CAROLINE LE FLOUR, humoriste, auteure et thérapeute

Damien Dubois • janv. 04, 2023

Une résiliente multirécidiviste après un lymphome B grande Cellule primitif du médiastin


Caroline Le Flour

Caroline Le Flour

Alias "La Chauve SouriT"

Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?


Je suis humoriste, auteur et thérapeute. Humoriste, parce que je suis auteure et interprète du one woman show "La Chauve souriT", dans lequel je raconte de manière assez désinvolte et très humoristique, mon parcours de malade du cancer, un lymphome B grande Cellule primitif du médiastin très agressif.  Je suis également auteure du livre "Le Complexe du Trampoline", aux éditions Flammarion, un témoignage existentiel, dans lequel je partage les leçons de vie que j'ai pu tirer à chaque étape de ma vie.

 

Ce dernier raconte en détails, mon parcours de résilience  personnelle, qui a également depuis 2018, une vocation collective, année où j’ai commencé à jouer "La Chauve SouriT". J'ai toujours ce double objectif individuel et collectif. J'ai à cœur de transmettre, que mon histoire soit utile pour les autres. Ce que je fais aussi grâce à un deuxième livre "Résiliencez-vous". Je suis une résiliente multirécidiviste après un burn-out à 28 ans, un cancer à 32 et un parcours de PMA à 36 suite à une infertilité déclarée, plusieurs opérations du cœur… Je suis aussi conférencière et animatrice d’ateliers sur la thématique de la résilience et de l’écoute active. J’accompagne également individuellement les patients sur leur parcours. 

Personnellement, je suis mariée avec un homme rencontré après la maladie et belle-mère, même si je préfère le terme de « jolie-maman » de deux beaux enfants, dont une fille de 19 ans qui vit avec nous. Je découvre ce rôle et je trouve ça assez chouette et en même temps très cocasse. Je n'oublierai pas d'écrire sur ce sujet dans quelques années.



Votre engagement passe donc d’abord par l’humour. Comment cela s’est construit ?



L'humour est dans l’ADN de ma famille, un contexte favorisant la résilience. Nous avons toujours utilisé le rire pour les bonnes nouvelles et les mauvaises. L'humour fédère, dédramatise, libère la parole et donc fait tomber les tabous.

Avant de m’engager à travers mon one woman show, mon parcours de résilience est passé par l’humour. Pendant les chimiothérapies, j’écrivais tout ce qui me faisait rire sans savoir que ça allait devenir un seule en scène. J’avais besoin de rire et de faire rire ma famille. Je ne voulais pas oublier toutes ces perles que je pouvais observer tous les jours, toutes ces situations incroyables, je souhaitais les partager, comme un témoignage posthume, si je ne passais pas le cap. Je voulais que ma famille se marre à mon enterrement. Je m’en suis sortie et j’ai mis le texte dans un tiroir.

 

Plus tard, lors d’une période de dépression, à l’annonce de mes problèmes de fertilité, j’ai remis l’écriture au centre de ma vie.  Mes textes se sont retrouvés dans les mains de Valérie Roumanoff, qui avait une école de théâtre, et qui a vu dans ce texte assez de matière pour écrire un livre et un spectacle. Peu de temps après, j’ai fait une autre rencontre vertueuse et qui m'a lancé le défi de venir témoigner au Congrès international du cancer, à Toulouse. J’ai dit oui sans réfléchir et je me suis retrouvée sur scène deux mois et demi après. Je ne savais pas que je pouvais monter sur scène seule et jouer pendant 1h30. Ce jour-là, en février 2018, je me suis aussi rendu compte de l'intérêt collectif auquel pouvait répondre ce seule en scène. En effet, je n'avais pas imaginé qu’il allait devenir un support de sensibilisation, d'accompagnement et de prévention. Je voulais juste être drôle, à la base et ne pas oublier. À partir du moment où j'ai commencé à jouer, cela a été très rapide.

 

J’ai été sollicitée de plus en plus. La pièce ne fonctionne que par le bouche à oreille. Ce que j'aime le plus, après l’avoir jouée plus d'une centaine de fois, est de savoir qu’on va rire ensemble. Les visages des gens qui viennent de voir le spectacle sont ouverts et pleins de vie. Le spectacle résonne sur leur vécu, qu’ils soient malades, accompagnants ou professionnels. Même ceux qui viennent « par hasard », après une hésitation en comprenant le sujet passent un bon moment comme à un spectacle « normal ».

Quel avenir donnez-vous à ce spectacle ?


2018 n’est pas si loin et il y a eu le covid entretemps. Cette pièce va continuer à se développer. Elle n'a pas encore pris son envol. J'estime ne pas encore être allée jusqu'au bout de l'histoire. Après, je verrai. J’aurais d’ailleurs de la matière pour un second spectacle. Tous les ans, je me pose la question de ma saturation de parler de la maladie de ce que cela provoque en moi.  Pour le moment je le vis très bien. Ce one woman show fait partie intégrante de mon parcours de résilience.

Pour l’instant, je joue pour des associations, des villes, des hôpitaux, des entreprises. Je suis juste hébergée par la société de production de Colette Roumanoff, une femme de théâtre classique et j’ai un statut d’auto-entrepreneuse. Je gère les interviews, l'interface avec tous les acteurs, les organisateurs, les régisseurs. Je recherche un producteur pour être accompagnée, et proposer « La Chauve SouriT » à plus de théâtres comme un spectacle normal. J’ai d’ailleurs gardé une casquette de salariée de manière sécuritaire avec un rythme adapté à mes activités et un statut de salariée en reconversion externe.

 


Comment s’est effectué le passage de la pièce au livre ?


L’essence du livre était déjà écrite lorsque j’ai commencé à jouer « La Chauve SouriT ». Lors de deux dates parisiennes, que j’avais organisées pour remercier ceux qui m'avaient soutenue et pour la faire connaître, des éditrices de chez Flammarion sont venues la découvrir, encore une rencontre vertueuse. Elles ont capté dans ma manière d’écrire à la fois un récit de vie personnel, et en même temps, une lecture plus thérapeutique de ce qui m’était arrivé. Elles m’ont alors proposé d’écrire « Le Complexe du Trampoline » qui retrace mon histoire et les grandes leçons que j'en ai tirées à chaque étape.

 

Mon deuxième livre, « Résiliencez-vous », sorti en octobre aux Editions Le Courrier du livre n’est pas une injonction à la résilience, mais une proposition à la découverte de ses capacités, de ses talents de résilient(e). Dans ce livre illustré, j'apparais sous les traits de la psy pour accompagner Ben, qui perd son poisson rouge. A travers l’histoire de Ben, je propose au lecteur de comprendre ce qu’est la résilience, ses ressorts, ses leviers, ses freins afin que le lecteur puisse prendre conscience de ses capacités et faire son autodiagnostic. Et découvrir plus de 30 témoignages inspirants de résilient(e)s. J'ai interviewé une trentaine de témoins, des résilients rencontrés sur mon parcours afin de permettre au lecteur de s’inspirer de leurs vécus, de leurs formes de résilience. Pour ce livre j’ai fait appel à une illustratrice dont j’admire le trait. Avec notre casquette commune de thérapeute, nous n’avons pas fini de transmettre.

 

J'ai déjà écrit le 3ème livre et suis en train d'écrire le suivant. Ce 3ème ouvrage sera une BD, adaptation de mon one woman show en BD. Ma volonté est de l’offrir à des malades, des accompagnants, des soignants mais également au grand public, des salariés, des administrés. Pour cela nous avons créé une plateforme de don, en partenariat avec l’association Envie2resilience, Ellye, La ligue contre le cancer et également Talenteo. Tous sont des acteurs incontournables dans le monde du cancer et du handicap invisible.

Votre troisième casquette est l’accompagnement ?


Oui, en individuel, ou en groupe, j’accompagne sur le parcours de vie, que ce soit pour faire le point sur son histoire, ses difficultés, ou faire son diagnostic de résilience, explorer ses blessures, comprendre les freins et les leviers de sa propre résilience. Animer des ateliers et des conférences sur la résilience et l’écoute active a beaucoup de sens pour moi. Une fois de plus j’incarne la résilience et transmets. Dans tout ce que je fais, mon objectif est de soutenir et accompagner les malades et les accompagnants, mais aussi sensibiliser le grand public en utilisant le rire comme levier. Lors de ces interventions je rends accessible le concept de résilience pour que les participants se l'approprient et puissent explorer leur propre histoire, leur propre capacité.

 

Vous vous reconnaissez dans la terminologie de patient engagé ou patient expert ?

Complètement. Si j'avais du temps, je m'inscrirais au DU patients partenaires, mais j’ai déjà l’impression d’occuper déjà cette fonction. Quand j'écoute les témoignages des personnes pour qui le spectacle ou le livre ont été bénéfiques, inspirants, je me dis que je fais partie d'une grande famille. Je me sens un maillon d'une chaîne humaine où tous ont des choses en commun et finalement se complètent. Je suis en lien étroit avec un réseau de personnes, de combattants, de combattants de la maladie, mais également avec des bénévoles, des associations. Tous sont très impliqués dans ce monde du cancer et du handicap invisible. Il y en a tellement que je ne pourrai pas toutes les citer, la liste est vraiment longue !

Nous œuvrons tous dans la même direction et avons à cœur que tout le monde réussisse.


 

Que diriez-vous à une personne qui veut s’engager ?


Tout d’abord, de s’assurer qu’elle est prêt(e), de bien prendre le temps de trouver son rythme, de réfléchir, si, par cet engagement, elle veut se réparer et/ou transmettre ce qu’elle a reçu par exemple.  Ensuite, il est idéal de chercher la forme d’engagement la plus adaptée à son besoin, en partant de ce qu’on aime faire pour soi et pour les autres. Il y a de nombreuses formes d’engagement et de résilience possibles :  le bénévolat qui permet de faire partie d’un collectif mais également d’autres formes comme l’art (musique, sculpture, dessin…), l’écriture pour soi mais également pour les autres. Toutes ces questions sont d’ailleurs très en lien avec mon dernier livre « Résiliencez-vous ! ». En résumé il est important d’écouter ce qui est important pour soi.

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