BENJAMIN CORNET, conseiller pédagogique Ecole Inclusive, onco-coach fondateur de Rebond rando-coaching

Sylvie Favier • févr. 01, 2023

Eriger en ressource le credo que demain existe : la force d’une identité singulière


Benjamin Cornet

Benjamin Cornet

conseiller pédagogique, Ecole Inclusive, onco-coach, fonndateur de Rebond rando-coaching

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?


J’ai 44 ans, je suis marié et père de trois enfants, j’habite dans les Alpes de Haute Provence. Jusqu’en 2018, j’étais directeur d’une école maternelle dans un joli village du Verdon. Cette année-là, alors que nous étions sur la route des vacances, un coup de fil nous a obligés à rebrousser chemin. Les résultats d’une prise de sang que j’avais faite à la suite d’une blessure banale étaient très inquiétants et nécessitaient des examens complémentaires urgents. Dès le lendemain, un myélogramme a été réalisé à Marseille et le diagnostic de leucémie myéloïde aiguë a été posé. D’emblée, j’ai été informé du lourd parcours qui m’attendait : chimiothérapies, puis greffe de moelle osseuse. Par chance, deux de mes frères étaient compatibles à 70 % ; c’est le plus jeune qui a été choisi pour me donner ses cellules souches. J’ai passé plusieurs mois en chambre stérile en attendant la greffe, mais quelques jours après, une infection pulmonaire m’a valu un transfert en service de réanimation, en situation de vulnérabilité totale. Un deuxième combat pour la vie a commencé. Et puis un jour, j’ai trouvé la force de me lever et de faire un pas pour passer du lit au fauteuil. Ce pas, je l’évoque souvent parce qu’il a été décisif pour la suite de ma vie.

Racontez-nous votre parcours de rétablissement et la rencontre qui va changer votre vie…


Le retour à la maison et à une vie « normale » après les traitements est un moment plus difficile qu’il n’y parait. La maladie occupe beaucoup de place dans la vie familiale et perturbe les repères. Pour ma part, j’ai bénéficié d’un accompagnement dans le cadre d’un programme de recherche expérimental baptisé Rebond, porté par l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) où j’ai été traité. J’y ai rencontré Pierre Dantin, qui accompagne la délégation française aux Jeux Olympiques depuis de nombreuses années. Il a fondé ce programme, qui vise à transposer à l’oncologie les méthodes de motivation appliquées au coaching des sportifs de haut niveau, pour relancer la vie des personnes touchées par la maladie en recherchant le bien-être et le dépassement de soi. 


C’est à son contact que j’ai pu concevoir un « après » et le projet qui allait me donner une nouvelle pulsion de vie, à la faveur d’une année d’arrêt maladie. Deux questions cash, auxquelles je n’avais pas de réponse, en sont à l’origine. L’une de Pierre Dantin : Que comptes-tu faire dans un mois ? L’autre de mon fils : Papa, quand est-ce que tu seras guéri ? Un désir lointain mais profond d’aventure et d’immersion dans la nature a émergé. J’ai alors choisi de partir à la conquête de ma guérison en décidant de rejoindre mon donneur, mon frère, qui réside dans la région nantaise, par ma seule force physique. Le projet a été minutieusement préparé avec un objectif de départ en juin 2020 : me rendre à vélo dans les Cévennes, puis suivre à pied le chemin de Stevenson jusqu’au Puy en Velay, et descendre la Loire en kayak sur 1000 km pour atteindre Nantes. La Covid et les confinements m’ont obligé à le différer et à le modifie un peu mais lorsque je l’ai réalisé, j’ai eu un sentiment d’euphorie, comme une libération d’après-guerre ! A mon retour, j’ai immédiatement annoncé ma guérison à mon médecin ; il a été un peu décontenancé mais a compris et validé la démarche.

Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous orienter vers une autre activité professionnelle ?


Lorsque le diagnostic est tombé, on était à quelques semaines de la rentrée scolaire que je n’assurerais pas… pas plus que la suivante. J’avais déjà le pressentiment qu’une fois passée l’épreuve de la maladie, ma vie serait différente. En indiquant d’emblée à mes collègues et aux parents d’élèves que mon départ était définitif, je me soulageais d’un poids : je les autorisais à avancer sans moi en même temps que je m’autorisais à me concentrer sur moi. Une deuxième raison s’est imposée à moi : mon état immunitaire - quasiment celui d’un bébé après une greffe de moelle osseuse - rendrait difficile et même déraisonnable ma présence en classe auprès de jeunes enfants. 


J’ai profité de mon congé maladie pour engager à distance ma reconversion au sein de l’Education nationale et suivre parallèlement une formation d’onco-coach, proposée par la faculté des sciences du sport de Marseille, pour favoriser la diffusion du programme Rebond. Je suis devenu formateur d’enseignants en charge d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers, en raison d’un handicap, de difficultés familiales ou sociales, ou de situations exceptionnelles comme par exemple les enfants ukrainiens dont il a fallu s’occuper l’année dernière. Par ailleurs, en partenariat avec une maison de santé qui accueille des personnes en rémission de cancer sur notre territoire, j’ai créé le projet Rebond Rando-Coaching, qui utilise la randonnée pédestre comme support à la relation d’aide pour réapprendre à avancer avec son corps mais aussi dans sa tête et dans sa vie après l’épreuve de la maladie. Notre premier programme, Marcher pour rebondir, se décline en dix séances, dont une évaluation physique et un entretien motivationnel. Les huit autres séances sont consacrées à la progression dans la marche sur les plans à la fois physique et technique mais consiste surtout à faciliter les échanges au sein du groupe. Chacun peut ainsi évoquer ses objectifs, ses aspirations ou ses doutes dans un cadre positif et sécurisant.


Sans renoncer à ma vocation, j’ai trouvé un équilibre dans cette double activité. L’Éducation nationale comme mon engagement associatif correspondent à des valeurs essentielles pour moi : solidarité et résilience en maintenant une exigence d’accessibilité pour tous et de non-lucrativité.



Quelles sont vos perspectives pour les mois ou les années à venir ?


Le sport - à commencer par ce premier pas effectué en chambre stérile - a été tellement déterminant dans ma reconstruction physique et psychologique que je me suis engagé au sein de l’association Trans-Forme qui encourage le don d’organes et de moelle, en valorisant les prouesses dont sont capables les personnes transplantées, embarquées dans des jeux nationaux, voire internationaux. Médaillé d’argent en marche athlétique aux Jeux de Londres l’été dernier, je m’apprête à partir prochainement en Australie avec ma famille pour participer avec l’équipe de France aux Jeux Mondiaux des Greffés. Une formidable opportunité de célébrer la vie retrouvée aux côtés de 3000 athlètes greffés venus du monde entier!

Dans un tout autre registre, je collabore aussi avec l’association Coline Care où j’accompagne, en tant que pair-aidant, des personnes en difficulté professionnelle à cause de la maladie, quelle qu’elle soit.



Ces engagements, aussi hétéroclites qu’ils puissent paraître, ont en commun qu’ils font sens et me procurent du plaisir. Je me reconnais dans chacun d’eux, je m’amuse et j’apprends : c’est une priorité absolue.

Pour finir, je me suis lancé dans l’écriture d’un livre dans lequel je vais raconter mon histoire et aussi livrer quelques clés - celles qui m’ont été utiles - pour rebondir et s’ouvrir à une nouvelle vie. J’ai bon espoir de le terminer en juin prochain et de le publier aux éditions Flammarion, qui semblent s’y intéresser. Ma guérison - médicalement parlant - interviendra en février 2024, après cinq ans de rémission. Si le timing est respecté, la sortie de mon livre pourrait coïncider avec cette date hautement symbolique. Un beau cadeau en perspective pour tous ceux qui m’ont aidé à transformer la galère de la maladie en fierté !

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