CELINE CARDOSO-FORTES et MARIE-EVE HUTEAU, le binôme du partenariat patient
Une patiente partenaire et une ingénieure en pédagogie et en santé publique au service du partenariat en santé
Céline, comment a démarré votre engagement patient ?
Je vis depuis mes 19 ans avec un syndrome du grêle court (SGC) à la suite d’une opération de l'appendicite qui a mal tourné. Je me suis construite depuis 32 ans en tant que femme, professionnelle, épouse, mère avec cette pathologie. Après une première vie professionnelle passionnante dans le management, j’ai dû me reconvertir à la suite d’une dégradation de ma santé. C'est là que mon engagement a démarré au Centre expert de nutrition de Montpellier. J'ai demandé très tôt à être autonome dans la gestion de mes soins complexes de nutrition parentérale. J’ai spontanément formalisé par écrit les différentes étapes d'apprentissage de mes soins et j'ai remis mon travail à l'équipe du Centre Expert.
C’est ainsi que nous avons créé le tout premier programme d'Education Thérapeutique du Patient (ETP) en nutrition parentérale de l'Institut du Cancer de Montpellier (ICM). J’ai décidé ensuite de me former pour asseoir ma légitimité. A l’Université des Patients, en 2010, j’ai suivi la première formation patient partenaire en SGC. Cette formation a été un virage dans mon parcours de patiente partenaire. J’ai approfondi ma formation avec le Diplôme Universitaire d’ETP et des formations annexes en facilitation d'intelligence collective. Le point d'orgue, en 2020, a été le cursus sur les fondements des partenariats patients, en binôme avec Marie-Ève au Centre d'excellence du Partenariat patient de Montréal. Enfin, pour faire vivre mon engagement de patiente partenaire et agir en complémentarité des équipes de soins, j’ai fondé une structure de conseils, dans l'éducation thérapeutique et relation du patient.
Marie-Eve, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis ingénieure en formation, pédagogie et projet. J'ai une activité de consultante et formatrice auprès de plusieurs structures en France. Je viens du monde de la santé publique. Dès 2006, dans le cadre d’un autre engagement associatif, je commence à toucher du doigt le concept de prévention par les pairs, des projets de prévention faits par, pour et avec le public concerné. En 2010, à l'ICM, je découvre le monde hospitalier, des soignants, des patients, des aidants. En tant qu’ingénieure en ETP, je mets en place des projets d'amélioration des parcours de soins, d'ETP, d’outils éducatifs ou de communication entre professionnels. J'ai toujours pratiqué des sports d'équipe. Jouer collectif, en partenariat, est aussi un leitmotiv de ma vie professionnelle.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Marie-Ève L’équipe de soin m’a parlé de Céline et du programme d’ETP qu’elle avait conceptualisé. Mes collègues avaient bien senti nos points communs avec Céline. Je lui ai proposé d’intervenir dans un programme d’ETP et nous avons rapidement travaillé sur un premier projet de formation.
Céline En 2010, l’idée de patients experts émergeait juste ! J’ai eu la chance d’être sollicitée non pas comme témoin mais pour coconstruire un programme de formation d’ETP destiné aux professionnels et agir en combinant nos compétences professionnelles et les savoirs expérientiels de la maladie chronique. Cela a été le départ d'un mode de fonctionnement en binôme, complémentaire, dans une démarche collaborative à 100 %, qui s'est fait naturellement et qui ne s’est pas arrêté depuis 12 ans. La première fois, j’étais intervenue quelques heures. Aujourd’hui, nous coanimons la formation d’ETP.
Votre collaboration ne se limite pas à ces formations en ETP ?
Marie-Ève Pas que, en effet. Nous avons déposé à l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie, avec le centre expert et le Dr Stoebner-Delbarre, le programme d'ETP créé initialement par Céline pour accompagner les patients ayant une nutrition parentérale. Puis, quelques années après, au vu des résultats, nous l’avons formalisé et étendu à toutes les formes de nutrition artificielle et redéposé auprès de l’ARS. Dans le même temps, nous avons construit plusieurs dizaines d'outils éducatifs, avec et pour des patients avec des diététiciens, infirmiers, médecins, psychologues… Par exemple, nous avons créé une minisérie, « Mon énergie connectée ! », pour aider les patients et leurs proches concernés par la nutrition artificielle.
En parallèle, nous continuons à intervenir en duo dans des journées ou congrès. Nous sommes membres du Centre Opérationnel du Partenariat en Santé (COPS). Aujourd’hui, nous commençons à être identifiées et sommes sollicitées pour exposer notre concept de binôme. Cela nous tient à cœur de le partager et d’impulser des initiatives chez d'autres. Ce travail en binôme nous plait mais surtout est efficace, surtout quand cela aboutit à des solutions concrètes comme ces vidéos.
Céline Nous avons aussi coorganisé le 3ème congrès national d’ETP en cancérologie avec d'autres professionnels et patients partenaires et avons des projets de recherche sur la conceptualisation, justement, du partenariat en santé. Dans le cadre de notre mémoire de fin d'études pour Montréal, nous avons un article en attente de publication sur la formation aux partenariats auprès de professionnels de santé. Le fruit d’un gros travail de recherche.
Quelle est l’originalité de ce binôme ?