FLORENT BOSSERT-CASTELLI, fondateur d’Hospitalink

Sylvie Favier • juin 22, 2022

Fluidifier sans déshumaniser : Hospitalink introduit la communication « intelligente » entre patients hospitalisés et soignants 


FLORENT BOSSERT-CASTELLI

Florent Bossert-Castelli

Fondateur d’Hospitalink

Avant tout, pouvez-vous vous présenter brièvement ?


J’ai 26 ans. En 2015, alors que j’étais en école de commerce à Nice, on m’a diagnostiqué une leucémie. Pendant cette année « à blanc », j’ai fait 4 séjours hospitaliers de 5 semaines chacun ; c’est à ce moment-là que j’ai imaginé Hospitalink. Mais après, j’ai repris mes études, j’ai suivi pendant 2 ans une spécialisation dans la finance et je suis parti travailler à Londres dans un fonds d’investissement, avant de rentrer en France et de me consacrer pleinement à l’application.


Expliquez-nous ce qu’est Hospitalink et de quels constats est née l’idée .


Pendant mon hospitalisation, j’étais en aplasie, en unité protégée, dans l’impossibilité totale de sortir de ma chambre. Je n’avais que la poire d’appel malade pour communiquer avec le personnel. J’étais dans un état instable qui occasionnait parfois des appels urgents et quelquefois, j’avais juste envie d’une de ces glaces que mes parents m’apportaient et qui étaient conservées dans le congélateur du poste de soins ! Mais la poire d’appel malade ne permet pas de prioriser les appels ni de les caractériser : les soignants n’ont pas la possibilité de différencier une demande de verre d’eau d’une urgence médicale. Cette situation génère du stress, de la fatigue ainsi qu’une charge mentale supplémentaire chez les soignants qui sont débordés et de l’insatisfaction chez les patients. Hospitalink est donc une solution innovante pour améliorer la communication entre les patients et les soignants à l’hôpital. Elle comprend trois dispositifs.

Le premier, c’est l’appel malade intelligent. Il permet au patient de préciser le motif de son appel. Concrètement, il dispose d’une application sur son smartphone, avec laquelle il peut adresser des requêtes au personnel hospitalier auxquelles sont associés des pictogrammes préprogrammés - verre d’eau, douleur, chute… - automatiquement traduits en 5 langues. Les soignants reçoivent les requêtes sur leur tablette, smartphone ou ordinateur, qui sont instantanément priorisées par un algorithme intégré. Ils peuvent donc organiser leur intervention au mieux en fonction du besoin exprimé et, dans l’intervalle, le patient peut suivre l’état d’avancement de sa demande.

Le deuxième dispositif, c’est un module d’information sur mesure. Cet accompagnement offre la possibilité au patient de recevoir via Hospitalink une information personnalisée et pertinente en fonction de ses besoins et au bon moment de son hospitalisation. Il peut s’agir de documents simples - par exemple, la procédure de connexion au Wi-Fi ou les conditions et horaires de visite -, comme de contenus plus complexes tels que des fiches ou vidéos d’information thérapeutique.

Enfin, nous avons également intégré dans l’application un logiciel de messagerie sécurisée entre soignants. Le mode de fonctionnement est comparable à celui de WhatsApp, à la différence que les informations médicales du patient sont traitées par Hospitalink et conservées sur des serveurs hébergeurs de données de santé. 

Finalement, cette communication impacte positivement à la fois l’expérience patient et la qualité de vie au travail des soignants. Elle apporte aussi des réponses concrètes à des problématiques organisationnelles dans les établissements de soins.



Quels ont été vos partenaires dans cette aventure ?


Dans un premier temps la BPI (Banque Publique d’Investissement et un incubateur nous ont permis de faire une PoC (Proof of concept), c’est-à-dire de valider la faisabilité et la viabilité du projet. Une première version simple de l’application a alors été testée réellement dans un premier établissement. On a ensuite pu faire une première levée de fonds auprès d’investisseurs, à laquelle se sont ajoutés un nouveau financement de la BPI et une subvention régionale. À partir de là, on a pu commencer à se structurer, à envisager le déploiement de l’application et le recrutement des profils nécessaires. Dans cette même période, on a signé un partenariat avec le laboratoire Pfizer, permettant le déploiement dans 7 établissements.



Quels sont vos résultats à ce jour ?


Aujourd’hui, Hospitalink compte une dizaine de salariés, des développeurs et des commerciaux notamment. Nous sommes maintenant présents dans une vingtaine de services de 10 établissements des Hauts de France, d’Ile de France, de PACA et de Belgique, dont le Centre Antoine Lacassagne, à Nice, où j’ai été hospitalisé. Aujourd’hui, je suis fier de dire que les praticiens qui m’ont soigné utilisent Hospitalink au quotidien : c’est une manière de les remercier à ma petite échelle. Côté patients, on enregistre chaque semaine environ 10 nouveaux utilisateurs par service, soit 200 par semaine. Côté soignants, environ 50 par service, donc un total de 1000 utilisateurs. Autour de 1000 requêtes par jour sont traitées via Hospitalink.


Quelles ont été selon vous les clés du succès ?


Tout d’abord, pour répondre au mieux aux besoins des patients, nous avons dès le départ adopté une stratégie de co-construction avec les personnels hospitaliers : toutes les fonctionnalités actuelles et à venir sont le fruit de remontées des acteurs du terrain.

Dans un contexte difficile pour l’hôpital, Hospitalink est un outil qui répond à des enjeux qualitatifs de la prise en charge puisqu’il permet de cerner la demande des patients et de les rassurer en temps réel, mais aussi d’analyser ces données afin de mesurer la qualité de prise en charge des patients.

Les utilisateurs hospitaliers reçoivent une formation pour une mise à profit optimale de l’outil. Pour répondre au turnover important dans les services de soins, un module de formation accélérée est en cours d’élaboration pour les nouveaux arrivants.

Enfin, en termes d’efficience, on a calculé qu’Hospitalink réduit de moitié les allers-retours des équipes soignantes ; c’est beaucoup de temps épargné, moins de fatigue et plus de disponibilité pour le patient.

 

Des perspectives de développement ?


Plusieurs pistes de réflexion sont ouvertes : comment faire pour utiliser Hospitalink quand on a un téléphone à clapet et pas de tablette ; faire remonter directement dans le dossier patient l’information qui transite par Hospitalink, pour faciliter la lecture dans les réunions de transmission ; élargir le champ de communication d’Hospitalink aux intervenants hospitaliers non-médicaux (diététiciens, brancardiers…).

Une autre piste de réflexion est l’accompagnement du patient dans la phase post-hospitalisation. Mais contrairement à ce créneau de la communication intra-hospitalière où Hospitalink est seule positionnée, le marché du domicile est concurrentiel. Il faut donc peser les différentes options, en concertation avec les soignants. C’est une stratégie à plus long terme, à horizon 4 ou 5 ans. 


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