ai repris mon Master qui du coup entrait en résonance avec ce que je vivais et faisait sens. Parallèlement, j’ai suivi la formation de patient-expert à Paris avec La Ligue française contre la sclérose en plaques (LFSEP). Ç’a été une révélation parce qu’après le diagnostic, pendant un an, je me suis sentie très seule. C’était difficile d’expliquer une maladie invisible, des troubles sensitifs et je ne m’étais jamais tournée vers des associations de patients… Mon entourage, surtout amical, avait du mal à entendre et à accepter que j’aille mal. Pour la première fois, je me trouvais en présence d’autres patients, de personnes qui me comprenaient.

Comment avez-vous valorisé vos compétences ?


Je me suis d’abord engagée bénévolement dans diverses initiatives associatives. J’ai participé à des opérations de sensibilisation via des vidéos comme Ce que je n’ose pas dire à mon neurologue et à la rédaction de plaquettes d’information. J’ai rejoint la communauté Boxons la SEP, pour promouvoir le sport-santé. En Normandie, en collaboration avec le réseau SEP de Rouen, j’ai travaillé sur un programme d’éducation thérapeutique, monté des ateliers de sophrologie. 


Pour soutenir et faire connaître la campagne internationale Kiss goodbye to MS, destinée à collecter des fonds pour la recherche sur la SEP, ma sœur et moi avons eu l’idée pendant le confinement, de mettre les internautes au défi de poster via les réseaux sociaux une photo ou une vidéo d’eux faisant le poirier (l’équilibre) et de taguer des amis en partageant le lien de la cagnotte.


En 2019, j’ai répondu à une offre du Pôle de ressources en Éducation Thérapeutique du Patient Ile de France, qui portait sur un projet en cours d’accompagnement à l’autonomie en santé, appelé ACESO. J’ai d’abord été recrutée à temps partiel, comme co-coordinatrice de ce projet. Assez rapidement, j’ai obtenu un temps plein d’abord sur un volet purement administratif. Puis peu à peu je me suis investie dans l’appui aux équipes, la coopération en santé, le partenariat patient. C’est mon quotidien aujourd’hui et de ce fait, mon action associative est plus limitée. Mais ce travail n’est pas un simple gagne-pain, c’est un véritable engagement pour ce en quoi je crois vraiment : la complémentarité. J’ai envie de faire bouger les lignes et de réussir !



Concrètement, quelles sont vos missions ?


J’en ai beaucoup ! Par exemple, j’ai répondu à un appel à projets de la Fondation de France pour favoriser la coopération en santé, projet que je coordonne aujourd’hui. J’ai réuni des partenaires pour travailler à la mise en place d’un dispositif d’appui territorial fondé sur des partenariats professionnels de santé-patients en Ile de France. C’est un travail de coconstruction auquel participent des patients, des acteurs du médical, du médico-social, des associations, etc.
Une autre de mes missions est de venir en appui aux équipes médicales et médico-sociales, en créant notamment du lien entre la ville et l’hôpital, en réfléchissant par exemple avec elles sur les conditions de mise en œuvre d’un programme d’ETP. Notre rôle est de les accompagner dans la concrétisation de leur projet.


Nous avons des missions assez générales qui portent nos valeurs : on travaille toujours en équipes mixtes – professionnels de santé et patients – pour avoir un regard double, deux angles d’approche différents, et que le projet fasse sens pour les deux parties.

Quels sont les messages véhiculés par ces actions ? Et quels retours en avez-vous ?


C’est difficile à mesurer… Les meilleurs indicateurs, ce sont la sortie ou non des programmes d’ETP et la poursuite ou non des coopérations. Au-delà de l’intégration des patients, la coopération pluri-professionnelle et la co-construction ne sont pas toujours évidentes dans la pratique ; c’est ce qui justifie mon projet actuel. Il y a des problématiques de temps, d’argent, de rapports de force… Ces sujets m’intéressent et méritent d’être approfondis pour favoriser la coopération. 


Mais il y a des équipes dont on sait qu’elles tournent sans mal… Je pense par exemple à l’équipe ETP de l’hôpital Bichat qui propose, dans le cadre du programme SEPOSSIBLE, un atelier sur le bonheur animé par un patient que nous avions formé à l’intervention en ETP, une philosophe et un professionnel de santé. J’y ai participé, et le message est tout simplement génial, parce qu’il replace au premier plan les mille et une petites choses de la vie qui font le bonheur, même avec une sclérose en plaques ! 


Pour ma part, j’habite à Toulouse, je fais beaucoup de randonnée dans les Pyrénées, j’explore la mer et la montagne dans les départements voisins, dans le Gard ou dans l’Hérault, je voyage énormément aussi parce que j’adore ça. C’est ça le bonheur !



Quelles sont vos ambitions pour demain ?


Avant tout je veux pérenniser mon projet autour de la coopération en santé. On en est au stade de l’expérimentation, avec les premiers ateliers en janvier prochain. Seule l’Ile de France est concernée pour le moment puisque nous sommes financés par l’ARS IDF et la Fondation de France, mais l’une de mes ambitions serait de les déployer plus largement si on obtient des financements pérennes et diversifiés.
 

Ensuite je voudrais pouvoir développer de nouveaux programmes à Toulouse avec le Pôle Régional Maladies Neurodégénératives, notamment dynamiser le sport-santé. Je voudrais recréer à Toulouse les ateliers de sophrologie et mettre en place des apéros SEP pour sortir les malades de leur isolement ; je sais trop bien à quel point ces rencontres sont bénéfiques pour être convaincue de devoir les reproduire.


Enfin, lorsque j’ai commencé à travailler avec la LFSEP, j’ai eu la chance de partir avec la Fédération européenne et la Fédération internationale de la sclérose en plaques à la rencontre de jeunes malades qui se sont constitués en boards pour faciliter l’accès au diagnostic, aux traitements ou à l’emploi qui est loin d’être comparable dans tous les pays, même au sein de l’Union Européenne. Je trouve très intéressante la façon radicalement différente d’un pays à l’autre d’aborder la maladie, dans ses dimensions sociale et de recherche. J’aimerais contribuer à élaborer une ligne directrice commune, à mener des actions communes, ne serait-ce qu’en termes d’information, pour mettre fin aux idées reçues, comme la SEP associée au fauteuil roulant. C’est un cliché persistant qu’il faut éradiquer !

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