LISE COMBE, Rédactrice de "ça pince sans rire"
Chaîne You Tube
qui traite de la vie et de l'expérience du cancer du sein
Lise, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?
J’ai démarré ma carrière dans la presse comme journaliste. Passionnée par les mots, j’ai poursuivi cette mission d’écriture pendant 30 ans. Une crise existentielle m'a incitée à faire une pause qui m'a amenée à négocier un drôle de virage. J'ai ouvert un restaurant pour retrouver des sensations manuelles plus qu'intellectuelles et pour écouter des histoires. Cette expérience a pris fin en janvier 2021. J'en étais ravie car l'écriture m'appelait. En 2019, le diagnostic de cancer du sein m’a fait prendre du recul et réfléchir à ce que je faisais. Je n’ai jamais raisonné en terme de lutte contre la maladie, je l'ai plutôt appréhendée comme une expérience de vie. Je n’ai pas échappé au déni ou à la colère mais j'y ai associé un questionnement qui m'a fait "rentrer dans mon corps" avec douceur. Très vite, j’ai repris mes outils de prédilection, papier et crayon, pour raconter cette aventure, vider mon trop plein d’émotion et de questionnements. J'ai profité du confinement pour écrire sur cette expérience, avec autant d'humour qu'il m'était possible de le faire. A ma grande surprise, le ton léger s'est imposé. Très vite, j’ai eu envie de partager avec mon cercle d’amis des petites vidéos, au début pour leur donner des nouvelles sans leur plomber le moral. Je fais du théâtre d’improvisation en amateur depuis une dizaine d'années : je retrouve une joie d’enfant dans le jeu. Cet apprentissage m’a bien servi pour construire mes interventions. Me regarder, m’écouter, c’est un exercice très nouveau pour moi, le cancer a été un déshinibiteur. L’écriture me permet de partager les surprises de mon quotidien, de mon parcours et de faire des analogies avec le cinéma, des films comme Matrix ou le Seigneur des Anneaux, sur la transformation et l’acceptation de soi. L'expérience peut s'appliquer à tout obstacle de la vie vécu comme une alerte, une obligation à virer de bord, ralentir, changer de point de vue.
Je regarde d'un autre angle ce qui m’arrive et cela m’aide à accepter.
Parlez-nous de votre projet
Poussée par mes amies, d’autres femmes affectées par un cancer, j’ai mis en ligne ma production, pour apporter de la légèreté et du rire. Nous étions animées par l’envie de partager, de faire réagir, les patientes et ceux qui les entourent. La vie ne se limite pas aux soins, aux traitements et à leurs effets secondaires. Je me suis appuyée sur les nombreuses compétences de cette bande d’amis pour trouver le titre, le design, le montage et même la musique dont les descendants de l’auteur m’ont si joliment ouvert les droits. Réputée pince-sans- rire, j’en ai fait le titre de ma série « ça pince …sans rire ». Je m’engage dans ces récits au -delà du raisonnement autour du cancer, apprendre à se connaître aide à comprendre mes faux pas. J'espère ainsi accompagner ou aider ceux qui seront réceptifs à cette légèreté, en capacité de prendre de la distance...
J’ai lancé « Ca pince …sans rire » sur You Tube, sous forme de scénettes vidéos à l'occasion d'Octobre Rose 2020, à raison d’une publication tous les cinq jours. 50 vidéos sont déjà tournées, bien d'autres écrites.
http://www.youtube.com/channel/UCctj05VoDNw79pkCE2IVJjw
Aujourd’hui quelles sont vos prochaines étapes, vos prochaines attentes ?
Je remanie l'écriture de ces textes pour les transformer en livre « L’Odyssée d’une Pénélope » à partir des petites choses de la vie, c’est le récit d’un voyage initiatique, d’un cheminement pour aller vers soi. Car cette traversée de cancer est un véritable voyage intérieur, une introspection vers le corps, la féminité, le rapport avec la mort, la peur de vivre plus que de mourir. Pénélope s’embarque à l’annonce du cancer et revient à bon port, plus forte. Elle apprend aussi à se détacher du regard des autres. J'ai fait appel à Princess H, illustratrice talentueuse par son humour et à un directeur artistique pour la mise en forme. Nous recherchons du financement et nous lançons, mi-mai, une campagne de financement participatif sur Ulule. L’Odyssée d’une Pénélope sera finalisée à l’automne.
A quel public est destiné votre projet ?
L’écriture était d'abord ma propre soupape pour traverser le cancer. Sous forme de vidéos, j’imagine que mon travail peut servir à d’autres personnes affectées par le cancer. Les petits - ou gros- tracas de cette période revisitent le rapport à soi : comment on voit la vie ? Comme une succession de problèmes ou comme un plaisir ? ça peut toucher, j'espère transmettre une énergie de joie. La version livre s'adresse peut-être plus à l’entourage. L’entourage, c’est tellement important. Démunis devant la maladie, nous sommes parfois maladroits dans notre façon d'être aidant. Le bénéfice de l'Odyssée, c'est de mieux comprendre cette tempête intérieure, notre cinéma intime si difficile à exprimer. Ce cheminement peut aider à accompagner et mieux ajuster ses mots et ses gestes.
Parlez-nous de vos premiers résultats ?
Je suis très touchée par les retours sur Linkedin de ceux qui ont découvert mes vidéos sur YouTube. C’est bouleversant de voir l’impact de mes mots sur des gens qui ne me connaissent pas et qui s'y retrouvent. Il y a une dimension humaine universelle, indépendamment de ce que je suis. Cette transmission a du sens et, tant que ça a du sens, je mets de l’énergie.
Quels types de partenaires sont à vos côtés ?
A ce jour, mes partenaires sont d'abord des amis. L'écriture est un travail solitaire et le confinement a été pour moi un cadeau en terme de temps. J’aurais peut-être voulu que mes vidéos soient plus travaillées et moins intimistes. L'important était de partager. J'ai la chance d'être entourée de gens qui ont des compétences que je n'ai pas, ils mettent beaucoup d’énergie et de bienveillance au service des vidéos, du livre et d'autres projets dans cette veine. C’est grâce à eux que ces projets ont pris cette ampleur.
Qu’avez- vous envie de partager de votre expérience ?
J’aime la métaphore du Matador que m'a donnée un homéopathe : « Vous pouvez agiter le chiffon rouge devant le taureau. Mais il faut apprendre à faire un pas de côté quand la bête arrive ». Si je fais le parallèle avec la maladie, je dirais que j'ai passé mes limites de résistance en négligeant les signaux d'alerte. La maladie vient dire le ras-le-bol corporel. Elle m'a obligée à me poser et, moi, à écrire pour me reconnecter avec mon énergie de vie. Ce projet dit cette joie qui m’anime. C’est la confirmation que je n’ai pas perdu ma sève et que je peux me regarder au fond du cœur. J’aimerais transmettre cette énergie de joie. Aujourd’hui, c’est un moteur qui s’est remis en route.
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