BÉATRICE M’BARK, fondatrice de l’association Info Rein Santé et de la start-up Mobydi

Sylvie Favier • mars 07, 2023

L’information ad hoc et la dialyse dans la poche : l’autonomie au cœur du parcours de soins du patient insuffisant rénal


Béatrice M'Bark

Béatrice M'Bark

Fondatrice de l’association Info Rein Santé et de la start-up Mobydi 

Dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter brièvement ?


J'ai 52 ans. Jusqu’en 2002, j’étais responsable de clientèle dans un groupe international. Un matin, j’ai eu de violents maux de tête, j’ai dû être hospitalisée en urgence et on m'a décelée une insuffisance rénale chronique, à un stade relativement avancé.


Pendant la phase de pré-suppléance, qui a duré 10 ans, j’ai continué à travailler, à faire du sport, à partir en vacances… Jusqu’en 2012, où il a fallu en venir à la dialyse. J’étais prévenue que ce jour arriverait mais malgré tout l’annonce m’a fait un choc. Le temps qu’il faut y consacrer (trois fois 4 heures par semaine), le caractère invasif du soin, les répercussions sur le rythme de vie, l’alimentation, la vie sociale, les projets… tout cela complique l’existence et change la perception que l’on a de soi. 


 J’étais une maman seule ; c’était important pour moi de continuer à travailler. Mon entourage professionnel a fait preuve de beaucoup de compréhension ; j’ai pu télé-travailler, ce qui n’était pas commun en 2012. J’ai pourtant rencontré des difficultés, notamment une fatigue extrême un jour sur deux.

Au bout de quatre ans de dialyse en centre, la greffe se faisant attendre, j’ai contacté un hôpital qui proposait la dialyse à domicile. Après deux mois d’apprentissage de la technique, ma vie a radicalement changé ! Je travaillais beaucoup plus sereinement, je me suis autorisée une vie sociale plus active et surtout, j’ai retrouvé davantage de mobilité puisque je pouvais emporter ma machine avec moi !
L’année 2018 a été celle de la greffe et de tous les changements, géographique puisque j’ai quitté Paris pour m’installer dans la campagne normande, et aussi professionnel puisque j’ai été licenciée, ce qui m'a donné l'opportunité d'une reconversion.



Pourquoi avez-vous décidé, à ce moment-là, de vous tourner vers le secteur associatif ?


J’ai mesuré la chance que j’avais eue de pouvoir choisir le mode de dialyse que je souhaitais (bien que de plus en plus de centres développent la dialyse à domicile, l’offre reste hétérogène sur le territoire), et de recevoir un greffon. Beaucoup n’ont pas cette chance, faute d’information suffisante. Alors j’ai réfléchi à un moyen d’accompagner les personnes qui en ont besoin. L’engagement associatif, à la différence d’une entreprise dont la finalité est de s’enrichir, est un acte citoyen qui contribue à améliorer le quotidien des personnes et, ce faisant, à donner du sens à l’exercice de ses compétences.
Le parcours de l’insuffisance rénale passe par trois étapes que je connais bien : la pré-suppléance, la dialyse et la greffe. Chacune est un moment charnière, avec ses spécificités. J’ai créé Info Rein Santé pour encourager l’autonomie - à un moment où on ne parlait pas encore de patient partenaire ou expert - en diffusant pour chacune de ces étapes une information qualitative validée par des scientifiques. Accéder à une information cohérente, c’est aussi s’approprier sa maladie et les associations ont un rôle à jouer dans cet accompagnement pour rassurer, orienter, encourager le dialogue. C’est la conviction que personne ne doit ignorer les possibilités d’amélioration de son parcours, ni rester démuni devant des choix difficiles, qui m’a motivée. 



Favoriser l’autonomie, c’est aussi la finalité de Mobydi. Comment l’idée est-elle née ? 


A l’origine de Mobydi, il y a le besoin de vacances que l’on a tous ! Mais les patients dialysés ont un fil à la patte qui complique beaucoup l’organisation des déplacements, au point que beaucoup y renoncent.

Il se trouve que pour préparer ma reconversion, je m’étais lancée dans l’Executive Master Management des médias et du numérique à Sciences Po, sans pour autant savoir précisément ce que j’allais en faire. J’ai réalisé à quelle rapidité le numérique s’imposait dans l’innovation et j’ai fait mon mémoire sur le numérique comme outil d’amélioration du parcours de soins en dialyse. C’est tout ce processus d’idéation qui a donné vie au projet.


Mobydi est donc une start-up née en 2020 qui a pour objet de rendre aux patients insuffisants rénaux la liberté de voyager. La plateforme WebApp, accessible depuis un ordinateur, un téléphone ou une tablette, a été lancée en mars 2021. Elle assiste les personnes en dialyse pendant la préparation et tout le long de leur voyage. La version actuelle répertorie les centres de dialyse - soit plus de 800 en France - avec un signalement des différentes modalités de soins qui y sont pratiquées, et propose un accompagnement personnalisé totalement gratuit.

Par ailleurs, pour répondre également aux contraintes des soignants en dialyse, nous développons une version professionnelle qui leur est destinée, en co-construction avec les centres de dialyse. En facilitant la communication entre les différentes structures, elle leur permet d’organiser un accueil optimal pour les patients tout en gagnant un temps administratif précieux. 

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Quelles sont les prochaines étapes ?


De nouveaux modules sont en cours de développement et seront mis en service dans le courant de l’année. Ils concernent divers points de vigilance : l’alimentation, avec des recettes adaptées et un accompagnement au maintien d’un bon équilibre alimentaire ; le sport, recommandé comme dans toutes les pathologies chroniques ; le suivi des constantes - poids, tension… - qui sont des signaux forts du contrôle de l’insuffisance rénale, pour rassurer et réagir si besoin ; et enfin le traitement médicamenteux, avec des conseils pratiques pour l’adapter aux conditions d’un voyage à l’étranger et préserver la prise quotidienne pendant tout déplacement. 


A terme, nous voulons aussi proposer aux centres de dialyse un abonnement à une solution SaaS (Software as a Service), pour faciliter le suivi des demandes de séjour. Ce projet va prendre du temps parce qu’il s’agit de coconstruire avec les centres de dialyse et de trouver un modèle économique en cohérence avec nos valeurs et notre éthique. 

Dernier point, nous avons été sélectionnés dans le cadre de l’appel d’offre Recherche REIN 2021 de l’Agence de la biomédecine, pour un projet de recherche sur les trajectoires des patients dialysés. Cette étude est en cours ; elle va permettre de dresser un état des lieux de la mobilité en dialyse - la temporalité, les habitudes de vacances en fonction de critères d’âge par exemple, les régions les plus fréquentées, etc. Nous aimerions aussi recueillir les difficultés de santé rencontrées par les patients au cours d’un séjour de vacances, pour améliorer les conditions de voyage spécifiques aux dialysés, notamment sur la question de l’assurance. 



Pour finir, quel bilan pouvez-vous tirer avec une année de recul ?


Nous avons déjà plus de 300 usagers pour la seule consultation de la carte des centres et une trentaine de patients ont été accompagnés individuellement. C'est une grande satisfaction compte tenu des contraintes sanitaires liées à la Covid qui ont freiné les déplacements pendant plusieurs mois. 
C’est aussi et surtout la confirmation qu’il y a une vraie volonté d’autonomie. Le bilan est donc plutôt gratifiant ! 

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