ANNABELLE CHAMPAGNE, fondatrice de Wi Pharma

Sylvie Favier • nov. 16, 2021

Le premier service en pharmacie durable, collaboratif et solidaire


Annabelle CHAMPAGNE

Fondatrice de Wi Pharma


                                                           

                                                                                  Projet terminé.




Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?


Je suis docteure en pharmacie et diplômée d’un master en santé publique à HEC. J’ai travaillé pendant 10 ans en laboratoire pharmaceutique, en milieu médical hospitalier et en ville pour des patients en oncologie qui nécessitaient une prise en charge ambulatoire. Je suis maman d’un enfant handicapé atteint d’une pathologie rare et aidante de ma mère, qui n’habite pas dans la même ville que moi.


Comment, dans ce contexte personnel et professionnel, l’idée de Wi Pharma est-elle née ?


Je suis bien placée pour savoir que si beaucoup de patients peuvent, grâce à la télémédecine, bénéficier de consultations à domicile, il n’en va pas de même avec la pharmacie : un malade de retour chez lui avec une ordonnance n’est pas toujours en état de se déplacer pour récupérer ses médicaments, de nombreuses personnes âgées maintenues à domicile ne sont pas mobiles et il n’est pas facile pour un parent actif et débordé de se libérer lorsqu’un enfant est malade. 
A titre professionnel comme à titre personnel, j’ai fait le même constat : on n’est jamais aussi seul qu’en ville.  Et dans un système de santé qui s’oriente de plus en plus vers le maintien et le soin à domicile, l’accès aux médicaments devait se développer.

Décrivez-nous le concept et la genèse de Wi Pharma


L’entreprise a été créée en 2016 avec l’objectif de faire émerger des communautés d’entraide locale pour acheminer des médicaments depuis une pharmacie de quartier vers les patients, avec une meilleure cohésion et une meilleure prise en charge. 
On a travaillé pendant un an sur des maquettes d’application avant de solliciter des financements sur un projet abouti et de lancer l’activité en 2017. Grâce à un financement de la French Tech en 2018 - la French Tech est une initiative qui mobilise investisseurs et décideurs pour le développement des startups françaises et écosystèmes territoriaux - on a développé l’application mobile Wi Pharma, qui est un outil de portage de médicaments simple et sécurisé (on n’utilise pas les données de santé), aujourd’hui disponible sur Google Store et App Store. Dans le même temps, un autre financement de la Conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie (CFPPA) des Hauts de Seine a permis de lancer une phase d’expérimentation dans plusieurs communes du département où les mairies nous ont ouvert les portes des hôpitaux, des cliniques et des professionnels de santé libéraux.

Pour créer ces réseaux d’entraide gratuite, nous nous appuyons sur deux associations à portée nationale, Famille de France et Voisins solidaires (pour nous assurer un maillage territorial le plus large possible), les associations locales bien sûr, et animons un réseau de bénévoles.

Notre business model est rentable et durable. Il repose sur un principe de consommation collaborative (que l’on a appelé le WiPass) et sur un fonctionnement de la plateforme uniquement à coût d’utilisation : une pharmacie s’inscrit gratuitement, si ça ne marche pas, elle ne paye rien ; si ça marche, elle ne paye que les frais de fonctionnement, de 0,80 € par ordonnance.

Notre communication passe par les réseaux sociaux évidemment, mais aussi par les CLIC (Centre locaux d’information et de coordination) et les CCAS (Centres communaux d’action sociale) qui veulent bien relayer l’information. En ma qualité de membre de l’ANCMP (Association nationale des collaborateurs de ministres et parlementaires), j’ai également la possibilité de présenter Wi Pharma dans les commissions de santé et auprès des députés et sénateurs.

Concrètement, comment fonctionne l’application Wi Pharma ?

J’ai une ordonnance, je la photographie et je l’envoie via l’application à une pharmacie géolocalisée par le site à proximité du lieu sur lequel je souhaite être livrée (domicile, lieu de travail, hôpital). Si je ne suis pas déjà identifiée dans cette pharmacie, je joins à l’ordonnance ma carte Vitale et ma carte de mutuelle. Plusieurs options me sont ensuite proposées : 
-le click and collect en pharmacie : dans ce cas mon pharmacien prépare ma commande et je passe la récupérer à ma convenance,
-le click and collect chez un buraliste : nous avons constitué des duos pharmacies-buralistes qui permettent au patient de choisir un buraliste mieux situé que la pharmacie. C’est le principe du casier connecté, mais avec un casier humain ! Ce service est facturé au patient.
-la livraison par un tiers de confiance : un bénévole visualise le trajet à effectuer, qu’il peut accepter ou refuser. S’il l’accepte, il est mis en relation avec le patient demandeur et les deux se valident mutuellement. Le bénévole livre la commande dans la journée, dans un emballage scellé.
- le cas échéant je règle mon dû soit par chèque à la remise du colis ou chez le dépositaire en CB.

L’application permet également de prendre rendez-vous avec le pharmacien pour un échange personnalisé. 



En quoi vous démarquez-vous des services de livraison classiques ?

Le maintien à domicile, c’est le marché de demain ; pour preuve, les géants du Web, La Poste, Monoprix, Casino et j’en passe, tous se positionnent sur ce créneau.  Mais là où nous sommes uniques et visionnaires, c’est sur la Tech for Good et la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). L’impact sociétal, la bienveillance sont les valeurs fondatrices de notre projet. Et là ou d’autres se battent sur des solutions logistiques et de la livraison payante, Wi Pharma disrupte le marché de la pharmacie. Avec la gratuité du service et les avantages collaboratifs, nous sommes les seuls sur ce créneau de l’alliance technologie et bien commun.

De plus, Wi Pharma s’inscrit totalement dans la stratégie gouvernementale Ma santé 2022 : Wi Pharma crée du lien intergénérationnel, favorise le maintien à domicile, soulage les aidants et allège la charge mentale des parents d’enfants malades en activité.

Enfin, nous sommes pharmaciens, notre connaissance du patient et de la législation relative à la santé sont nos atouts.



Que pouvez-vous dire du succès de Wi Pharma, trois ans après son lancement ? 


Que le malheur des uns fait le bonheur des autres ! Grâce au COVID nous avons obtenu notre preuve de concept : il a démontré que dans ces circonstances particulières, seule l’entraide à l’échelle du quartier pouvait fonctionner. On a explosé, là où même les géants comme Amazon se trouvaient démunis ! Cette période de crise a validé le potentiel d’un service qui paraissait absurde en 2016 !

On a constaté aussi que le pharmacien de quartier est un élément « naturel » de confiance. Wi Pharma est une solution de proximité qui permet d’entretenir ce lien de confiance, essentiel dans le développement du digital.

En termes de maillage, nous travaillons aujourd’hui avec une trentaine de pharmacies par département. La satisfaction exprimée par les patients et les aidants devrait nous permettre d’en rallier davantage. Sur le seul département des Hauts de Seine, nous avons environ 1500 bénévoles et 850 patients livrés gratuitement.

Grâce à nos collectes de dons effectuées à l’occasion des livraisons, nous avons récupéré et redistribué à des associations plus de 700 produits Cyclamed (à jeter) et non utilisés comme des couches, des boites de lait en poudre ou encore des pansements.

Enfin, nous avons bénéficié d’une large reconnaissance. Nous avons été lauréats du concours Les Ambitieuses (réservé à des femmes créatrices d’entreprises Tech for Good qui répondent aux défis sociaux et environnementaux) organisé par La Ruche, un réseau national de bénévoles qui soutient les startups sur les plans opérationnel et stratégique. Notre projet a été retenu au programme de mentorat de la CCI, soutenu par Sanofi, qui vise à booster la croissance de jeunes entreprises à fort potentiel par le transfert d’expérience.

Nous sommes finalistes aux trophées de la SilverEco, qui récompensent les initiatives liées au bien vieillir. Et nous avons co-signé le livre publié récemment par Frédéric Bizard, L’autonomie solidaire en santé, qui est une tribune pour la santé solidaire, dont nous sommes finalement une déclinaison opérationnelle. 

Tout cela réaffirme notre empreinte Tech for Good et nous donne de la visibilité.



Quelles sont vos perspectives de développement ?


Dans l’immédiat, les résultats ayant été convaincants dans les Hauts de Seine, nous lançons une phase d’expérimentation dans trois nouveaux départements : l’Oise, le Val d’Oise et la Corrèze. Les zones rurales ont un fort potentiel pour notre activité : la solidarité y est plus développée et les systèmes de livraison classiques y sont coûteux du fait des distances.

Un déploiement à l’échelle nationale est ensuite prévu en septembre 2022 : nous sommes en discussion avec d’éventuels nouveaux partenaires pour multiplier les points de click and collect, toujours dans l’optique de favoriser la relation humaine, tellement elle nous semble importante, plus encore que les médicaments, quand on ne va pas bien. 

Puis nous souhaitons aborder les marchés Européen et Africain. La santé solidaire est une préoccupation commune dont la Commission Européenne pourrait se saisir pour développer Wi Pharma, et l’Afrique avec d’énormes besoins en livraison de médicaments, est déjà desservie par une société de drones, en collaboration avec un laboratoire pharmaceutique, dont nous pourrions nous rapprocher…






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