CORALIE MARJOLLET, présidente de l'association Imagyn

Sylvie Favier • juin 05, 2023

Information, prévention et soutien dans l’épreuve de cancers encore trop ravageurs


Coralie Marjollet, présidente d’Imagyn

Coralie Marjollet

Présidente de l'association Imagyn

Avant tout, quelques mots pour vous présenter ?


Je suis la présidente d’Imagyn, qui est une association de patientes et de proches touchés par des cancers gynécologiques pelviens : les cancers « du rez-de-chaussée » - endomètre, ovaire, utérus et moins fréquemment, vulve et vagin - à la différence de ceux du premier étage qui sont les cancers du sein. Pour ma part, j'ai côtoyé la maladie à travers ma mère que j'ai perdue à l’âge de 17 ans et de ma sœur qui est porteuse d'un HPV (Human Papillomavirus, ndlr) et a déjà subi des interventions à cause de cette infection. Pendant de nombreuses années, j’ai voulu m’investir dans des associations dans ces domaines mais aucune ne s’intéressait spécifiquement aux cancers gynécologiques pelviens, ces cancers tabous qui touchent à la sphère intime. Les femmes qui en étaient atteintes se sentaient particulièrement isolées, de même que leurs proches ; il était essentiel de les accompagner dans la maladie et de libérer la parole. D’autant qu’on sait maintenant que 80 % de la population croisera le virus HPV dans sa vie, ce qui rend caduques toutes les connotations négatives dont ces cancers sont chargés.

Dans le cancer de l’ovaire notamment, un cancer silencieux très invasif qui s’étend dans la cavité péritonéale avant que des symptômes, notamment digestifs, permettent de le diagnostiquer, il était est primordial d’accompagner les patientes dans la prise de conscience de la gravité de la maladie d’apparence banale mais de mauvais pronostic, et tout au long des traitements pour qu’elles aient connaissance de la meilleure prise en charge possible. Car seuls des professionnels experts sont au fait des nouvelles thérapeutiques qui s’offrent aux patientes dans ce cancer particulier, en fonction de certaines caractéristiques, dont leurs mutations.
J’ai été partie prenante dans le projet dès la création d’Imagyn en mai 2014 parce que je connaissais la difficulté de ces maladies.



Quelles sont les missions initiales d’Imagyn ?


La prévention, la sensibilisation, l’information et bien sûr l'accompagnement des patientes dans la maladie. 
Par exemple, la recherche clinique est essentielle pour faire progresser les thérapeutiques dans ces cancers difficiles mais ne peut pas être imposée aux patientes. Pour qu’elles comprennent bien les essais et puissent y consentir en pleine connaissance de cause, rien que mieux que des patients pour relire les documents d'information destinés aux patients.
Nous proposons aussi des outils pédagogiques : des webinaires que nous construisons à partir des interrogations des patientes d'Imagyn (le Dr Gwenaël Ferron, du département de gynécologie oncologique à l’Institut Claudius Régaud à Toulouse, nous accompagne pour identifier les intervenants les plus pertinents) et des livrets sur des thématiques difficiles à aborder ou à comprendre. Les trois premiers portent respectivement sur la sexualité après un cancer de l’ovaire, les mutations génétiques et les médecines complémentaires. 
Toujours dans l’optique d’aider les patientes à mieux vivre leur maladie, les Cafés Imagyn perdurent depuis 8 ans. Un gynécologue et une psychologue y interviennent bénévolement et prennent en charge jusqu’à trois consultations annuelles par adhérente. Des consultations en psycho sexologie sont également proposées. Et avec une ancienne patiente atteinte d’un cancer de l’ovaire, des cours de yoga accessibles gratuitement par Zoom ont été mis en place.


Parmi nos actions phares, en 2021 nous avons mis en place une caravane itinérante appelée COCON (Cancer de L’Ovaire et CONseils) pour rompre l’isolement des patientes, quel que soit leur lieu de vie, et les sensibiliser aux bénéfices des soins de support dans la maladie mais aussi dans la rémission, puisqu’avec les progrès de ces dernières années dans le cancer de l’ovaire notamment, il ne s’agit plus pour elles de gagner des jours, des mois ou des années de vie, mais de vivre pleinement leur vie de femme. C’est l’objet du COCON, qui a vu le jour grâce au soutien de GSK : des ateliers sur des sujets fortement impactés par la maladie comme la vie intime, la nutrition, l'activité physique, contribuent à aider les femmes à retrouver leur féminité et à se réapproprier leur corps.


De plus, IMAGYN est très investi dans Septembre Turquoise, mois de sensibilisation au cancers gynécologiques partout sur le territoire comme à Gustave Roussy et l’Institut Curie à Paris, l’Institut Bergonié à Bordeaux, ou encore Oscar Lambret à Lille où les bénévoles d’IMAGYN vont au-devant des patientes et des proches pour les accompagner dans la maladie. 
Enfin, depuis 2019, nous avons l’agrément national du ministère de la Santé et nous agissons auprès des institutionnels pour faire bouger les lignes dans différents domaines.

CNAO

Quelles actions avez-vous engagées et quels résultats avez-vous contribué à obtenir ?


Dès 2019-2020, nous avons participé avec l'INCa à une commission sur l’amélioration de la qualité d'accès aux soins des patientes sur l’ensemble du territoire et avons beaucoup œuvré au niveau ministériel pour une prise en charge optimale des patientes atteintes de cancers de l'ovaire, quelle que soit leur origine géographique ou socio-culturelle. Les critères de qualité et les seuils d’autorisation définis par cette commission ont été entérinés dans un décret signé en avril 2022 et leur mise en œuvre doit être effective en juin 2023. Nous veillerons à ce qu'ils soient respectés.


En avril 2020, dans le cadre du dépistage organisé, le test HPV en routine a remplacé le frottis à partir de 30 ans. Il permet de détecter la maladie plus tôt et, s'il est négatif, d'espacer les examens. En janvier 2021, l’Assurance Maladie a acté le remboursement de la vaccination des garçons sur prescription.


Et comme on est toujours plus forts à plusieurs, Imagyn a lancé en début d’année le collectif
Demain sans HPV, une action conjointe avec 10 associations qui partagent nos valeurs, nos objectifs et portent nos messages. Certaines sont dédiées aux maladies taboues - Corasso, No Taboo, Actions Traitements, Akuma ou le CRIPS Île de France (Centre régional d'information et de prévention du sida) ; d’autres, comme Clelialine et Courir pour elles organisent des événements sportifs destinés à récolter des fonds pour la recherche. 
Le collectif a été fortement soutenu lors de la Semaine européenne de la vaccination en avril dernier, avec une diffusion massive sur les réseaux sociaux du flyer HPV Tous concernés, dont l’objectif est de faire comprendre aux jeunes et à leurs parents la chance qui leur est donnée de pouvoir être vaccinés, et l’approbation d’un grand nombre de pédiatres, proctologues et sociétés savantes. Le HPV, c’est 6000 cancers et 3000 décès par an - autant que sur la route ! - alors que l’on dispose maintenant d’un recul suffisant et de preuves scientifiques pour affirmer que la vaccination est efficace.

Avez-vous de nouveaux projets en cours ou à venir ?


Le Collectif poursuit son action institutionnelle avec les cinq propositions qui ont été faites pour éliminer les pathologies liées au HPV et son soutien à la campagne de vaccination des collégiens de 5ème, annoncée en février par le gouvernement et qui débutera en octobre.
Notre priorité est maintenant d’obtenir la vaccination des filles et garçons de 19 à 26 ans, puisque les études montrent que l'efficacité du vaccin reste probante jusqu’à 30 ans. La vaccination a souffert pendant des années d’importantes campagnes de désinformation qui ont pu expliquer la réticence des parents à faire vacciner leurs enfants mineurs. Ensuite, pendant la crise du Covid, où l'accès aux cabinets médicaux était restreint, environ 300 000 jeunes filles n'ont pas pu être vaccinées. C’est une perte de chance que l’on peut rattraper en donnant aux jeunes majeurs qui le souhaitent la possibilité d’être vaccinés. On espère donc une décision favorable de la HAS.


En ce qui concerne Imagyn, le COCON est reparti en tournée pour la troisième année : à Lyon les 22 et 23 mai, puis à Grenoble les 31 mai et 1er juin. Nous serons à Rouen, Rennes et Poitiers début juillet. Enfin, à l’occasion de Septembre Turquoise, en même temps que notre quatrième livret sera lancé, un nouveau webinaire portera sur l’Activité Physique. Un autre suivra certainement pour accompagner la vaccination des collégiens contre les infections à HPV.

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