GUILLAUME BENHAMOU, personne qualifiée au conseil national consultatif des personnes handicapées

Damien Dubois • août 26, 2021

« Être malade ne s'apprend pas ; mais, on apprend un tas de choses en étant malade. »


GUILLAUME BENHAMOU

 Personne qualifiée au conseil national consultatif des personnes handicapées

Guillaume, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? 

J’ai 36 ans. Je suis un jeune homme engagé qui aime le vin, les bons moments, rencontrer des gens et qui va de l’avant. J’ai une paralysie cérébrale depuis la naissance, due à un manque d'oxygène dans le cerveau qui peut donner lieu à des difficultés motrices et intellectuelles. Je n’ai personnellement que des problèmes moteurs. Les lésions sont stables et définitives,  mais bien  sûr  les conséquences sur la vie évoluent. J’ai une quinzaine  d’années  de militantisme associatif dans l'engagement à la citoyenneté en général et le handicap en particulier, notamment dans le cadre d'animation en milieu scolaire et universitaire. Si mon engagement est professionnalisant, je n’ai pas d'emploi salarié. J'ai également eu la chance de participer à un beau projet de tour du monde en trinôme appelé Handirection du Monde. A chaque étape, Perrine Abelé, la porteuse du projet et personne  fil rouge, était rejointe par une personne en situation de handicap et une personne dite  valide. Investi dans l’association, j’ai participé au préprojet en Roumanie ; ce qui m'a permis de découvrir la vision du handicap à deux heures de vol de Paris avec des réalités très différentes des nôtres.


Jusque-là, mon action était très orientée vers la sensibilisation, le grand public. Vivant avec ma situation de handicap en permanence et étant de plus en plus douloureux chronique, j’ai voulu revenir vers le monde du handicap pour agir avec et pour mes pairs et avec les professionnels. Dans le monde du handicap, il y a une grande dichotomie entre la notion de santé et la notion de handicap. Beaucoup voient le handicap comme une situation humaine plus que comme une problématique de santé. Par conséquent, la prise en charge relève surtout du médico-social, et pas assez dans le soin que l'on peut apporter à la personne en situation de handicap.


Comment s'est concrétisé cet engagement ?

Certaines rencontres comme avec Muriel Londres ou Damien Dubois m’ont motivé à m’engager dans ce sens, à construire mon engagement. J'ai donc suivi le DU d'éducation thérapeutique du patient de l'Université des patients l'année dernière. Cette formation m’a beaucoup apporté. Je me suis rendu compte, au contact d'autres patients, de diverses pathologies, que je n'étais pas le seul à me poser ces questions sur l'engagement des patients dans la santé.

Dans la promotion, patients et soignants étaient en nombre égal. Cela a permis des échanges libres et très riches sans barrière. Le DU m’a apporté des connaissances, mais a surtout mis en lumière des connaissances que j'avais sans les avoir identifiées. J’ai compris comment les accompagner et les valoriser vis-à-vis de l'extérieur. Cela permet une meilleure reconnaissance de la légitimité de mon engagement. Aujourd'hui, je suis patient-expert, même si je n'aime pas le terme.


Concrètement, j’ai créé une association de personnes vivant avec une paralysie cérébrale. L'objectif est d’informer les patients, surtout les adultes qui peuvent aujourd'hui se prendre en main. Il s’agit d’une pathologie de naissance. La transition vers l'âge adulte est une phase compliquée. A 18-20 ans, on a envie de tout sauf de s'occuper de sa pathologie. On a envie de vivre une vie la plus classique possible. J’ai participé à différents colloques sur les paralysies cérébrales, l'accompagnement ou l’ETP. Dans le cadre du Centre d'évaluation et du traitement de la Douleur chronique de l'hôpital-Raymond Poincaré, je suis relecteur d'un programme d’ETP douleur. Je suis également intervenu lors de congrès professionnels tels que celui en 2021 de la Société de Réadaptation du Nord-Est (SORNEST) ou aux Journées d’études du CDI en 2020 sur le thème de la spasticité. C’était la première fois qu’il invitait un patient expert.

Comment entre-t-on au CNCPH ?

J’ai tout simplement posé ma candidature. Le Conseil national consultatif des personnes handicapées est un organe étatique qui regroupe 180 associations et une vingtaine de membres qualifiés. Son rôle est de rendre des avis et d’accompagner les directions des différents ministères en sur ce qui concerne le handicap aujourd'hui en France ; par exemple sur la question de la revalorisation des aides humaines, technique et autres sujets autour de l’autonomie, la dépendance. C'est à ce titre, en tant que représentant de la société civile, que j'y suis depuis presque deux ans. Le conseil, composé essentiellement de personnes concernées et de proches, est renouvelé tous les trois ans. Il ne faudra pas hésiter à poser sa candidature fin 2022 pour la mandature à venir à partir de 2023. Tout le monde y a sa place.

Cette écoute, cette participation de la société civile est essentielle en complément de la représentation des associations. Nous représentons à la fois tout le monde et personne. Nous sommes dans une complémentarité avec les représentants d’association. Dans le domaine du handicap, les responsables d’associations, ceux qui sont à la manœuvre et prennent la parole sont rarement les personnes concernées elles-mêmes. 

Mon action, mon message est donc de montrer la capacité à agir directement sur des personnes en situation de handicap, la capacité de se former. Être malade ne s'apprend pas, mais on apprend un tas de choses en étant malade. Prendre en compte ces capacités, donner la parole directement aux personnes concernées qui ont un savoir expérientiel fiable et construit améliorera la prise en soin quotidienne. 


Quel message voulez-vous passer aux gens qui veulent s'engager ?

N'ayez pas peur mais n'hésitez pas surtout à vous faire épauler, former. Les organes comme le CNCPH sont très longs à changer. La reconnaissance de l’importance de la parole de l'usager est très progressive. On ne nous attend pas. Certains diront que le système marchait bien et était déjà vertueux sans le patient. Nous sommes un peu le gravillon dans la godasse. C’est gênant pour certain et pour un mec qui ne marche pas, je sais de quoi je parle. Pourtant, sans nous, il y a un gros trou dans la raquette. Il faut être là pour les titiller, les bousculer dans leurs certitudes.

Au bout de 15 ans de militantisme associatif, le fait de passer à une action plus politique, au sens noble du terme, était normal pour moi. Sans l'engagement associatif préalable,  je n'en serai pas arrivé-là. C’est tout un parcours qui s’est déroulé. J'ai eu d'abord un pied sur le terrain avant de porter la parole en étant formé. L'enjeu est que l’on soit de plus en plus nombreux, que l’on devienne des vrais partenaires et collaborateurs de soins. J’essaie d'être un facilitateur de messages entre le corps médical, les patients, la société civile. Et il y a encore du travail alors que récemment, en sortant du ministère où nous parlions d'inclusion et de diversité, je me fais jeter du VTC réservé car j'étais en fauteuil !


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